Hélie de Saint Marc, un panache français
Hélie de Saint Marc est décédé dans la nuit de dimanche à lundi. La mort d’un des derniers grands généraux français est l’occasion de revenir sur une vie de nature à être portée en exemple.
Entré à l’âge de 19 ans dans un réseau de résistance, il a été arrêté et déporté pour Buchenwald et Landenstein, où le frôlement de la mort était quotidien. Il doit en partie sa vie à un héros letton à qui il a serré la main une dernière fois après la libération ; une libération survenue in extremis, car le jeune Hélie de Saint Marc en était aux dernières extrémités.
Il semblerait que les innommables horreurs des camps aient forgé un caractère d’acier, toujours orienté avec un sens de l’honneur. Un sens de l’honneur au-dessus des attitudes de la masse.
Formé à Saint-Cyr, il va deux fois en Indochine où il fera ses armes d’officier. Puis, à la fin du mois d’avril 1961, Hélie de Saint Marc prend part au « Putsch des généraux », qualifié par Aragon d’une menée d’un « quarteron de conjurés monarchistes ». Avec les généraux Challe, Salan, Jouhaud, Zeller et quelques centaines d’officiers, un coup d’Etat est tenté. Il échouera en quelques jours mais le coup de foudre est puissant et le général de Gaulle accuse le coup.
Hélie de Saint Marc retourne en prison. Cette fois-ci, il croupira dans les geôles françaises pour consommer la peine d’un des derniers sursauts de l’histoire de France.
Son authentique âme de soldat s’est diffusée par ses écrits, véritables testaments spirituels d’un homme qui pleure sa France et qui ne se fait pas à ce qu’elle devient. Sa lettre à un jeune de 20 ans (voir ci-dessous) dit ce qui ne s’exprime pas par une plume extérieure.
Puisse-t-il rejoindre du Guesclin, d’Estienne d’Orves, Challe, et Bigeard aux pieds du Dieu des armées.
Resquiescat in Pace
Julien Ferréol
« QUE DIRE A UN JEUNE DE 20 ANS »
Quand on a connu tout et le contraire de tout, quand on a beaucoup vécu et qu’on est au soir de sa vie, on est tenté de ne rien lui dire, sachant qu’à chaque génération suffit sa peine, sachant aussi que la recherche, le doute, les remises en cause font partie de la noblesse de l’existence. Pourtant, je ne veux pas me dérober, et à ce jeune interlocuteur, je répondrai ceci, en me souvenant de ce qu’écrivait un auteur contemporain :
«Il ne faut pas s’installer dans sa vérité et vouloir l’asséner comme une certitude, mais savoir l’offrir en tremblant comme un mystère». A mon jeune interlocuteur, je dirai donc que nous vivons une période difficile où les bases de ce qu’on appelait la Morale et qu’on appelle aujourd’hui l’Éthique, sont remises constamment en cause, en particulier dans les domaines du don de la vie, de la manipulation de la vie, de l’interruption de la vie. Dans ces domaines, de terribles questions nous attendent dans les décennies à venir. Oui, nous vivons une période difficile où l’individualisme systématique, le profit à n’importe quel prix, le matérialisme, l’emportent sur les forces de l’esprit. Oui, nous vivons une période difficile où il est toujours question de droit et jamais de devoir et où la responsabilité qui est l’once de tout destin, tend à être occultée. Mais je dirai à mon jeune interlocuteur que malgré tout cela, il faut croire à la grandeur de l’aventure humaine. Il faut savoir, jusqu’au dernier jour, jusqu’à la dernière heure, rouler son propre rocher. La vie est un combat le métier d’homme est un rude métier. Ceux qui vivent sont ceux qui se battent. Il faut savoir que rien n’est sûr, que rien n’est facile, que rien n’est donné, que rien n’est gratuit. Tout se conquiert, tout se mérite. Si rien n’est sacrifié, rien n’est obtenu. Je dirai à mon jeune interlocuteur que pour ma très modeste part, je crois que la vie est un don de Dieu et qu’il faut savoir découvrir au-delà de ce qui apparaît comme l’absurdité du monde, une signification à notre existence. Je lui dirai qu’il faut savoir trouver à travers les difficultés et les épreuves, cette générosité, cette noblesse, cette miraculeuse et mystérieuse beauté éparse à travers le monde, qu’il faut savoir découvrir ces étoiles, qui nous guident où nous sommes plongés au plus profond de la nuit et le tremblement sacré des choses invisibles. Je lui dirai que tout homme est une exception, qu’il a sa propre dignité et qu’il faut savoir respecter cette dignité. Je lui dirai qu’envers et contre tous il faut croire à son pays et en son avenir. Enfin, je lui dirai que de toutes les vertus, la plus importante, parce qu’elle est la motrice de toutes les autres et qu’elle est nécessaire à l’exercice des autres, de toutes les vertus, la plus importante me paraît être le courage, les courages, et surtout celui dont on ne parle pas et qui consiste à être fidèle à ses rêves de jeunesse. Et pratiquer ce courage, ces courages, c’est peut-être cela «L’Honneur de Vivre».
Hélie de Saint Marc