ActualitésLes chroniques du père Jean-François ThomasTribunes

      De l’amour de la France

Il fut, paraît-il, une époque où le monde enviait à la France ce qu’elle était. Cela est probable de la France de saint Louis, souverain respecté et admiré dans toute l’Europe d’alors. Cela est possible de la France du XVII ème siècle qui, malgré bien des épreuves, sut tenir son rang et faire rayonner sa culture en plein âge d’or. Cela est, en revanche, de l’ordre du fantasme et du mensonge en ce qui concerne la « France des droits de l’homme », celle héritée de la révolution sanguinaire. Il suffit, encore aujourd’hui, de séjourner quelque temps en Espagne ou en Italie (pour ne citer que ces pays), pour découvrir à quel point cette France arrogante, violente, celle de Bonaparte et Napoléon, -pur produit de la révolution-, est haïe, accusée, à juste titre, d’avoir détruit, pillé, éradiqué les institutions traditionnelles, imposé ses dites lumières et sa conception de la démocratie au mépris de tous ce que ces peuples avaient créé de grand et de pérenne. Il faut donc être rappelé sans cesse à l’humilité lorsqu’on se penche sur la grandeur, réelle, de notre pays et sur ce qu’il en reste encore de nos jours.

En 1935, conscient déjà du cataclysme qui allait s’abattre sur le pays à cause de l’incompétence et de l’idéologie des hommes politiques de la III ème république, Georges Bernanos envoya une lettre à Henry Coston qui dirigeait la Libre Parole, missive publié le 27 juin dans ce journal. Il n’y va pas avec le dos de la cuillère le bougre ! et il a bougrement raison. Jugeons par nous-mêmes : « Voilà cent ans et plus qu’on bat le rappel des « bons Français », des fameux « bons français qui sont toujours à deux doigts de sauver la France ». Attention ! Rangez-vous ! Gare là-dessous ! Les bons français vont descendre dans l’arène ! Un homme de mon âge a entendu ça toute sa vie. Jadis, à l’époque des inventaires, la « Bonne France » s’appelait la France Chrétienne, la France des croisés, la Fille aînée de l’Eglise. Chaque semaine la Fille aînée de l’Eglise, représentée par le Pèlerin sous les traits d’une espèce de Jeanne d’Arc quinquagénaire armée d’une épée flamboyante, allait dire son fait au petit père Combes. Mais il ne l’a seulement jamais vue, le petit père Combes, il a crevé dans son lit, bien tranquille. A croire qu’elle avait fait comme Jacob, la fille aînée de l’Eglise, qu’elle avait vendu son droit d’aînesse à un juif, hypothèse d’ailleurs beaucoup plus plausible qu’elle n’en a l’air… » Le rugissant Bernanos s’en prend à ceux qui « chaque matin, sauvent la France en beurrant leurs tartines. » Aimer son pays exige des sacrifices. L’apathie de ceux qui se disent de fiers chevaliers et qui ne possèdent qu’une épée de carton qu’ils n’utilisent que pour jouer, nostalgiquement, à des reconstitutions historiques ou pour botter en touche dans des conversations de salon, est catastrophique.

Les soubresauts réguliers de notre pays, pris dans les filets de crises qui le dépassent, semblent être annonciateurs d’une mort prochaine, et puis, miracle, l’agonisant reprend des couleurs pour un instant encore, jusqu’à l’attaque suivante qui le laisse sur le flanc. Encore faut-il, qu’en son sein, il y ait suffisamment de Français pour fouetter son sang et le rappeler à juste raison. Ce vivier est bien vide aujourd’hui. Il ne suffit pas de s’installer sur les ruines du passé pour prétendre à grandeur. Il est nécessaire, essentiellement, de ne pas désespérer, car cela est une caractéristique millénaire de nos peuples qui ont tenu face à tous les envahisseurs, qui ont résisté dans cette guerre de cent ans interminable, qui ont maintenu à distance la puissance fanatique espagnole, l’hérésie de Luther, qui ont tenu tête à la Prusse. L’héroïsme, en ce qui regarde l’amour de la France, est de ne jamais savoir ce que sera demain et, pourtant, de continuer à se battre, pas simplement pour son foyer paternel, égoïstement, mais pour les autres âtres du village, soucieux du bien commun. Cette générosité, peut-être un peu naïve, risque hélas d’être balayée aujourd’hui par des habitudes de plus en plus ancrées qui invitent au « chacun pour soi ». Il y a de quoi se faire du souci, et, en même temps, il faut poursuivre, sans se laisser accabler par la médiocrité ambiante, par la défense de leurs petits privilèges par certaines catégories de la population (les gouvernants, les syndicats, les profiteurs, les manipulateurs). La mort de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus est tellement « française ». Cette petite carmélite, souffrant ses dernières peines, se confia ainsi à sa Prieure : « Oh ! Mère, est-ce la fin ? Comment vais-je faire pour mourir ? Jamais je ne vais savoir mourir !… » Nous nous posons la même question en e qui concerne l’amour de notre royaume si blessé. Comment vais-je faire pour l’aimer ? Jamais je ne vais savoir aimer ce pays infidèle à ce qu’il fut… Et pourtant nous relevons le défi et notre cœur continue de battre à l’unisson, malgré les souffrances. Nous ne nous résolvons pas à désespérer. Toujours Bernanos, cette fois dans une lettre au P.Bruckberger, envoyée le 4 septembre 1938 de Rio de Janeiro : « Jamais je n’ai mieux senti ce qu’on attend de mon pays- sa force, sa tendresse, sa dure expérience du bonheur et du malheur, de l’opulence seigneuriale et de la pauvreté militaire- sa joie pensive absolument inaccessible aux imbéciles, impartageable avec les mufles, inviolable. Elle rayonne de chacun de nous, sitôt que nous nous montrons honnêtement tels que nos sommes, avec le bien et le mal, tels que le bon Dieu nous a faits. Ma confiance est sans bornes. » Le pari était osé car la déception ne manqua pas de raison d’exister au cours des années qui suivront, mais la confiance demeura et la France fut capable de sortir de la servitude (pas forcément grâce à ceux que l’on célébra comme des libérateurs, mais ceci est une autre histoire).

