La France est un pays traditionnel ! (si l’on y regarde de près – ou de loin)
Lettre d’un émigré – Paul de Beaulias
L’émigration a ceci de bon qu’il peut aider à affermir sa « France-attitude » et, à la longue, la distance aide à oublier les petits inconvénients du quotidien – qui peuvent être si pesants – quand on vit habituellement au contact. Par un effet de myopie, au contraire, il arrive de prendre conscience de certaines forces qui restaient invisibles lorsqu’on était trop près de notre bon pays. La libération d’une « certaine atmosphère » que l’on subit forcément quelque part aide peut-être aussi à ce genre de prise conscience, au risque de ne plus voir certaines évidences de terrain du fait de la distance.
Je pense en particulier à un élément de la France qui émerveille le japonais, comme allant d’évidence : son patrimoine historique. C’est-à-dire la chance exceptionnelle de pouvoir profiter non seulement d’une diversité de paysages travaillés par l’histoire, mais surtout d’une infinité de monuments des époques les plus diverses, des cathédrales, églises, chapelles et calvaires plus magnifiques les uns que les autres, et parfois des villes entières qui n’ont guère changé dans leur physionomie depuis des siècles.
Rien d’original vous me direz. Certes. J’ai eu même dans le passé écrit un article mettant en opposition d’une part le patrimoine encore bien debout, qui mettait selon moi en évidence l’esprit traditionnel perdu parmi la population (des beaux bâtiments certes, mais plus de bon esprit) et d’autre part les gestes traditionnels des arts de toujours encore transmis au Japon malgré la disparition du patrimoine bâti.
Rétablissons aujourd’hui un peu l’équilibre : pourquoi les japonais sont-ils si émerveillés par notre patrimoine, outre sa beauté ? Surtout à Tokyo dont le bâti est essentiellement hideux (entendez moderne) là où pourtant dans les arts et les relations sociales la société reste essentiellement traditionnelle. Pour des questions de « confort », on a abandonné l’idée de construire du bâti traditionnel, si ce n’est pour les temples et les sanctuaires (et encore, dans les grandes villes il y a de trop nombreuses exceptions).
Certes, certes me direz-vous, et alors ?
Voilà, vous allez certainement trouver la remarque évidente et niaise, mais je ne l’avais jamais remarqué auparavant : derrière le patrimoine, debout, beau, et en bon état, il faut une grande énergie humaine volontaire qui désire ardemment transmettre la tradition, préserver ce patrimoine et le faire vivre. Certes forces-là sont précieuses.
Car tout ce patrimoine, sans soin, serait tombé en ruine depuis longtemps déjà. Malgré tous les vents contraires, et avant tout dans les endroits non touristiques, ce patrimoine tient encore souvent debout, ou en tout cas se dégrade bien moins vite que l’atmosphère idéologique du pays depuis quelques décennies.
Cela témoigne d’un grand attachement aux traditions, même de façon inconsciente – combien de pseudo-révolutionnaires ne donneraient pourtant rien au monde pour détruire leur église du XIIIe, le lavoir immémorial de son village, le château ancestral de son pays ?
Ce point émerveille les japonais qui ne comprennent pas vraiment comment nous, français, pouvons être si révolutionnaires dans les discours, et si attachés à nos traditions dans les actes (province, patrimoine, gastronomie, éducation même – pas la nationale s’entend – par exemple dans la courtoisie ou la sévérité face aux enfants, etc).
Sans compter cette tradition si traditionnelle, à commencer par les catholiques traditionnels, qui ne sont certainement pas nés en France pour rien : là, la France éternelle, avec la Rome éternelle, continue son apostolat à travers le monde, et porte bien plus loin et profondément que cette révolution destructrice universaliste qui ne sait que répandre la division, la laideur, la morgue et le mépris.
Le Japon est bien plus traditionnel en moyenne, mais les traditionalistes intégraux n’existent pratiquement plus : et c’est pourquoi la France peut les intriguer, les dérouter, entre furies révolutionnaires, et tradition intégrale.
Oui, nous ne sommes pas un pays royal pour rien ! Même soi-disant révolutionnaire, l’inconscient collectif est profondément royaliste : il suffit de réveille le sujet qui sommeille en chacun de nous.
Dressons l’étendard de la France. Vexilla Galliae ! Pour notre Roy !
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France
Paul de Beaulias
Ce que vous dites est bien vu, et les japonais ne sont pas les seuls à le remarquer.
Ayant vécu moi-même au Japon (et comptant bien y retourner) je comprends tout à fait !
Le fait de prendre ses distances avec son pays d’origine permet de mieux voir ce qui s’y passe.
Il devient clair que par exemple, le peuple français n’est pas par nature plus révolutionnaire qu’un autre, mais que seulement il reçoit depuis l’instauration des régimes républicains une éducation toute “révolutionnaire” via l’Éducation nationale. L’école laïque, gratuite et obligatoire va gauchiser sont esprits, son âme même toute sa vie durant, à moins qu’il n’arrive à s’en défaire par un effort intellectuel monstre, ou par une émigration 😉