Un excès de bonheur
Avez-vous déjà ressenti un excès de bonheur ? Vous me direz qu’il est étrange de parler d’excès pour le bonheur. Certes. La béatitude dit être infinie, puisque le Créateur est infini, mais cela se passe au Ciel… Sur terre, l’excès de bonheur est possible.
Vous avez certainement ressenti cet étrange sentiment, au moins quand vous étiez enfants. Vous savez cet indistinct mais prégnant vague à l’âme de la veille de rentrée : pour l’enfant que vous étiez les vacances étaient un si grand bonheur, et, la veille de la rentrée – et juste la veille, car, grâce à Dieu, l’enfant que nous étions ne pense pas trop avant dans l’avenir – se rend compte que son bonheur des vacances va finir pour très longtemps – un mois semble une éternité pour un enfant.
Revenons à l’âge adulte. Un enfant vient de naître, en bonne santé. La mère est en bonne santé. Vos ainés sont gentils et heureux de voir leur petite sœur. Vous passez des jours bénis en famille. C’est le bonheur.
Un excès de bonheur. Car vous savez que cela ne peut pas durer. Que cela va finir. Qu’il ne peut y avoir qu’ensuite que plus de moments difficiles – la vie n’est pas un long fleuve tranquille.
Vous savez aussi que vos enfants grandiront, qu’ils partiront, qu’ils mourront.
Et ce bonheur béni que vous goûtez vous rappelle à quel point tout ce que nous possédons sur cette terre est éphémère et fragile, combien, au fond nous ne possédons rien, combien nous allons tout perdre, tôt ou tard. Le bonheur sur cette terre qui donne une sorte très spéciale de vague à l’âme, positif.
Pourquoi positif ? Car nous prenons conscience une fois de plus que nos existences terrestres sont ridiculement petites, courtes et misérables. Le fait de se rendre compte de notre mort, et de la mort inéluctable de tous nos proches – une femme qui donne la vie accouche au-dessus d’une tombe aussi, son bébé mourra un jour – qui suscite cette sorte de vague à l’âme même dans le plus grand des bonheurs possibles sur cette terre nous dévoile indirectement que notre fin, que notre destination sur cette terre, que nous sommes appelés à un bonheur, une béatitude supérieure. Ce sentiment naturellement inscrit en nous, du refus de la mort, de la conviction que nous ne sommes pas faits pour cette terre rehausse la Révélation de Notre Seigneur qui vient confirmer notre véritable destination, le Ciel, si nous le méritons, pour la béatitude éternelle en communion avec tous les saints – en espérant que nous puissions en faire partie, et que tous nos proches et nos amis en fassent partie aussi.
Il est bon de penser à la mort naturelle – c’est universellement compris si l’on se donne la peine – et surnaturelle – le péché mortel, et de prier pour que Notre Seigneur nous utilise bien selon nos forces sur cette terre et nous rappelle à lui sans nous permettre de nous condamner nous-même au châtiment éternel.
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France,
Paul-Raymond du Lac
Notre mort, en tant qu’être humain, est inéluctable. Nous mourrons tous un jour; mais ne faut-il pas se réjouir en Dieu du bonheur dont il nous gratifie en ces petites joies, même furtives, même brèves ? Carpe diem, dira-t-on, oui car Christ nous dit bien : “A chaque jour suffit sa peine”, se soucier du moment suivant ne sert à rien, n’en enlève ni les joies, ni les douleurs. Alors, Merci Seigneur de ce que Tu nous donnes aujourd’hui, à cet instant ! Amen