Ne pas manquer à la France, tel est le signe d’un véritable amour pour cette terre. Sinon ce ne sont que des mots. Ne pas lui manquer lorsqu’elle est malade, affaiblie, lorsqu’elle perd la tête et fait fausse route (comme depuis ces dernières décennies). Surtout ne pas se réfugier dans la paresse, le fatalisme, l’inaction, en demeurant les jambes croisées, verre de scotch en main, à rêver de ce qui n’est pas, de ce qui n’est plus. Vos enfants méritent de voir leurs pères agir comme nous pouvons lire aujourd’hui la geste grandiose de nos ancêtres, fameux ou anonymes, qui ont bâti et protégé ce royaume. Nous sommes des hommes libres, et cette liberté ne date pas de celle, grimaçante, héritée de la révolution. Elle nous a été donnée avec le baptême reçu par Clovis et les siens, avec notre propre baptême. Si le découragement et le désespoir prennent la place de cette capacité à penser et à agir, autant se laisser mourir de faim et se dessécher à force de larmes vaines.

sur la tombe de nos aïeux.

Nous ne trouverons pas le modèle à imiter dans les bureaux des ministères et dans les couloirs de l’assemblée nationale, pas plus que dans les bâtiments internationaux où règnent les puissances financières désireuses de remodeler le monde à leur guise. La survie qui n’en finit pas du régime républicain, pourtant pourri jusqu’à l’os, relève du miraculeux, mais en négatif car ne provenant pas de Dieu mais du Malin. Dans son Journal, Léon Bloy relevait cette contradiction : « On espère le salut par le suffrage universel, parce qu’ayant perdu la foi, on croit qu’un mauvais arbre peut donner de bons fruits. Or le suffrage universel est un arbre de mort et de désespoir. Le mauvais apôtre s’y est pendu. Le suffrage universel n’est pas un mal accidentel, c’est un mal absolu. » La renaissance de notre royaume ne sortira as des urnes mais de notre action et de notre pensée libres. Cela prend du temps car, depuis des générations, nous sommes imbibés, à notre insu, de tant de miasmes. Comme le disait crûment Baudelaire dans son cruel et désopilant Sur la Belgique ; Amoenitates Belgicae : « Nous avons tous l’esprit républicain dans es veines, comme la vérole dans les os. Nos sommes Démocratisés et Syphilisés. »

Alors que Dieu nous prenne en sa douce pitié et nous aide à ne point vivre dans une nostalgie stérile mais à agir, dans notre vie personnelle et publique, pour aimer notre pays et pour le faire aimer, ceci selon nos capacités et nos talents. Voilà un programme qui peut faire partie des vœux et des résolutions pour cette nouvelle année de grâces donnée par le Seigneur.

 

 

P.Jean-François Thomas s.j.

Vendredi des Quatre Temps de l’Avent

                                                                                    20 décembre 2019

Une réflexion sur “      De l’amour de la France

  • PELLIER Dominique

    Oui, prions pour la FRANCE, ce que je fais chaque jour, pour les Français, qu’ils se réveillent bien vite de leur apathie et qu’ils se lèvent pour redonner à la Patrie, Son honneur, Sa force, Sa gloire première et surtout qu’un roi soit bien vite à sa tête. Facile de dire que la FRANCE s’est toujours relevée une fois au dernier sous-sol, même si c’est vrai; mais là, c’est plus que nécessaire et seul un roi peut La sauver.

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