Pour les absents du 13 janvier
Sur le vocabulaire, la prière et la frontière : les trois chocs du mariage pour tous.
Le projet de loi ouvrant le mariage pour tous avait été enregistré à l’ Assemblée nationale le 7 novembre 2012. Il arrive au vote maintenant. Avec 242 modifications de 12 codes juridiques, plus les répercussions jusqu’en Nouvelle Calédonie et même au Pôle sud dans nos Terres australes et antarctiques visées à l’article 23 du projet, c’est un séisme normatif.
Chacun croyait en effet que l’on n’allait modifier que le Code civil. Certes, on le modifie à 149 endroits, mais il n’y a pas que lui. Le Code du travail subit 31 impacts, le Code de la sécurité sociale est modifié à 23 endroits, le Code de la Défense est touché 8 fois et même le Code de l’environnement avec 2 empreintes.
La fin des orphelins
C’est la confirmation que la France est bien le pays du luxe. Quel autre pays en effet peut-il débattre sur la nécessité d’envoyer deux éléphants au sanatorium, des milliers de vieux malades au crématorium, tout en réunissant un Parlement pour supprimer les veuves et les remplacer par « des conjoints survivants » ?
Car c’est bien ce miracle que la France est en train de réaliser.
Andromaque qui pleurait Hector, c’est fini ! Et ces femmes avec leur fichu noir comme les Corréziennes de Malraux, debout sur leur tombe, Jacky Kennedy brisée à côté de John-John devant un destrier sombre tirant sur un fût de canon la dépouille du « mari » enveloppée dans la bannière étoilée, tout comme la « mère » de Philippe Seguin orphelin ou le « père » de Mazarine un matin humide à Jarnac, terminé. C’est l’histoire de malheurs anciens.
Maintenant les « maris » ont disparu de l’article 1452 du Code civil. Il n’y a plus que des « conjoints ». Le « père », de l’article L 4123-15 du Code de la Défense, devient un « parent », comme la « mère », et ça change beaucoup.
Jusqu’ici, quand on perdait son « père » ou sa « mère », c’était un choc affectif terrible. Dorénavant, on ne va plus perdre qu’un « parent ». C’est tout de même moins douloureux. Comme les ambitieux qui tuaient père et mère pour arriver, vont se banaliser en ne tuant plus qu’un simple parent.
Vers un Vatican III… ?
La vraie difficulté va être pour la prière, les bréviaires et la théologie. Ce qui explique l’opposition de l’Église qui ne s’y est pas trompée.. Non seulement parce que lors du mariage religieux pour tous, il va bien falloir ne plus discriminer. « Notre père » qui était aux cieux, ils vont finir par nous en faire forcément « Notre parent qui êtes aux cieux ».
Mais surtout, les tenants du mariage pour tous ne vont pas en rester là. Ils n’auront de cesse de rallumer la guerre théologique du « Filioque » que Charlemagne avait tranchée à Aix-la-Chapelle .
Pour nous, Romains, en effet, le Saint-Esprit procède du « Père » et du Fils . « Ex Patre Filioque procedit », soit en français « procède du Père et du Fils ». Bonjour les débats, si un des militants de la cause, lors de la cérémonie religieuse de leur mariage qu’ils vont imposer, vient resoulever le problème du Filioque en voulant que le Saint-Esprit procède du « Parent », on est parti pour un Vatican III.
Flambée de mariages au Consulat d’Alger
Plus sûrement, on est aussi parti pour une nouvelle vague migratoire. Le Pacs, en effet, à l’inverse du mariage, n’entraînait aucun effet sur la nationalité. Il n’emportait pas à lui seul la délivrance de plein droit d’un titre de séjour. Le mariage si. Autrement dit, le mariage pour tous, c’est la nationalité aussi pour tous en cadeau. Avec le droit au regroupement familial qui n’était pas ouvert aux Pacsés.
Le nouveau statut va ouvrir au conjoint le droit à une carte « vie privée et familiale » dès la conclusion du mariage. Le projet de loi déclare lui même, dans son étude d’impact : « les facilités résultant ainsi du mariage… sont de nature à ouvrir une voie supplémentaire de fraude fondée sur le mariage gris ou blanc, notamment pour ceux qui n’auront pas eu la possibilité de parvenir à leurs fins avec un partenaire de l’autre sexe ».
Quand les mariages pour tous vont au moins doubler, d’Alger à tout le sud de la Méditerranée, les 43 000 conjoints de Français qui déjà reçoivent chaque année un titre de séjour, qui sait un Gascon écrira peut être à la générale en chef d’un des partis français :
« Repens-toi brave histrion, nous avons défilé le 13 janvier et tu n’y étais pas… »
Jean-Claude Martinez
Professeur agrégé de Droit Public et de Sciences Politiques