Mass of the ages : le dernier opus est une catastrophe !, par Paul-Raymond du Lac
Il y a quelques semaines Marie-Noëlle De Pasquale publiait dans nos colonnes un article sur le troisième épisode du film-documentaire Mass of the Ages. Aujourd’hui, c’est Paul-Raymond du Lac qui publie sa chronique, plus sévère, sur le sujet.
Disons-le tout net, même si cela ne fera pas plaisir à tout le monde : le troisième opus de Mass of the Ages, ce « documentaire » produit à l’américaine par des Américains, est une catastrophe !
Nous savons bien qu’en raison d’un certain conformisme tradi, ce film a été universellement bien accepté, ou plutôt sa critique est toujours resté mitigée, pour obéir à l’adage politique, pas toujours excellent, du « ne tirons pas sur nos amis ». Ici, il le faut. Nous allons tirer, en toute courtoisie, mais avec franchise. Nous soulignons toutefois avant tout que cette critique ne remet pas en cause la légitime souffrance des fidèles persécutés par le pape François avec Traditiones Custodes, ni les résistances légitimes à une décision inique.
Pourquoi donc ce film est-il catastrophique ?
Partons de la forme, d’abord. Ce n’est pas le plus important, mais cela compte. Ce film est par trop « communicant » et « narratif » : il est trop américain dans sa finition. Pour le dire abruptement, il est un peu trop « bien fait », un peu trop pimpant dans ses techniques cinématographiques pour ne pas susciter la méfiance : tout y donne l’impression d’un film militant, avec un but précis ; le film n’est pas présenté comme une description objective de certaines réalités, comme l’était pourtant le deuxième opus. La question est de savoir : quel est le but de ce film ?
L’impression générale, pour le dire tout de suite, c’est que cet opus adopte un point de vue militant et circonstanciel pour contrer Traditiones Custodes, et critiquer de façon très indirecte la dictature François : au point d’en oublier malheureusement l’analyse des causes profondes de la situation présente, et en tombant dans une certaine mièvrerie sentimentaliste d’autre part.
Il faut dire en effet, pour continuer sur les problèmes de formes, que cet opus joue bien trop sur la corde « sensible », avec des femmes, mieux ! des mamans qui pleurent — oh, les pauvres ! pour susciter l’empathie et la compassion du spectateur. Le procédé cinématographique manque de discrétion et de retenu : on aimerait être convaincu rationnellement et non pas être persuadé par des procédés de communication cinématographique utilisés à outrance par les mondialistes, officines de pouvoir et autres boutiques capitalistes… C’est vraiment dommage…
Passons ensuite aux critiques sur le fond avec, en guise de transition, une dernière critique sur la forme. Le sentimentalisme très malvenu de ce documentaire continue jusqu’à l’attachement de la messe que « l’on aime », à « laquelle on est attachés », qui est « belle », qui est à nous, qu’il ne faut pas nous enlever, etc., etc. Tout cela est vraiment ridicule, pardonnez-moi de le dire, et indigne de traditionalistes qui devraient au contraire se comporter en héritiers de nos nobles et courageux chevaliers : se victimiser, faire pleureur dans les chaumières, c’est la technique des gauchistes et des révolutionnaires du passé, cela n’apporte rien de bon, quelle que soit par ailleurs la réalité des souffrances et des douleurs.
Jésus n’essaie pas de nous émouvoir pour nous émouvoir, et il est toujours immensément discret sur sa souffrance, qu’il ne met pas en scène : il a fallu qu’il sue du sang pour que nous comprenions bien l’intensité de sa souffrance, qui ne l’abat pas et qui le fortifie au contraire comme on le voit au début de la Passion — un mot et toute la troupe tombe au sol, montrant bien qu’Il peut tout faire, Lui qui est Dieu, et qu’Il se laisse attraper de sa propre volonté.
Le film, aussi, est complètement décousu, avec comme passage central la larmoyante épopée des mères de prêtres coincés par les diocèses et les communautés « ex-Ecclesia Dei »…
On comprend bien que ce film est avant tout un plaidoyer engagé, usant de techniques révolutionnaires, en faveur des prêtres et fidèles « ex-Ecclesia Dei », malheureusement présentés comme l’ensemble des catholiques de Tradition.
