Le courage paysan
Bien du temps s’est écoulé depuis que « labourage et pâturage étaient les deux mamelles de la France » chères à Sully, en passant près de la Mare au Diable où G. Sand racontait « qu’à l’instant où cette forme penchée sur la terre se relève on s’aperçoit que c’est un homme, un paysan » jusqu’à arriver aux années 50 du siècle dernier lorsque la clameur montait des bureaux ministériels parisiens « le paysan est mort, vive l’exploitant agricole ». Il s’en est même trouvé quelques-uns qui, ayant cru qu’il s’agissait d’une promotion dans l’ordre social se sont mis à hurler avec les loups. Pourtant derrière cette affreuse appellation reste un homme souvent solitaire, de la race des entrepreneurs.
Pour lui pas de semaine de 35 heures, pas de revalorisation automatique du Smic ou du point de la fonction publique, pas de retraite dorée ; il doit se satisfaire d’un revenu aléatoire au gré des circonstances. À titre indicatif, en prenant pour base 100 le revenu agricole moyen en 2000, il chuta à 78 en 2010 avant de retrouver son niveau initial en 2011, chiffres à manier avec précaution car, entre le revenu d’un céréalier beauceron et celui d’un éleveur de chèvres…
Espèce en voie de disparition dans l’indifférence des bobos écolos qui pleurent sur l’avenir de l’habitat des chauves-souris, les paysans, 1,3 million en 2000 et 966 000 dix ans plus tard, sont condamné par un système politique qui a mis dans la tête des citoyens le droit d’exiger des prix alimentaires toujours plus bas ; en règle générale pour s’offrir le dernier gadget électronique importé d’Asie mieux vaut passer chez Intermarché prendre un gigot importé de Nouvelle-Zélande que chez le boucher du coin qui propose le même morceau prélevé sur un mouton de présalé.
Ainsi la part du budget nourriture est passée de 24,7% en 1960 à 14,8% en 2005 puis à 13,6% en 2009.
Restait à expliquer aux paysans qu’en produisant plus ils vendraient plus, ce qui compenserait la perte de chiffre d’affaire due à la baisse de leurs prix de vente ; ce qui ne fut pas trop difficile grâce à la pédagogie de quelques syndicats agricoles félons qui omirent de rappeler que lorsque les coûts de production augmentaient plus vite que le chiffre d’affaire….
Pour s’en sortir le paysan dut apprendre à « faire avec » la PAC et autres directives des illuminés de Bruxelles plus habiles à manier les chiffres sur leurs ordinateurs que la charrue dans les champs, avec la mondialisation des échanges et la spéculation sur les cours des matières premières agricoles, avec le dernier produit ni trop salé, ni trop sucré, ni trop gras concocté dans les laboratoires de l’industrie agroalimentaire, avec les normes environnementales, et enfin avec la grande distribution toujours prompte à faire savoir qu’elle pouvait dénicher moins cher ailleurs.
Au bout du compte, dans une société de plus en plus urbanisée qui bouffe de la terre agricole pour construire des ronds-points en raz de campagne et des zones commerciales pour implanter des supermarchés, le paysan est tout juste toléré à condition qu’il produise de bons produits pas chers, qu’il soit le jardinier des paysages de France et surtout qu’il se taise ; la campagne c’est d’abord le silence.
Je sais des villages du Haut-Jura où les autorités locales ont pris l’heureuse initiative d’interdire le port des cloches qui signalaient la présence des troupeaux et d’autres où l’éleveur qui, le moment venu, a le toupet de sevrer les veaux en pleine saison touristique est montré du doigt.
Vous comprenez bien qu’on fait déjà beaucoup d’honneur au paysan en achetant sa production, alors si en plus il fait du bruit pour la vendre un peu plus cher afin d’en vivre pendant que les vaches, les basses-cours et les mauvaises terres à moutons sont légion à travers le vaste monde du libre-échange…Inadmissible !
De sorte que s’il a le mauvais goût de persister à râler, il est normal que Leclerc et consorts aillent voir plus loin ; sans se soucier du pays d’origine mais à l’image de nos importations d’hydrocarbures qui privilégient des Etats tels l’Algérie et les Pays du Golfe qui nous sont hostiles dans d’autres domaines au dépend de la Russie alliée naturelle de l’Europe.
Bilan de l’opération, à la nécessaire facture des produits énergétiques qui nous font défaut, s’est ajoutée aujourd’hui celle des biens manufacturés « made in Asie » et demain s’ajoutera celle des produits alimentaires…sous réserve qu’il nous reste trois sous pour régler l’addition sans qu’il soit nécessaire de demander l’aumône à la BCE, au FMI ou aux marchés financiers.
Le silence des usines gagne les campagnes, la France s’endort sans bruit, prête à reposer en paix dans le cimetière des Patries. Dans un cimetière nul besoin de Président de la République et pas davantage de Roi ; vouloir un Roi c’est d’abord vouloir une France vivante, souveraine et fidèle à la Loi naturelle et au baptême de Reims. La réciproque est vraie, car il va de soi que cette France est incompatible avec la République des partis.
En imposant le mariage pour tous, F. Hollande a sonné l’heure du réveil. Après les manifestations de novembre 2012 qui rassemblaient 2 à 300 000 opposants à la loi Taubira, celles de janvier 2013 réunissaient plus d’un million de participants.
Chiffre outrageusement minimisé par le ministère de l’Intérieur mais suffisamment réel pour mettre quelques idées dans les têtes des partis politiques de l’opposition, globalement aussi vides que les urnes aux derniers scrutins.
Conséquence de ces comportements et de l’importance du service d’ordre déployé par E. Valls pour interdire l’accès des Champs-Elysées, l’ambiance de la manif de mars laissait entrevoir que derrière « Taubira démission » perçait le désir d’un changement plus profond, celui d’une France vivante, souveraine et fidèle à la Loi naturelle.
La conséquence d’une répression policière inappropriée fut la naissance du mouvement des Veilleurs.
Bien que la loi fut votée et en dépit des mises en garde de Valls, en appelant à soutenir sans faille les Veilleurs, la manif de mai connut un succès identique à celui des précédentes.
À cet instant, s’ils n’avaient pas été obsédés par leur quête de succès électoraux, les partis politiques auraient pu voir qu’à la suite du cortège des manifestants, s’avançait leur cercueil. Parce qu’en ajoutant au désir d’une France vivante, souveraine et fidèle à la Loi naturelle, celui de la vie spirituelle posé par « la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde », les Veilleurs ont fait un pas vers la France que nous voulons, celle qui veut un Roi.
Si proche du but ne faut-il pas délaisser momentanément le « politique d’abord » pour, aux côtés des Veilleurs, concentrer nos efforts sur le « spirituel d’abord » ?
Pierre Jeanthon