Le mondialisme a toujours existé, par Antoine Michel
Nous renvoyons à l’article de VG papier No.6 (à paraître très prochainement) qui explique en détails comment le mondialisme actuel est ce que les contre-révolutionnaires français appelaient la Révolution.
Nous aimerions ici, simplement, souligner un fait : le « mondialisme » dans un sens non plus révolutionnaire, mais unité de « l’univers » si on peut dire sous un seul pouvoir n’est absolument pas un phénomène nouveau.
Dans l’histoire biblique, Adam et Ève n’étaient qu’une seule « nation » dans le paradis terrestre par définition, et même après la chute, et avant Caïn, l’humanité était unie. Saint Thomas d’Aquin d’ailleurs affirme bien que la réalité de la société politique et de la (saine) domination (non servile) était effective dans le paradis terrestre, dans l’article 4 en particulier de la Question 97 de la Prima Pars1. Même après l’expulsion de Caïn, le seul « empire » légitime était celui des patriarches issus de Sem. Il fallut attendre Babel pour que la division des nations, comme punition divine pour l’orgueil de l’homme se prenant pour Dieu, devienne effective, par la séparation aussi des langues.
Si on regarde dans l’histoire de l’humanité, tous les « empires » de toutes sortes, tous les « royaumes » de tout niveau ont une vocation à unir le monde – un « monde » qui souvent se limitait au monde connu, certes, mais qui correspondait à tout l’univers pour les contemporains. Les empires romains et chinois en sont de parfaits exemples. Les empires hellènes, égyptiens en sont d’autres. Les empires aztèques ou incas d’autres encore. Quand bien même l’unité politique n’est pas atteinte, l’idée d’un universalisme civilisé contre des barbares se retrouvent partout (Grèce antique, Chine, Inde).
L’« Empire » japonais aussi, souvent au niveau de son archipel, mais débordant dès qu’on prend conscience du vaste monde (le plan d’Hideyoshi de devenir empereur de l’univers, en devenant empereur de Chine, ou le 八紘一宇hakkoichiu, la « maison » impériale recouvrant tout l’univers, concept qui a justifié la conquête de l’Asie pour la protéger de l’Occident, en la mettant sous la « douce » tutelle nipponne, et sa paix tout aussi douce.
On pourrait même penser aux projets de « monarchie universelle » ou de restauration d’un empire romain universel pendant le moyen-âge européen, soit en France (heureusement avec peu de suite) ou dans l’empire germanique.
Bref, tout pouvoir politique a comme cette tendance naturelle à vouloir s’étendre, et unifier. Nous ne parlons pas encore du mondialisme satanique et politique.
Cette tendance naturelle est ainsi constatable. D’où vient-elle ?
De la nature humaine politique qui fait que l’homme sait qu’il appartient à un tout, et qu’il veut appartenir à un tout, politique, mais aussi spirituel. Il est fait, en réalité, pour appartenir au royaume universel de Dieu sur terre, l’Église catholique, comme le signifie clairement Notre-Seigneur, et cette fin inscrite dans la nature humaine s’exprime même après la chute, et même sans la Révélation, et même contre la Révélation le cas échéant.
Le mondialisme satanique use de cette tendance naturelle, en elle-même bonne, à mauvais escient : elle singe l’église catholique, en la plaquant en politique, ce qui donne tous ces empires temporels qui se veulent un absolu en soi, et qui remplacent l’unité de la foi par l’unité formelle et donc totalitaire de la loi ou d’autre chose (voir Augustin Cochin sur ce sujet, il a tout vu, en particulier dans Abstractions révolutionnaires et réalisme catholique). Là le bât blesse.
Dans les mondes païens, le bât blesse forcément : sans révélation, ou plutôt avec une idée si déformée et parcellaire, à partir de quelques mythes, quelques sagesses, et d’une révélation primordiale déformée, tout est corrompu. Parfois sans trop grande mauvaise volonté, peut-être, mais quand même : on cherche l’unité non dans les âmes mais dans les corps, et dans la force temporelle. Parfois cela se sublime, dans les meilleures civilisations, où règne la fidélité politique, voire une certaine amitié politique sans Dieu, mais nous restons loin de la réalité de la « cité de Dieu », ce royaume universel dont le Roi est Jésus, et qui se véhicule par la vie de Jésus-Christ dans nos âmes, et se traduit en action, puis infuse dans les corps politiques.
