Des taïkos ou de l’apprentissage de l’harmonie sociale.
« Taïko » signifie tambour en japonais et l’art du Taïko consiste à jouer de ces tambours de diverses tailles en groupe. Il ne s’agit pas simplement d’en jouer, mais de « danser du taïko ». Le résultat est assez époustouflant et ne plaît pas aux progressistes – car cela fait très militaire. L’art du taïko est en effet autant une démonstration de musique, qu’une démonstration chorégraphique, qu’une démonstration de force, puisque, pour les tambours les plus impressionnants, il s‘agit aussi pour les jeunes hommes bien vifs de jouer de leur biceps pour faire sortir du tambour le plus de décibels possibles. N’oublions pas enfin l’aspect « chant », puisque les frappements de tambours sont inscrits dans une chorégraphie précise – chorégraphie qui n’est pas là d’abord pour faire jolie, mais possède un rôle mnémotechnique mobilisant tout le corps pour taper les tambours en rythme–. Cette chorégraphie est accompagnée et parsemée des cris des joueurs de tambours, donnant un air gaillard et guerroyer très agréable.
C’est un art simple, primitif diraient certains : il s’agit simplement de coordonner des coups sur des tambours plus ou moins gros pour donner un effet d’ensemble harmonieux. C’est pourtant beaucoup et un art vraiment nécessaire pour tous, mais à commencer pour les enfants.
Admirer une classe d’enfants jeunes parvenir à sortir un concert de Taïko propre est une chose impressionnante, croyez-moi. Nous sommes loin des spectacles débiles et bisounours où le gamin de 4 ans figure une sorte de pseudo-danse nullissime pour recevoir des adultes des louanges complétement imméritées : ce genre de spectacles sont faits pour le plaisir des parents, alors qu’ils devraient être faits pour l’édification des enfants.
Le concert des taïkos au contraire est véritablement une œuvre d’éducation, tout en donnant un résultat de valeur qu’un adulte peut tout à fait apprécié, tout en créant un véritable ciment parmi les enfants, mais aussi entre les enfants et les maîtres, et encore entre les enfants et leurs maîtres et les parents.
Pourquoi cet art est-il si utile pour éduquer nos enfants au point que je ne serai pas contre l’idée de le recommander chaudement à toutes nos familles traditionnelles ?
L’art est d’abord tout à fait adapté aux enfants : les gestes de base sont simples. Il s’agit de taper sur un tambour, avec peut-être deux ou trois coups de base, et c’est tout. Accessible dès le plus jeune âge. Mais la coordination d’ensemble demande un vrai travail et un vrai effort qui exige la coopération active de cette petite communauté : elle apprend à travailler ensemble, chacun étant un maillon nécessaire de l’ensemble. Seul, en effet, il n’y a rien. Mais par la simple harmonie du groupe, chacun à sa place et dans son rôle, le résultat final est digne d’une œuvre que l’on ne soupçonnerait pas possible pour des enfants – ce qui prouve d’ailleurs que cela est possible et que les enfants ne sont que des adultes en puissance. Un peu comme si chaque petite pierre grossière, si elles sont bien agencées les unes les autres, peuvent donner les plus beaux bâtiments.
Cet art est véritablement un apprentissage puissant de la vérité fondamentale et naturelle dont nous manquons tant en France aujourd’hui : l’homme est un animal politique qui nécessite la vie en société, et qui ne peut pas faire de grandes œuvres qu’en groupe.
