ActualitésDiversIdéesLittérature / CinémaPoints de vue

Manifeste pour une science-fiction catholique.

La science-fiction comme genre littéraire est née très récemment : son grand-père serait Jules Verne et son avènement comme genre à part entière se confirma dans l’après-guerre.

Pourquoi parler de science-fiction dans un média légitimiste ?

La raison est simple : ce genre est, à ma connaissance, complétement ignoré de la tradition française et catholique malgré son omniprésence dans la jeunesse masculine – et même au-delà – à travers les livres et encore plus les films. C’est une habitude d’ailleurs assez française, quelque peu bourgeoise, de vouloir ignorer les « nouveaux genres » artistiques : si le cinéma a été relativement rapidement reconnu, les bandes-dessinés et d’autres genres littéraires comme le policier n’ont pas vraiment acquis leurs lettres de noblesses.

Et pour cause souvent : la qualité n’est en général pas au rendez-vous, genre de version premier prix des grands genres classiques d’autrefois (la comédie musicale face à l’opéra par exemple)… Et trop souvent, ils ont été le cheval de Troie de toutes les décadences… Certes, mais cela ne change pas le fait qu’ils exercent une influence absolument décisive sur notre jeunesse, au minimum.

Il ne s’agit pas ici de discuter de tous ces genres, dont certains sont effectivement certainement vicieux en soi. Il s’agit de parler de la science-fiction en particulier, qui mériterait l’attention du catholique légitimiste.

Pourquoi ? A la différence du roman pur, ou des livres merveilleux ou fantastique, voire « fantasy », comme on dit, la science-fiction devrait normalement demander comme assise philosophique un fort réalisme et pourrait servir, en ce sens, comme œuvre de prospection utile, toute proportion conservée, à tout un chacun.

Il se trouve que, comme toute ma génération, je fus une « victime » de la mode de la science-fiction : les étoiles et les planètes, cela fait rêver tous les enfants. Aventures et grands espaces que ce soit ceux de l’univers demain ou de la terre hier lors des grandes découvertes.

La science-fiction récente, néanmoins, semble arriver à une impasse en poussant dans ses conséquences ultimes la pauvreté anthropologique sur lequel se fonde notre temps, encore plus semble-t-il au cinéma. Nous avons soit des sortes de films dans l’espace dans un futur plutôt proche, qui cherchent souvent à faire passer des idées transhumanistes (l’homme devient dieu), cosmiques (spiritualisant et faire parti du tout), émanentistes (tout est dieu, panthéisme nouvelle version) et quasiment systématiquement prométhéennes. Ou alors des films apocalyptiques, transcrivant d’une façon quelque peu inattendue une sorte de malaise face à l’orgueil sans limite de l’homme dont on sent bien qu’il est mauvais et qu’il conduit à sa propre ruine et à sa chute. Ou bien aussi des pseudo-épopées dans un futur très lointain qui ne font que projeter un monde contemporain que nous connaissons que trop bien et si pauvrement humain, avec en plus un fard composé de vaisseaux spatiaux et d’être bizarres, tout à fait artificiels et sans saveurs. Plus le temps avance, plus le genre s’appauvrit : artificialité à tous les étages (avec des robots partout et la superstition de croire que l’homme créera une créature plus puissante que lui, comme une sorte de projection du fantasme de l’homme, qui se prend pour Dieu et pense pouvoir prendre sa place, dans le robot qui prendrait la place de l’homme, nouveau dieu), pauvreté affligeante de toute imagination politique et géopolitique (gentille démocratie, méchant empire), individualisme galopant et absence de conscience sociale dans une immédiateté tristounette (pour un genre qui veut se projeter dans le temps long, on se demande comment il est possible de ne voir que le bout de son nez). Il n’y a d’ailleurs presque plus d’histoires sentimentales – déjà pauvres en soi quand il y en a-, ni de suite dans les idées, ni rien de bien puissant. En général le tout se concentre sur une sorte d’instinct de survie, au « mieux » au niveau de l’espèce, sans que l’on comprenne pas d’où cela vient, ou bien d’une folie prométhéenne qui en devient si ridicule que souvent les extraterrestres censés être supérieurs étonnent par leur bêtise et leur vide spirituel intersidéral ainsi que leur absence de questionnement métaphysique – pour des êtres supérieurs ils sont bien médiocres…

Tout cela retranscrit, dans ses expressions les plus populaires, le grand abrutissement de la société contemporaine en général. Les anciennes œuvres de la science-fiction n’en étaient pas à ce stade. Peut-être que certains sont plus intéressants quand ils tentent de souligner les défauts de la société présente et ses tendances totalitaires, ou l’isolement toujours croissant des gens sur leurs réseaux sociaux et tous ces maux que l’on constate mais que souvent on ne veut pas expliquer par peur de remettre en cause toute la modernité.

Ces anciens livres de science-fiction avaient néanmoins un défaut qui est commun avec les œuvres plus récentes – il y a peut-être des exceptions, je ne suis pas du tout un expert du genre : l’absence totale de la religion en tant que telle (et non pas juste pour l’opposer à la science, ou parler d’obscurantisme). En cela, le genre de la science-fiction reflète bien la modernité et ce genre est bien de son temps : une société sécularisée sans spiritualité, si humaine, si mondaine, si prométhéenne ; bref, si ennuyeuse.

La religion est toujours absente quand elle n’est pas tournée en ridicule dans le style « la religion c’est la guerre » ou des questionnements qui se veulent profond – se veulent juste – d’un spiritualisme de seconde zone du style new age ou autre ésotérisme 4.0.

