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État de droit : état des lieux, par Paul-Raymond du Lac

Une énième polémique de la comédie républicaine pour occuper la galerie s’est levée contre Bruno Retailleau, pour avoir dit que l’état de droit n’était pas sacré.

Nous allons tenter ici de faire un point sur le fond de l’affaire, à savoir « l’État de droit », et ce qu’on pourrait en penser avec de bons principes politiques.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, disons simplement que nous trouvons assez naïves la plupart des prises de position de la droite de la droite, ou des catholiques combattants : Bruno Retailleau n’est qu’un comique parmi les autres comiques, et je ne peux pas m’empêcher à voir en lui un simple tour de passe-passe, un faux panache pour rassurer le bon français, qui parle beaucoup et qui fera peu. On a l’impression d’un Sarkozy bis, avec le vieux Barnier, Gaulliste et vieux baroudeur républicain qui est comme la parangon de tout ce qui a raté depuis 1958. Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il y a un obscur calcul dans ces nominations, pour mieux affaiblir les idées nationales – comme qui dirait – et faisant passer ces bonnes têtes d’affiche pour des impuissants… Enfin, l’avenir nous le dira. Mais comment pouvoir espérer quoi que ce soit de gens qui sont de toute façon coincés – si encore ils avaient de bonnes velléités, ce qui est plus que douteux – par l’hydre républicain et ses officines.

Revenons au pseudo-débat.

Notons d’abord que, pour ce qui est du débat, il est non avenu : cela fait belle lurette qu’il n’y a plus d’état de droit en France – dans le sens classique, disons, de hiérarchies des lois et du droit, avec des lois qui s’imposent aux volontés des citoyens et des serviteurs de l’État. Nous sommes toujours dans un état d’urgence permanent, de tout type, et cela depuis 2015. Il ne fait que s’empirer depuis, avec des couches supplémentaires : et à chaque fois qu’on est censé le lever, il en reste des séquelles qui rendent l’urgence habituelle…

Alors, l’état de droit, on en rie. Les ennemis politiques sont inquiétés de plus en plus facilement, les décisions sont de plus en plus injustes, et les juges font de moins en moins leur boulot : le criminel court, le bon français catholique et royal se fait persécuté.

Ne parlons même pas de toutes ces parties de territoire qui sont sous la coupe d’un autre droit que le républicain – et du fait même de la République, qui n’a jamais voulu agir depuis que le problème commence à se présenter il y a de cela plus de 30 ans.

En un certain sens, si le droit républicain ne gardait pas encore quelques ruines de chrétienté, ces zones d’autre-droit (et non de non-droit) n’ont pas tort…mieux vaut un ordre, même injuste, plutôt que le désordre de plus en plus assumé à tous les niveaux de la République…

De toute façon, les restes de chrétienté dans le droit post-chrétien ne donnent plus vraiment de fruit : pire, devenus fous par la perversité républicaine ces restes complètement branlant et incomplets peuvent servir à justifier le laxisme, en oubliant pourtant l’autorité consacrée par la foi catholique, et bien d’autres choses.

Bref, revenons à l’état de droit.

Qu’en penser ?

L’état de droit est-il « sacré » ?

En théorie, non, puisque seul Dieu est sacré.

Mais la République n’a de Dieu qu’elle-même, ou l’homme, ou la démocratie.

Alors logiquement son sacré devrait être la souveraineté populaire. Or le « souverain » peut changer le droit, qui n’est que positif en mon post-révolutionnaire, et donc l’état de « droit » n’est sacré que temps qu’il émane de la « souveraineté populaire »…que celle-ci peut détruire à la moindre occasion pour appeler un quelconque dictateur et autre.

Nous sentons que dans cette histoire, quelque chose cloche.

Nous savons en effet, à la lumière de la tradition politique classique et saine, que la souveraineté populaire comme la démocratie sont des poisons contre-nature.

Donc, en ce sens, on ne peut pas souhaiter que le souverain populaire, qui en fait n’existe pas, et, au mieux, n’est que le caprice populaire, et, au pire, n’existe que dans officines qui font le beau et mauvais temps républicain, puisse modifier le droit, et changer « l’état de droit », comme il le veut.

Alors l’État de doit est-il sacré ?

Non certes, mais ce débat reflète une certaine vérité anthropologique intéressante. Nous allons tenter de la présenter le plus simplement possible.

Prenons d’abord des institutions qui marchent bien, et qui sont ordonnées à Dieu, à la loi naturelle : la monarchie très chrétienne d’Ancien Régime.

L’État de droit avait-il un sens ? Oui, mais sans la notion de droit positif, qui détruit la réalité classique d’un « état de droit » traditionnel. Il y a en effet des lois et des droits qui sont hors des mains de l’homme : la loi divine, la loi naturelle – et, n’en déplaisent à certains, cette loi naturelle est aussi révélée dans le décalogue pour majeure partie – les coutumes du royaume, dont les lois fondamentales, et les privilèges divers des provinces, des corporations, des églises, des familles.

