Faux progrès moderne/païen et vrai progrès chrétien, par Paul-Raymond du Lac
Notre temps moderne est sous de nombreux aspects non seulement un retour à la barbarie, mais surtout une « paganisation » de notre monde, avec une touche apostate qui la rend particulièrement virulente et vulgaire.
Rien de nouveau sous le soleil : on supprime et on écarte ce que Dieu révéla, et on en vient même, absurdité de la raison, à rejeter le Dieu créateur dont la raison nous démontre l’existence… Ne nous étonnons pas du triste sort de notre monde contemporain, ampli de tristesses morales, de familles démembrées, de maladies psychiatriques à n’en pas finir… C’est logique, sans Dieu, et sans même même un ordre naturel raisonnable, il y a de quoi devenir fou… Il est en un certain sens étonnant que la situation ne soit pas encore pire : belle résilience de la nature humaine créée par Dieu, et bien faite, qui cherche à éviter son auto-destruction, et belle efficacité des restes de chrétienté qui, aussi affaiblis soient-elles, continuent de produire de doux effets réparateurs.
Laissons la parole à un évêque d’autrefois bien éclairé, qui avait tout vu et bien résumé :
« La lumière de la raison nous suffit pour parvenir à la connaissance de Dieu, mais non pour unir l’âme à son Créateur. Car cette lueur qui éclaire naturellement l’esprit humain rend témoignage à Dieu, et la conscience est sa voix. Mais l’orgueil qui est en l’homme le sépare du Seigneur, détourne son âme de la lumière, corrompt sa perception intérieure, et le frappe d’aveuglement spirituel. Par l’Écriture et l’Église, nous apprenons que le vrai progrès consiste pour l’homme à s’approcher de Dieu et que le sentier de ce progrès monte toujours vers une vérité plus entière et vers une plus haute justice.
D’autre part, le monde païen nous donne la terrible leçon de la fin qui attend le faux progrès, celui qui ne cesse de s’éloigner du Seigneur, par le morne sentier de la négation et de la fausse liberté. On perd d’abord la notion de la dépendance de Dieu et l’humilité disparaît. L’homme ensuite oublie son Créateur, l’oublie au point d’ignorer bientôt qu’il est une créature, et le fondement intellectuel de l’humilité s’efface ainsi de son esprit. L’orgueil reste alors seul maître, sans rival, de son cœur, et comme il lui manque un dieu, et un dieu conforme à sa dépravation, il commence à déifier la créature. »1
Tout est là : l’homme perdant Dieu, le vrai Dieu évidemment, il va diviniser une quelconque créature. Tous les pays païens le font, et le degré de dépravation et de superstition n’est lié qu’au degré d’imperfection de la créature divinisée ; animistes et autres religions magiques chamaniques pratiquant la possession diabolique sont l’exemple de ces sauvages primitifs, produisant toute l’anthropophagie et autres sacrifices humains. Quand on divinise des éléments plus subtils, comme la gloire, l’état – ou plutôt la Cité – voire l’honnêteté, ou encore l’homme, la société peut sembler un peu moins dégénéré, mais c’est une simple apparence : le péché et le vice est simplement plus subtilement légitimé, et plus savamment caché. Le païen comme le moderne savent bien cacher la poussière sous le tapis, et perpétrer des meurtres de masse sans douleur – dont l’avortement contemporain est la forme la plus aboutie que nous connaissons…
L’autre conséquence, par force, est la fusion du religieux et du temporel, de l’État et de l’Église, de la religion et de la politique : qu’est le mondialisme sinon un empire mondial fondé sur un nouvelle religion, où les sectes communistes, libérales, LGBTs, écologistes se font une compétition féroce pour obtenir l’hégémonie ? Elles ont toute en commun une certaine gnose kabbalistique messanique, et dont la franc-maçonnerie fut un des principaux vecteurs en pays chrétiens ces derniers siècles.