On comprend leur frustration, mais il faut analyser les causes : faire un compromis en doctrine, sur le Christ-Roi en particulier, conduit à leur situation insupportable face à la papauté, jusqu’à cette contradiction flagrante et quelque peu nuisible. On tente de canoniser Benoît XVI, le gentil pape qui a permis Summorum Pontificum, mais qui a voulu entériner, tel un Napoléon, la révolution conciliaire avec la « réforme de la réforme » ou la « continuité dans la réforme », au lieu de tout simplement « oublier » le concile Vatican II, seul sort digne de lui, pour revenir aux textes du magistère traditionnel… Et après cette sanctification privée de Benoît XVI — paix à son âme ! —, tout en oubliant au passage sa désastreuse renonciation qui nous a conduit au pape François — vraiment, paix à son âme ! nous croyons bien qu’il a dû subir la pénitence de son vivant —, il y a une critique très perverse et par-dessous du pape François, qui risquerait de pousser certains catholiques mal formés dans le camp sédévacantiste.
Ne pas vouloir franchement critiquer les problèmes doctrinaux de la papauté depuis Jean-Paul II au moins conduit les réalisateurs du documentaire à ne pas oser critiquer frontalement le pape François, et sous un apparent respect, tout est tourné dans le film pour qu’on se dise, à juste titre, que ce Pape fait n’importe quoi. D’un côté on entretient une certaine papolâtrie ; de l’autre, on met en évidence l’incompétence du Pape actuel : de quoi ébranler le principe de la papauté… Travaillent-ils sans le savoir pour les sédévacantistes et les néoprotestants ?
Vous allez dire que j’exagère, mais réfléchissez-y bien… Nous avons un pape, comme le montre le film, qui ne bénit même pas les enfants. Cette image est véritablement choquante ! Et ces bons catholiques victimes d’une injustice ne le relèvent même pas ? Ils jouent un jeu de dupes, sachant très bien pourtant qu’on se moque d’eux ! Le pèlerinage des mères de prêtres, organisé par La Voie romaine, m’a fait penser à La Manif pour tous en son temps et à son bisounoursime… On se fiche d’eux de A à Z et ils paraissent contents d’être les cocus de l’histoire… Insidieusement, ils font toutefois montre de leur ressentiment en mettant en lumière tous les mauvais penchants de François… pour qui il faut prier pourtant, le pauvre….
Nous oublions que nous avons les chefs que nous méritons, puisque toute autorité vient de Dieu — en particulier celle du pape — et que nos situations, aussi terribles soient-elles, sont bien dus à nos péchés… Il faudrait que la Tradition fasse un examen de conscience et comprenne ce qui se passe… Mais tout cela est très secondaire, par rapport au véritable problème de fond de ce film. Je vais le dire très violemment, accrochez-vous et comprenez :
L’attachement à la Messe tridentine est absolument inutile.
Le Messe ne doit pas adulée pour elle-même.
Il faut se détacher de tout cela et de nos traditions.
Pour n’aimer que Dieu.
Si nous aimons la messe traditionnelle, c’est parce qu’elle est le meilleur véhicule, voulu par Dieu, pour nous apporter notre Seigneur, et c’est tout !
Nous n’aimons pas la messe pour la messe, mais pour Jésus.
La messe traditionnelle est certainement nécessaire pour être un bon catholique — pas absolument néanmoins car Dieu donne parfois les grâces en dehors de la Sainte Eucharistie, comme ce fut le cas pour les chrétiens cachés au Japon — cela elle n’est pas suffisante !
Qui peut oublier que les Luther, Cranmer et autres prêtres hérésiarques disaient la Messe de façon traditionnelle, et souvent tridentine ? Cela ne les a pas du tout empêchés de devenir hérétiques ! Alors, ce qu’il faut aimer c’est Jésus, et parce que nous aimons Jésus, nous défendons tout ce qui nous Le donne et nous L’apporte, dont la Messe d’abord, mais aussi la doctrine, et en particulier celle du Christ-Roi.
Alors oui, ce film est mauvais, pernicieusement mauvais, malgré toutes les bonnes intentions que nous ne remettons pas en cause — mais nous n’oublions pas que l’enfer en est pavé ! — car il prend un moyen pour une fin et oublierait presque Jésus pour privilégier le petit confort de tradis installés dans de belles églises.
De loin, très loin, depuis le pays de mission où je vis et où les messes se font dans des garages, parfois améliorés, avec des évêques passant tous les 32 du mois, avec des convertis venant de familles cassées et compliquées, je me demande vraiment ce que ces « Parisiens » de la Tradition viennent faire lorsqu’ils se plaignent, avec leur luxe tapageur et leurs froufrous…
Ces constatations faites, je comprends pourquoi la Fraternité Saint-Pie-X a refusé que ses entretiens paraissent dans le film.
Espérons en tout cas que la situation présente réveille chacun, et que la grâce progresse ! Nous prions pour toute l’équipe de réalisateurs, pour qu’ils se ressaisissent et corrigent le tir.
Paul-Raymond du Lac
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !
Vous ne les avez pas ménagés mais je suis d’accord avec vous ! Vous avez dévoilé le jeu révolutionnaire avec courage. Merci 👏🏼