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Pourquoi compte-t-on les lapins comme des poulets au Japon ?, par Paul-Raymond du Lac

Les japonisants connaissent bien la difficulté en langue japonais de compter de façon correcte les objets, puisque selon l’objet en question la façon de compter change. Il y a bien une façon générique de compter, mais qui reste si général et si banal qu’elle est peu employé et montre surtout un manque de culture.

Par exemple, pour des objets plutôt petits et solides, pour dire un, deux, trois, on dira 一個二個三個 (ikko, niko, sanko), pour des baguettes on comptera 一膳二膳三膳 (ichizen, nizen, sanzen), pour des humains on dira 一人二人三人(hitori, futari, sannin), etc.

Les déclinaisons sont nombreuses, et par exemple on ne compte pas de la même façon un poisson vivant, d’un poisson qui vient d’être péché, que d’un poisons péché à qui on a coupé la tête et la queue, à un poisson débité en plus petits blocs, à une tranche de poisson dans un sashimi.

Pour les animaux à quatre pattes et qui ne sont pas trop gros on utilise communément 一匹二匹三匹(ippiki, nihiki, sanpiki). Pour tout ce qui est oiseau on utilise 一羽二羽三羽(ichiwa, niwa, sanwa), ce qui signifie littéralement une « plume », deux « plumes », trois plumes » (ou aile selon).

Il existe pourtant une exception pour les lapins : logiquement on devrait utiliser la série « hiki », mais il se trouve qu’en Japonais on utilise pour compter les lapins la série pour les oiseaux…au point qu’un ami qui n’avait pas vu de lapin avant un certain âge croyait, quand il était un enfant, qu’un lapin était une sorte d’oiseau, puisqu’on le compte avec des plumes…

La question de cette bizarrerie est de savoir d’où cela vient. Et la chose est connue : cette façon de compter le lapin vient de l’époque Edo quand les Shôguns interdirent par la loi de manger de la viande aux japonais : les interdits alimentaires bouddhiques devenaient institutionnalisés, un peu comme le halal et la kasher dans d’autres cultures. Cest le cinquième shogun, Tsunayoshi, qui entre 1680 et 1709, a précisé ces décrets gouvernementaux, appelés en général « décrets de miséricorde pour les animaux ». Il interdit aussi farouchement de tuer les chiens, car il aimait les chiens… Pour les hommes, les esclaves ou les sans domiciles en revanche peu importe : ils n’existaient pas, donc qu’ils meurent ou pas peu importe. Pour les bébés aussi peu importe : l’avortement généralisé était pratiqué à grande échelle, sans aucune considération du pouvoir ni des bonzes.

La vie des animaux était plus importante que la vie humaine…cela nous rappelle quelque chose.

Bref, revenons à nos moutons : la viande interdite était en principe tout ce qui comptait « hiki » ou « tô » : la viande aviaire ne faisait pas partie des interdits.

Alors, pour tricher avec la loi, on se mit à considérer qu’un lapin était un oiseau…devant une loi absurde, on ment sur la réalité, et tous les officiers du shogun ferment les yeux, car manger du lapin était une nécessité pour nombre de japonais pour simplement survivre.

Voilà pourquoi aujourd’hui au Japon on compte encore les lapins comme des oiseaux, pour contourner une loi absurde et injuste et pouvoir continuer à survivre, en mentant avec la réalité dans un mensonge collectif que tout le monde assume, à commencer par les baillis et autres représentants du pouvoir.

Ce petit exemple montre combien la loi païenne de l’époque Edo avait la caractéristique de la loi totalitaire, pour le coup caprice du Prince, et qui se fonde sur le mensonge généralisé pour pouvoir permettre aux gens de continuer à vivre. Ce thème a déjà été étudié dans les colonnes de VG1.

Tout cela est opposé à la réalité chrétienne du pouvoir et de la justice, qui doit rendre à chacun son dû, et donc de fonder sur un réalisme juridique et philosophique, c’est-à-dire de prendre la réalité comme elle est, tant d’un point de vue anthropologique, que philosophique que politique.

Au fond, l’époque Edo exprime un positivisme juridique absolu, qui est substantiellement identique à celui inauguré par la Révolution française et la pensée révolutionnaire, qui devient donc idéologique et tyrannique. Seule l’inertie chrétienne et les vérités catholiques ainsi que les bonnes habitudes et les bonnes institutions anciennes ont freiné, quoique avec des coups de fièvre importants (pensons aux tribunaux révolutionnaires et la loi des suspects) cette déchéance que l’époque Edo nous manifeste dans une tyrannie « subtiles », qui ne veut pas non plus d’une révolte, et donc admet que l’on triche avec ses lois impossibles et laissent les gens respirer…mais aucune pitié pour les faibles, les isolés et tous ceux qui osent « menacer » d’une façon et d’une autre (juste en disant la vérité par exemple) le pouvoir en place.

Rien de nouveau sous le soleil

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac

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