Honneur à Guy Steinbach
Guy Steinbach est décédé le 7 novembre 2013. Bien que nous ne partagions pas certains aspects de son engagement, nous nous reconnaissions dans la plupart des valeurs qu’il portait et a su défendre tout au long de son existence.
Stéphane Piolenc souhaite lui rendre hommage à travers ces lignes et toute l’équipe de Vexilla Galliae présente ses condoléances à sa famille, ses proches et ses amis.
J’ai fréquenté bien trop peu Guy Steinbach pour avoir la prétention de le connaître. Nos rencontres furent toujours trop fugaces, formelles, et souvent noyées parmi plusieurs dizaines de personnes. Dans ces conditions, je n’eus la possibilité ou l’intelligence de chercher à tisser des liens avec cette figure dont j’étais séparé par deux générations, une guerre et deux conflits coloniaux,
Mais, de ces aperçus, je pense conserver dans ma mémoire l’inébranlable stature de cet homme viril qui fait cruellement défaut à nos sociétés occidentales ; de l’indéfectible loyauté de ce royaliste demeuré fidèle, contre tous les vents et marées qui secouèrent le milieu monarchiste jusqu’à approcher l’extinction ; du courage enfin, de ce soldat qui a mis sa peau au bout de ses idées, de ses valeurs… pour son pays, son roi, sa dignité, quand tant d’hommes préfèrent de nos jours se coucher plutôt que d’affronter les turpitudes.
Tant de choses m’éloignaient de Guy Steinbach. Il était déjà vieux quand j’étais plus que jeune. C’était un homme d’action alors que ceux qui me connaissent me rangent plus volontiers parmi les intellectuels, ceux dont Bernanos disaient qu’ils devaient impérativement avoir à cœur de justifier, en préambule à toute chose, qu’ils n’étaient pas des imbéciles. Il a participé à la manifestation du 6 février 34, lorsque la République n’hésitait pas à tirer sur la foule, et face à laquelle les brimades policières que rencontrèrent les participants de la Manif Pour Tous n’étaient que douces plaisanteries. Il a connu la Seconde Guerre Mondiale, à laquelle il a courageusement participé au sein de l’armée française puis de la résistance, alors que je n’ai connu rien d’autre que la relative paix de l’Europe occidentale post-soviétique.
Sur le plan des idées surtout, c’était un camelot du roi, un orléaniste, proche de l’Action française, président de l’association Marius Plateau et président d’honneur du Groupe d’Action Royaliste. Il se revendiquait de la branche cadette et du nationalisme intégral, deux autours idéologiques dont j’ai pu me parer dans ma prime jeunesse militante, mais qui ne constituent plus depuis longtemps mon corpus doctrinal.
Mais lorsque la nouvelle de sa mort est tombée, sans le bruit sourd du couperet, le royaliste que je suis s’est senti brutalement, et dans un sens, « orphelin. » Oui, orphelin de ce très vieux monsieur, probablement l’un des doyens du monarchisme français, et dont toute une vie de combat, de fidélité, et de courage au service de la France, du roi, de la tradition ne peut pas être autre chose qu’un immense exemple à offrir pour les générations qui suivront.
La France a perdu aujourd’hui l’un de ses fils les plus méritants, et les jeunes monarchistes, quelles que puissent être leurs obédiences, ont perdu un de leurs anciens. Non pas un de ces « anciens » dont le seul mérite est d’avoir « été » royalistes il y a d’innombrables années, et qui se revendiquent de ce qualificatif alors qu’ils n’en sont plus depuis bien longtemps.
Il était un « ancien » dans le sens le plus méritoire de ce mot, pris en synonyme de « vétéran » : il n’agissait pas en consommateur, il ne percevait pas ses valeurs et son combat comme des produits que l’on peut changer ou échanger comme l’on change de smartphone. Le lien qui l’unissait à la cause royale relevait de cette mystique tenace de l’engagement qui a imprégné les plus grandes figures de ceux qui se sont mis au service de la France et du roi.
Et même lorsqu’il devenait objectivement clair que tout était perdu, il est demeuré fidèle, appliquant pour lui-même la maxime maurrassienne qui interdit le désespoir en politique.
Une figure de droiture et d’inflexibilité, comme un défi incarné à l’inconsistance du monde moderne. Une personne dont il sera dur d’être les dignes héritiers.
Adieu Monsieur Steinbach, et merci pour tout !
Et, de là-haut, veillez sur nous.
Stéphane Piolenc