Alors, l’unité politique est souhaitable en soi. Elle fut la réalité de l’humanité en son début, mais un décret divin l’a brisée. Les unités politiques ultérieures ne furent plus que partielles, pour empêcher l’homme de devenir trop orgueilleux, et de croire que la force collective vaut quelque chose sans Dieu. D’ailleurs tous les grands empires que nous avons cités sont tombés, et tous les les royaumes ont déchu.
Ce désir d’unité en soi n’est pourtant pas un mal, et si l’unité spirituelle est universelle et que l’unité politique ne l’est pas, cette unité politique n’est non plus condamnable en soi : elle est même nécessaire, bienfaisante et utile.
C’est la politique chrétienne, c’est le royaume.
D’un point de vue purement naturel, l’ordre politique, même dur, est toujours meilleur que l’anarchie, et toute société tend vers un certain ordre et une certaine unité, car elle sait instinctivement que c’est ce qui la protège.
Tous les « résistants » au mondialisme qui profèrent des thèses plus ou moins libérales et démocratiques, qui veulent « libérer » les peuples, se trompent fondamentalement : ils font une erreur philosophique terrible, la même que celle des modernes et des révolutionnaires. Ils mettent la liberté avant tout, en en faisant une divinité, là où elle n’est qu’un moyen pour atteindre la fin humaine qui nous est assignée dans notre nature : l’union avec Dieu, et sur cette terre, le début de cette union, et la pratique chrétienne dans une société politique constituée, hiérarchisée et inégale.
Le but du jeu n’est pas d’être indépendant de nos chefs légitimes et naturels, mais de s’y soumettre volontairement et en toute liberté. C’est certainement difficile à entendre pour un moderne, mais le désir d’indépendance n’est qu’une forme, plus ou moins subtile, d’orgueil, et conduit toujours à de graves déconvenues (car cela va à l’encontre de ce que nous sommes, des dépendants avec libre-arbitre qui doivent choisir la bonne dépendance).
Cela ne veut pas dire qu’on doive obéir aveuglément, au contraire ! Mais cela ne veut pas dire non plus qu’il faille toujours se rebeller en se donnant des airs de faux-héros modernes, en faisant rêver les gens avec des lendemains qui chantent – encore un jeu de révolutionnaires !
Dans le chapitre 24 de Saint Matthieu, Jésus prophétise la fin des temps et certains signes qui l’annoncent. La seule chose certaine c’est que jamais nous ne pourrons savoir le « quand » avant que cela ne se produise, alors n’essayons même pas de chercher. Mais ce qui est aussi certain, c’est qu’un des signes de la fin des temps est bien le suivant : « Et cet Évangile du royaume sera prêché dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations ; et alors viendra la fin. » (24, 14).
Et l’Apocalypse, quoique d’interprétation difficile, semble bien faire référence aux chapitres 19 et 20 d’une unification mondiale d’abord sous l’antéchrist, qui précède une longue période de paix sous l’égide du Christ, avant un court temps final de tribulations.
Dans tous les cas, il faut rester vigilant : « C’est pourquoi, vous aussi, soyez prêts, car le Fils de l’homme viendra à l’heure que vous ne savez pas. » (24, 44) et comme le dit Paul, s’efforcer sur le chemin de la justice et de l’imitation de Notre-Seigneur.
Et sachons garder la tête froide : rien de parfait sur cette terre. Ne combattons un mal par un autre mal, parfois pire : il faut substituer aux mauvais principes les bons principes, qui sont ceux qu’on appelle contre-révolutionnaires en français, pour la partie politique, et la vérité du Christ et de son Église, pour la partie surnaturelle. Sans cela, les anti-mondialistes feront du mondialisme satanique, à leur insu, ou pas.
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France
Antoine Michel
1En première approche, voire la traduction aisément consultable ci-dessous. Voire aussi l’article 3, contredisant le dogme moderniste de l’égalité :
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/sommes/1sommetheologique1apars.htm#_Toc484618721
Il me semble que vous seriez bien inspiré de lire les quatre volumes de l’oeuvre monumentale et définitive de Stanislas Berton consacrés au mondialisme et à ses méfaits, intitulés “Essais. L’homme et la cité”…
C’est fait