Est-ce la faute du genre lui-même ? Nous ne le croyons pas, c’est la faute de notre temps.

C’est pourquoi nous pensons que c’est là que le catholique devrait investir le genre : il y a un boulevard. Car soyons réaliste : une véritable science-fiction ne devrait pas pouvoir ne pas mettre en scène, au minimum, l’Église catholique, qui existera jusqu’à la fin des temps, c’est de foi, et de plus c’est raisonnablement probable – aucune société n’a tenu 2000 ans sans changer d’essence à part l’église catholique. Et ainsi remettre dans un réalisme tout catholique la vérité éternelle et naturelle (véritable anthropologie de l’homme) au centre d’un genre qui pourrait avoir le triple avantage de faire de l’apostolat dans notre jeunesse, de réfléchir sérieusement à certains problèmes théologiques que posent l’époque moderne – portée universelle de la rédemption, possibilité ou non d’autre êtres vivants intelligents du point de vue de la foi, etc. – et d’œuvrer à des projections utiles pour notre propre action dans le présent. Le tout fondé sur la foi et les dogmes.

Bizarre, pensez-vous ? Et pourtant Joseph de Maistre lui-même est peut-être le véritable fondateur de la science – fiction, quand il affirme très sérieusement la question de l’existence des extra-terrestres – en reprenant la dispute sur les antipodes du Moyen-Âge.

« Sur quoi je ne puis assez m’étonner des scrupules étranges de certains théologiens qui se refusent à l’hypothèse de la pluralité des mondes, de peur qu’elle n’ébranle le dogme de la rédemption ; c’est-à-dire que, suivant eux, nous devons croire que l’homme voyageant dans l’espace sur sa triste planète, misérablement gênée entre Mars et Vénus, est le seul être intelligent du système, et que les autres planètes ne sont que des globes sans vie et sans beauté que le Créateur a lancés dans l’espace pour s’amuser apparemment comme un joueur de boules. Non, jamais une pensée plus mesquine ne s’est présentée à l’esprit humain ! Démocrite disait jadis dans une conversation célèbre : O mon cher ami ! gardez-vous bien de rapetisser bassement dans votre esprit la nature, qui est si grande. Nous serions bien inexcusables si nous ne profitions pas de cet avis, nous qui vivons au sein de la lumière, et qui pouvons contempler à sa clarté la suprême intelligence, à la place de ce vain fantôme de nature. Ne rapetissons pas misérablement l’Etre infini en posant des bornes ridicules à sa puissance et à son amour. Y a-t-il quelque chose de plus certain que cette proposition : tout a été fait par et pour l’intelligence ? Un système planétaire peut-il être autre chose qu’un système d’intelligence, et chaque planète en particulier peut-elle être autre chose que le séjour d’une de ces familles ? Qu’y a-t-il donc de commun entre la matière et Dieu ? la poussière le connaît-elle ? Si les habitants des autres planètes ne sont pas coupables ainsi que nous, ils n’ont pas besoin du même remède ; et si, au contraire, le même remède est nécessaire, ces théologiens dont je parlais tout à l’heure ont-ils donc peur que les vertus du sacrifice qui nous a sauvés ne puisse s’élever jusqu’à la lune ? Le coup d’œil d’Origène est bien plus pénétrant et plus compréhensif, lorsqu’il dit : L’autel était à Jérusalem, mais le sang de la victime baigna l’univers. »[1]

Ajoutons d’ailleurs que la Foi serait une source d’inspiration bien plus profonde et véritable que n’importe quel rêve nébuleux de type prométhéen : par exemple, la téléportation n’a pas été inventé dans les cerveaux du vingtième siècle mais c’est une vérité de foi révélée, comme une qualité du corps glorieux, appelée « l’agilité »… Notre temps n’a rien inventé…

Le genre est à reconquérir, et une œuvre de science-fiction profondément catholique permettrait de fournir des éléments de prospectives véritablement intéressantes car ancrées dans la réalité et la foi et non pas fondées sur des idéalismes et des mensonges anthropologiques.

Il serait d’ailleurs tout aussi bon de réintroduire de véritables royautés traditionnelles dans ces livres de science-fiction.

Alors, qui se lance ?

Chiche.

Antoine Michel

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France


[1] Maistre, Joseph de (1753-1821). Oeuvres complètes ([Reprod. En fac-similé]) Joseph de Maistre. 1884-1886, p.352-354

2 réflexions sur “Manifeste pour une science-fiction catholique.

  • Il n’est pas exact que l’Eglise catholique soit totalement absente de la science-fiction. J’ai souvenance d’une nouvelle déjà ancienne – il y a vingt ans, publiée dans la revue Fiction – dont le héros était un prêtre, qui luttait contre l’invasion de la terre par de cruels extra-terrestres. Caché dans une église détruite, il avait eu la surprise de voir ces aliens assister à une cérémonie étrangement semblable à la messe catholique, terminée par une communion dans le même style, lesdits envahisseurs étant qualifiés de “nouveau peuple élu de Dieu”. Le prêtre avait ensuite terminé son sermon dominical par les mots suivants: “Si Dieu nous a trahis, qu’Il sache que nous n’allons pas nous laisser faire!” Un thème que Donoso Cortès n’aurait pas désavoué.

    Répondre
  • Jacques Putois-Moreau

    Le Maître de la Terre par Mgr Benson, roman sorti au début du XXe siècle. Un excellent roman ayant pour centre la disparition au début du XXIe siècle de la foi chrétienne et l’émergence du culte de la bête. Ce roman maintenant passe plus pour un roman d’anticipation, mais à l’époque il s’agissait bien de science-fiction.

    Répondre

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.