Le souverain est bien le Roi ; et le Roi devait pourtant respecter tous ces droits supérieurs, et ne pouvait pas aller à leur encontre. S’il le faisait on, aurait pu l’accuser de « sacrilège politique »…et donc cet ensemble d’institutions et de hiérarchies de droit, qui s’imposait même au souverain, était « sacré », non pas en soi, mais comme émanation directe ou indirecte des lois de Dieu (soit naturelles, soit révélées et naturelles, soit à travers l’histoire, soit aussi par la loi positive de l’Église, etc).

Donc « l’État de droit », qu’on ne nommait pas sous ce vocable évidemment, pouvait être sacré dans l’Ancien Régime, mais simplement en tant qu’il manifestait une volonté divine plus ou moins directe. Cela ne changeait rien au fait que le lieutenant de Dieu sur terre, le Roi très chrétien, était bien le souverain en notre royaume, source de toute justice et de tout droit (positif). Et le Roi souverain devait toujours composer avec la souveraineté spirituelle des princes de l’Église, ce qui demandait un effort de bonne entente et d’harmonie, et de recherche inlassable de la volonté divine – ce qui est le travail de toute vie chrétienne, et aussi donc au niveau politique.

La Révolution a détruit tout droit qui n’était pas positif et politique (le droit positif de l’Église, le droit canonique, étant aussi évidemment nié). Elle a donc créé un pseudo État de droit monstrueux, en ce sens qu’il n’est sacré qu’en tant qu’il émane (supposément) de la volonté générale…

Et pourtant, même sous cette forme, l’état de droit a quelque chose qui reflète encore une certaine vérité anthropologique.

Regardons en effet un pays païen comme le Japon : ici le droit positif est sacré, et cela depuis longtemps. Disons qu’il exerce un formalisme terrible : il n’y a que la lettre des pharisiens, et une loi implacable. Pas d’esprit de la loi, mais une lettre impitoyable qui contraint tout le monde – et même le souverain tyran…

Ce n’est pas la joie, mais du moins cette sacralisation de la loi positive qui ne doit plus changer a un seul avantage : il empêche n’importe quel chef de faire n’importe quoi à son caprice, et il permet aux chefs de fuir leur responsabilité (en se cachant derrière la lettre de la loi).

Tout cela vexe la justice, clairement et souvent, et donne un formalisme assez absurde – et comique quand on le regarde de loin.

Il est pourtant paradoxalement comme une protection dont le monde païen se dote par réaction à trop de tyrannie capricieuse : il place un absolu dans une loi (qui peut être absurde) mais qui ne change plus et qui s’impose aussi aux chefs. Ainsi, malgré les dommages collatéraux, on peut faire appel au « droit », au moins pour s’esquiver, et on peut tricher avec lui (puisque de toute façon, en monde non-chrétien, il ne saurait être véritablement juste, quoique généralement de bon sens pour les choses simples). Certes, il empêchera la justice d’être faite dans les grands cas, mais si le droit reste chrétien dans son essence (comme encore un certain nombre d’institutions modernes, qui ont été introduites par exemple dans les institutions japonaises), même si les juges et les policiers n’ont aucune charité ni sens chrétien, le fait de considérer des lois positives à fond chrétien comme sacré ne peut qu’aider…

Surtout si ce côté sacré empêche de changer la loi : ce qui n’est pas le cas en occident révolutionnaire, qui change de droit comme de chaussette… La protection de la stabilité du droit n’existe plus…Car l’expérience montre qu’une loi injuste stable vaut mieux que l’instabilité (comme le disait d’ailleurs saint Thomas d’Aquin avec d’autres mots) : cette stabilité fait forcément gagner le bon sens sur le long terme, et donne de la force aux faibles et aux petits, qui peuvent toujours contester le changement – qui vient souvent d’un « caprice » du totalitaire de passage…

Alors, en définitive, la question de l’état de droit est intéressante pour comprendre certaines vérités anthropologiques.

Dans un monde chrétien et royal, l’état de droit bien compris est sacré.

Dans ce monde républicain et révolutionnaire, il est tordu et décadent, et sa sacralité est révolutionnaire.

Mais bizarrement, vouloir le protéger manifeste certainement une réaction saine de la nature humaine qui abhorre le désordre : « abolir l’état de droit » aujourd’hui revient à se soumettre à la volonté du premier tyran de passage…

Sauf que le débat est vicié, car déjà l’état de droit, de facto, est battu en brèche, tant par l’instabilité chronique du droit, que par les états d’urgence et autres mesures et actions de ceux-là mêmes qui disent qu’ils veulent le défendre…

Encore une fois, la seule solution c’est la restauration, et la restauration du véritable droit qui se fonde sur l’ordre divin, sur l’ordre divin inscrit dans notre nature politique (gouverner en fonction d’une raison humaine bien soumise à la raison divine qui la dépasse) et une bonne hiérarchie des droits, qui tue la lettre pour vivifier par l’esprit de la charité toute chose…

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac

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