« Le rejet de l’humilité de la foi et de l’Évangile entraîne rapidement le monde, dans son ensemble, vers les vieux errements païens dans la pensée et dans la conduite, ainsi que vers la vieille confusion païenne qui substituait les pouvoirs temporels à la souveraineté de Dieu. Ceci se manifeste de plusieurs façons. D’ailleurs, les idolâtries de nos jours sont à certains égards plus grossières que celles de l’ancien monde. Car celui-ci idéalisait la nature et, bien que faussement, l’associait toujours à quelque rêve divin, de même qu’il supposait des attributs divins chez ses héros défunts ; tandis que les idolâtries modernes s’adressent aux faits, aux produits grossiers et matériels de la nature et aux inventions humaines, sans qu’il s’y mêle aucune idée surnaturelle. L’ancien monde avait le sens de la religion, bien l’application en fût corrompue. Mais le paganisme moderne a chassé toute notion du divin et a consacré sa dévotion aux forces brutes et aux phénomènes naturels, ou au culte de la pauvre humanité tombée ; à la vénération des inventions mécaniques ; au développement du luxe matériel et à la glorification de l’orgueil, de l’indépendance et de la confiance en soi. Quelle que soit la chose qu’un homme cherche, honore ou exalte plus que son Créateur, cette chose est le dieu de son idolâtrie. Un culte matériel, mental ou social peut exister sans avoir de temples, d’autels, ni de statues ; tout ce que l’esprit et le cœur préfèrent à Dieu, tout ce qui devient le but suprême des efforts de l’homme en dehors de lui, constitue l’idolâtrie de notre temps.
Les États modernes n’ont évidemment pas réclamé la divinisation pour leurs représentants, comme le faisait le vieux monde païen ; leur tendance est d’exclure la religion comme institution, et d’éloigner ses sanctions de leurs constitutions et de leurs lois. De là cette propension toujours grandissante à substituer des expédients temporaires aux principes immuables de la sagesse, et la voix instable de la multitude aux maximes de l’expérience et au mûr discernement de la prudence. On perçoit partout une jalousie énorme de l’autorité qu’exerce la religion sur les âmes, et l’ambition des gouvernements, comme celle païens d’autrefois, est de régner seuls, sans avoir au monde aucun pouvoir au-dessus du leur. Ceci n’apparaît nulle part plus clairement que dans ces systèmes séculiers d’éducation, remise aux mains de l’État, suivant lesquels tous les esprits seraient formés obligatoirement d’après sa mentalité, à la manière des Spartiates, en laissant hors de considérations les droits de Dieu et de la famille, et en réduisant toutes les intelligences à un même niveau stérile de rationalisme. »2
Tout est dit et bien dit. Nous idolâtrons comme jamais aujourd’hui, et l’évêque, parlant il y a plus d’un siècle, modifierait certainement un peu son propos aujourd’hui : nous divinisons même les hommes. Que ce soient les « idoles » du « showbusiness », les grands « héros » des affaires qui réussissent à montre des empires financiers ou encore certains « scientifiques », ne sont-ils pas en pratique aujourd’hui divinisés, d’une façon telle que les faux-dieux des anciens temps jalouseraient certainement bien ?
Et l’État-Église, qui se veut aujourd’hui un état mondial, dont les préfecture (les anciens États-nations) sont les relais, cherche à capter les esprits, et à dominer sur les âmes, non plus par le rationalisme tel quel, mais par une forme dégénérée de ce rationalisme, qui devient un gavage de surinformation sans usage de raison, un lavage de cerveau constant de la « sollicitation-réflexe » jouant sur les impressions et les sens. Même les plus fous des Lumières, prônant de manipuler les gens par les sens et les impressions pour en faire des hommes neufs, n’auraient pas imaginer ce que les techniques modernes permettent de faire effectivement en piégeant beaucoup de nos contemporains dans le virtuel, dans la (fausse) information, dans la frénésie de l’écran.
Heureusement, l’homme est plus résilient qu’on ne le croie, et sa nature ne change pas.
A force d’étouffer, il cherche l’air en remontant à la surface…
Sachons user de ce réflexe de survie bien naturel pour donner le seul air vraiment valable : Jésus-Christ.
Et le seul progrès qui vaille, celui de nous fondre de plus en plus dans le seul modèle de perfection, Jésus-Christ.
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France
Paul-Raymond du Lac
1Mgr W. B. Ullathorne, Humilité et patience, Clovis, 2019, p.47-48
2Mgr W. B. Ullathorne, Humilité et patience, Clovis, 2019, p.48-49