[Cinéma] Guerre civile (Civil War), 2024.
Ce film n’est pas à voir, mais il reste intéressant de le commenter pour prendre le pouls de la déliquescence morale de notre temps, et de certaines lames de fond qui inquiètent nos contemporains.
Ce film raconte, en un mot, l’histoire de journalistes de guerres qui vont tenter d’aller interviewer le président des états-unis, pris dans une guerre civile totale, et où l’État fédéral perd contre les forces de l’ouest.
D’un point de vue cinématographique, le film est autant une manifestation de l’inquiétude américaine sur les fractures de la société, que sur le journalisme de guerre.
Qu’en dire ?
La classification du film, « Science-fiction », est étrange : c’est de l’anticipation qui pourrait se passer aujourd’hui ou demain, mais rien de la science-fiction au sens classique du terme qui suppose un progrès quelconque technologique qui va permettre de réfléchir une sur une société future supposée. Ce n’est pas le cas dans le film ; il se passe aujourd’hui, dans un univers très sombre.
Le film est ensuite d’une violence extrême, effrayante. C’est pire que dans les films habituels, historiques ou de science-fiction, car justement il se veut beaucoup plus réaliste, et beaucoup plus dans le temps présent : ce film se veut certainement une sorte de sonnette d’alarme pour dénoncer le risque de guerre civile, mais on se demande s’il ne l’encourage pas quand on voit la violence crue et absurde – sans que cela ne pose de problèmes moraux particuliers, et sans qu’il y en ait un qui donne une voix discordante (tout est païen ! comme si les chrétiens n’existaient plus).
Le film semble d’ailleurs être d’un parti pris quasiment anti-fasciste ; même si le film ne veut pas se prononcer, on sent très bien que les nationalistes sont dépeints comme des barbares (les pires dans le film, à un moment terrible), que les forces de l’ouest, qui ne font pas de prisonniers, ont leur cœur au Texas (et en Californie, certes), puis en Floride, et la dernière scène semble être une sorte d’appel à envahir la maison Blanche, faisant comme référence à l’histoire de l’invasion supposée du capitole après l’élection de Biden. Le fait que le film sorte une année d’élection n’est certainement pas innocent. Ajoutons de plus que la guerre de sécession aurait était provoquée par plusieurs mauvaises décisions du président, dans son 3e mandat, comme la dissolution du FBI, et le fait qu’il aurait fait tirer sur le peuple. Tout cela empêche évidemment d’être sûr de qui on veut parler, mais ce manque de morale constante, et cette violence crue et brutale fait froid dans le dos…
L’autre pan du film est un réflexion intéressante sur le journalisme de guerre… Je ne sais pas quelle est l’intention des auteurs, mais en pratique cela dégoûte des journalistes de guerre. Le film dénonce d’ailleurs cette sorte d’affadissement du journalisme de guerre sans idéal, qui devrait au départ, selon eux, rapporter ces faits pour dégoûter de la guerre – ce qui est déjà une position problématique, car, de mon point de vue, le journalisme de guerre est là pour rapporter les faits et c’est tout (dans le film, cela se réduit à condamner la guerre en tant que telle, alors qu’en réalité c’est un peu plus compliqué que cela).
La réflexion est intéressante mais tombe à plat. Les journalistes sont comme des sortes de « dieux » extérieurs : ils montrent leur carte, et les militaires, ou d’autres groupes pas très identifiés, acceptent qu’ils soient là, et prennent les photos des actions de combat…qui sont souvent pas glorieuses, que ce soit à la fin, ou que ce soit au milieu, quand il y a des règlements de compte. On se demande sérieusement si on peut à ce point perdre tout sens moral pour accepter d’être gêné dans son action militaire pour en plus qu’on ait des preuves d’action bien peu glorieuses – l’assassinat du président, qui ne doit pas être fait prisonnier en particulier.
C’est d’ailleurs une vision de la guerre vraiment païenne : pas de prisonniers, tout le monde est abattu toujours (sauf la presse, on se demande pourquoi, avec cette différence étrange entre les militaires amoraux officiels, et les milices nationalistes qui font encore pire, au point de tuer des journalistes…), pas de reddition, rien sur les négociations, tout dans la propagande, rien sur la question de la guerre juste, évidemment.
Ce film témoigne de la fin de la chrétienté dans la guerre, complète. Tout le monde cinématographique, qui devient malheureusement de plus en plus proche de thèmes réels (jusqu’à un certain point, jusqu’à aujourd’hui, cette violence païenne était réservée aux fantasmes de la science-fiction ou à des histoires anciennes fantasmées), véhicule cette violence terrible et païenne, sans foi, sans honneur, sans justice, sans pardon. C’est pour le moins inquiétant, et nous pouvons malheureusement sentir ce fond haineux païen se répandre peu à peu dans la population…et sur des critères aussi flous qu’arbitraires.
Dans tous les cas, le film a l’avantage de dégoûter surtout des journalistes de guerre : ces sortes de voyeuristes se font une règle de ne jamais intervenir sur le terrain, même quand on est hors d’une action militaire en soi, et même quand la conscience exige d’agir d’une façon ou d’une autre. Ces journalistes ne sont d’ailleurs pas très bien équilibrés : abreuvés d’horreur, ils boivent et fument pour oublier, et font parfois des folies pas très glorieuses. L’héroïne sent tout cela, mais au lieu d’éloigner la jeune qui veut suivre son chemin, elle l’encourage. Et à la fin elle se sacrifie pour sauver sa vie, alors qu’elle est complètement imprudente ; l’horreur c’est que la fille journaliste, devenue enfin une journaliste entière, se fiche presque de la mort de son « héroïne », et ne vit que pour prendre la bonne photo, en se fichant de ce qui se passe autour, comme un chirurgien froid devant son patient ouvert, mais qui ne ferait rien pour opérer, mais juste attendre qu’il meurt éventré…
Tout cela n’est pas encourageant. Violence crue et scènes choquantes, qui le sont d’autant plus qu’elles sont « normales ». Les cœurs durs, les nuques raides, la dureté partout… Et une sorte d’absurdité générale qui nous fait nous demander pourquoi ces journalistes, dont certains vont payer de leur vie, font ce qu’ils font. A part l’orgueil de faire la photo du siècle, ou de « montrer » à tous on se demande…
Et surtout on voit bien que c’est irréaliste : impossible que la presse soit tant protégée dans un contexte aussi amoral et sans règles. Jamais on n’accepterait de fournir de telles preuves à des journalistes…
C’est tout à fait irréaliste : on sait très bien qu’un journaliste de guerre est avant tout un pion de propagande, qui évolue sur une bande très serrée, à qui on montre ce qu’on veut bien montrer, et qui n’est autorisé de parcourir un champs d’action, de bataille ou autre que si les forces occupantes le veulent bien. Tout cela est absent du film.
Bref, à ne pas voir, mais il permet de mesurer l’atmosphère délétère de notre époque.
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France
Antoine Michel