Français, Belges, réveillez-vous !
Chaque fois qu’un acte antisémite est commis, les pouvoirs publics et les médias le minimisent: acte d’un déséquilibré, nous affirme-t-on. Quand donc ouvrira-t-on les yeux? Combien d’Ilan Halimi, de Toulouse, de Bruxelles, nous faudra-t-il pour qu’enfin l’on comprenne ce qui est en train de se développer, de se répandre, tant en France qu’en Belgique?
Les fantômes du passé sont en train de ressurgir. 69 ans après la fin de l’horreur des camps d’extermination nazis, 70 années après la disparition d’une certaine France qui avait poussé l’avilissement jusqu’à participer à la traque d’hommes, de femmes et d’enfants dont le seul tort était d’être juifs, il semblerait que l’antijudaïsme soit de retour dans nos pays. Sans doute n’avait-il jamais complètement disparu. Mais ceux qui éprouvaient au fond d’eux-mêmes de tels sentiments n’osaient pas les exprimer publiquement. Aujourd’hui, ils ne semblent plus avoir honte d’éructer leur haineuse ignorance. Aujourd’hui, certains n’hésitent plus à défiler à Paris ou ailleurs en hurlant « Juif ! La France n’est pas à toi ! » ou « Juifs dehors !»
Samedi 24 mai, un tueur a froidement abattu de paisibles visiteurs et employés au Musée Juif de Bruxelles. Il y a deux ans, un autre assassin tuait trois enfants et le père de deux d’entre eux devant une école juive de Toulouse. En janvier 2006 il y eut le martyre d’Ilan Halimi, enlevé, séquestré, torturé à mort par la racaille qui avait choisi sa victime pour son appartenance à la communauté juive. Et puis, il y a aussi tous ces actes de brutalité, ces Juifs agressés ou menacés à leur sortie de synagogues ou tout simplement parce qu’ils portaient une kippa. Même la paisible Principauté d’Andorre ne semble plus être à l’abri des méfaits de cette bête immonde : le 18 avril dernier, un jeune homme de 21 ans a été sauvagement frappé par un groupe de cinq jeunes néo-nazis, à la sortie d’une discothèque, lui causant sept fractures au visage. Dans un tel climat antisémite, les Juifs se sentent de plus en plus menacés. Nombre d’entre eux envisagent à présent d’aller s’installer en Israël. Les statistiques témoignent d’ailleurs d’une augmentation sans précédent du nombre de Juifs français à avoir fait leur « alya », ces derniers mois.
Comment en est-on arrivé là ? La polémique suscitée par un triste pitre qui n’a pas hésité à utiliser la pire tragédie du XXe siècle comme fonds de commerce en est-elle la cause ? La montée de l’islamisme dans les banlieues en est-elle une autre ? Le conflit israélo-arabe, qui n’est qu’un prétexte, est depuis trop longtemps instrumentalisé par certains dans le seul but de pouvoir assouvir leur haine du Juif, qu’ils masquent, bien maladroitement, sous l’étiquette « antisioniste ». Savent-ils seulement, ces ignares, ce qu’est le sionisme ? Ont-ils jamais entendu parler de Théodore Herzl ?
Les responsables de ces débordements haineux ne sont pas nécessairement les incultes qui hurlent leur haine du Juif. Ce sont plutôt ceux qui, plus instruits, répandent cette haine sur internet, bien à l’abri, cachés sous des « pseudonymes ». Les responsables, ce sont aussi ces gens éduqués qui osent mettre en doute la réalité du génocide perpétré par les nazis, ou ceux, souvent les mêmes, d’ailleurs, qui n’hésitent pas, dans une abjecte falsification historique, à traiter les Israéliens de « bourreaux nazis », tout en présentant les tueurs obscurantistes du Hamas comme de courageux « résistants ». J’en connais qui n’hésitent pas à étaler leur pseudo érudition, toujours sur internet, pour expliquer à n’en plus finir que les Juifs sont responsables de tous les malheurs du monde, de la Révolution française, de l’autre (la bolchévique), de la Première Guerre Mondiale ou des diverses crises économiques. Sans parler des ignobles « complotistes » qui osent affirmer que ce sont les Juifs qui sont derrière les attentats du 11 septembre 2001 et même de ceux commis par l’assassin de Montauban et de Toulouse, dont je me refuse à écrire ici le nom. Lourde aussi est la responsabilité des politiques qui vident les programmes d’Histoire de toute substance, ou celle des enseignants qui n’osent pas (ou ne veulent pas) aborder la Shoah en classe, par crainte de heurter la « sensibilité » de certains élèves.
Soyons clairs : une rencontre a eu lieu, une alliance est née. La vieille extrême droite antisémite, qui n’avait jamais complètement disparu, même si elle était marginalisée et décrédibilisée depuis 1945, a rencontré l’antijudaïsme musulman et l’ultra gauche « antisioniste ». C’est cette alliance objective qui est à l’origine du climat actuel. C’est elle qui a réussi à libérer la parole de haine des propagateurs du nouvel antisémitisme.
Des centaines, peut-être des milliers, de Français et de Belges musulmans sont partis en Syrie faire le « djihad ». Ces radicaux sont en train d’y acquérir une expérience militaire mais aussi et surtout une expérience en atrocités. Ils reviendront encore plus fanatisés et plus aguerris. Ils représenteront alors un danger mortel pour la société et les valeurs démocratiques occidentales. Des actes tels que ceux de Toulouse ou de Bruxelles ne manqueront pas de se multiplier.
Il est donc grand temps que les Français, que les Belges, se réveillent, quelles que soient leurs origines, leurs croyances ou leurs affiliations politiques. Ils doivent prendre conscience du péril qui menace leurs pays. Face à la haine brute et au délire raciste exprimés par quelques milliers d’imbéciles intoxiqués de mensonges et de préjugés, il est plus que jamais nécessaire d’oser dire non, et de renvoyer cette abjection aux poubelles de l’Histoire d’où elle n’aurait jamais dû sortir.
Lorsque cela se sera produit, il s’agira de garder le couvercle bien fermé, cette fois.
Hervé Cheuzeville