Cet art du tambour a de plus cet avantage de véritablement bien illustrer la vie sociale : chaque personne n’est qu’un maillon de la grande œuvre, de la grande chaîne. Ceci dit, chaque maillon est essentiel : le plus insignifiant des maillons ferait-il une fausse note, qu’on l’entendrait tout de suite – surtout avec des tambours, on sait bien la difficulté de faire en sorte que 30 coups donnés ne soient entendus que comme un seul coup unique, la moindre erreur de synchronisation s’entend tout de suite. Le maillon est ainsi clef, mais il ne peut œuvrer qu’à sa place précise et dans son rôle pour que l’œuvre complète soit bonne et belle. Comme en société. Et encore en mettant en relief la différenciation des rôles : chaque maillon différent a son rôle précis, comme dans la hiérarchie sociale. Les plus grands, les plus doués, pourront faire des mouvements plus complexes, selon leur registre de voix chacun aura son rôle particulier dans le chant, selon sa force, dans les coups sur des tambours plus ou moins gros. Nous remarquerons d’ailleurs que cette hiérarchie est à plusieurs dimensions : alliant coups, mouvements et chant, on peut très bien avoir des positions différentes dans la hiérarchie de chaque dimension, être le dernier dans l’une, le premier dans l’autre. Cette hiérarchie d’ailleurs n’a rien de clivant : c’est justement la combinaison harmonieuse des différences naturelles canalisées dans la hiérarchie et polies par les efforts qui permettent de donner un tout harmonieux et sublime. Certains rôles sont certes plus important que d’autres, mais le plus petit des rôles est clef pour parfaire l’ensemble, et le plus petit des rôles, aussi simple soit-il, est important puisque son défaut peut faire écrouler l’ensemble de l’édifice. Cela illustre l’importance de la hiérarchie et de la vertu d’obéissance car les conflits et les révoltes détruisent l’harmonie de l’ensemble. Et c’est dans cette harmonie de l’ensemble que chaque maillon s’accomplit dans son rôle, tout à fait sublimé puisqu’il ne pourrait rien faire tout seul, et n’aurait pas non plus pu progresser autant personnellement sans ce travail de groupe. L’œuvre se construit sur tous les petits sacrifices de chaque maillon, bien insignifiants quand on les compare à la grandeur de l’œuvre d’ensemble.
Bref, il est facile d’être révolutionnaire, de détruire l’harmonie, et de s’avilir. Facile et stupide : qui aimerait s’avilir ? Seul l’orgueil de croire que l’on peut se parfaire seul peut-être. Et quand bien même une certaine perfection solitaire serait possible, elle ne l’est qu’une fois la personne en question déjà édifiée, donc qu’une fois que l’on est devenu héritier : la perfection solitaire est donc toujours une illusion d’optique, elle n’existe à proprement pas de façon absolue. Et dans tous les cas, aussi parfaite qu’une œuvre puisse être travaillée solitairement, elle ne pourra jamais arriver à la cheville d’une œuvre collective. Un maçon tout seul arrivera peut-être par ses efforts à construire une belle maison, il n’arrivera jamais à construire des cathédrales. Et quand bien même il arriverait à construire cette maison, il est toujours tributaire de ce qu’il a appris et du travail des autres, car il a dû apprendre, il a été enfant et il a dû profiter de l’éducation et des soins de la société pour devenir indépendant.
Enfin, cet art suppose évidement un chef, un maître, petit roi parmi les enfants, l’adulte, clef de voûte, sans lequel rien ne pourrait se faire. Celui qui sait mettre chacun à sa place, qui sait ainsi ordonner, qui sait remettre à sa place aussi, en prévenant les conflits et les disharmonies, qui sait encourager et aimer ses enfants, de tout âge. Lui non plus ne pourrait rien sans les autres, et les autres ne peuvent rien sans lui. Toutes les qualités bien ordonnées travaillent à l’harmonie paisible du tout, et démontrent une force combattive et militaire impressionnante qui n’a rien de la violence barbare, mais qui a tout de la vigueur catalysée, ordonnée, sublimée, policée permettant de faire de grandes œuvres. La civilisation ne tue pas les forces vives, elle les sublime pour passer de la violence barbare à la force chevaleresque, de la témérité au courage, de l’orgueil à l’honneur, de la fatuité à la dignité.
Bref, l’art des taïkos a la vertu de pratiquer l’art sociable et de rappeler, ou plutôt d’ancrer et de faire fructifier la nature sociale de l’homme. Tout en étant une sorte de figure résumée du fonctionnement d’une société, d’un corps social en tout petit.
Alors pourquoi ne pas multiplier ces moyens d’éducation pour nos enfants, cela est facile.
Et travaillons à remettre cet esprit d’harmonie et de force dans toutes nos sociétés, de la famille, à l’école, dans les paroisses, les quartiers, les villes, les régions et l’état, et l’église.
Dieu a voulu la hiérarchie, a voulu la société, a voulu des ministres, a voulu des sujets aux rôles multiples et infinis pour une même fin, Dieu lui-même. Tout est là, il suffit de l’admettre et tout ira mieux. Car ne pas l’admettre revient à nier la nature – c’est la nature du révolutionnaire – et là alors tout se passe mal.
Il est ainsi important de commencer à bien s’ancrer, et ancrer ses proches (ses prochains donc) dans cet esprit de sociabilité naturelle et combattive : taïkos bien sûr, mais aussi chorales, sports, liturgie, travaux manuels, scouts, etc, etc.
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France
Paul de Beaulias