L’abomination de la falsification, par le R. P. Jean-François Thomas
Nous y sommes. La France, fille aînée de l’Église, entre les mains des ennemis du vrai Dieu depuis deux siècles, vient de signer son arrêt de mort en votant fièrement et dans une folie furieuse l’inscription dans la Constitution de l’avortement comme droit inaliénable. Le ciel tremble et les anges pleurent. La juste colère de Dieu va descendre sur nous car nous avons flétri ainsi l’origine même de la vie donnée par le Créateur. Les Saintes Écritures, — le Livre de Daniel et l’Apocalypse de saint Jean —, nous révèlent que, des dix cornes de la Bête, surgira une onzième petite corne, l’Antéchrist. « Petite corne » signifie que ce sera, contrairement à ses dix prédécesseurs, un homme obscur, plébéien, arriviste, mais capable de soumettre les nations à sa cause. Se profilent dans notre monde de tels personnages, parvenus mais puissants. Leonardo Castellani écrit à son sujet : « Son gouvernement, purement extérieur et tyrannique, imposera sur toute la Terre le règne de l’iniquité et du mensonge, compatible avec une complète licence de jouissances et de diversions : l’exploitation et l’asservissement de l’homme atteindront des proportions inouïes, au nom du bien, conformément à sa propre façon d’être, hypocrite et sans pitié. Le temps de sa domination s’accompagnera ça et là d’une espèce d’enjouement superficiel et frénétique, recouvrant le désespoir le plus profond. » (La Vérité ou le néant) Mensonge, asservissement au nom du bien, enthousiasme perverti, tout est présent en ces temps sombres contemporains. L’adresse du relativisme est ici couronnée car elle a réussi à faire croire, en l’espace de cinquante ans, qu’une femme peut être enceinte d’autre chose que d’un être humain et qu’elle pouvait se débarrasser sans remords de cet objet étranger. Inscrire ce crime en lettres d’or dans une Constitution, — fut-elle celle d’un régime habitué à commettre toutes les horreurs-, est une étape qui nous conduit un peu plus loin sur la voie de l’autodestruction.
La falsification est le signe de marque de tout ce qui collabore à l’œuvre de retournement de l’Antéchrist. Tout peut être falsifié depuis que le message du Christ lui-même a pu être touché par toutes sortes d’hérésies et d’erreurs. Les faussaires sont très adroits et beaucoup d’entre eux occupent des positions de choix, tiennent les rênes des royaumes de ce monde. Lorsque la morale naturelle et révélée est remplacée par une morale républicaine inspirée par des contre-valeurs, elle fait croire qu’elle est la nouvelle et unique norme et elle fait pression pour convaincre chacun. La plupart se laisse facilement fléchir car il est tellement facile d’ouvrir les vannes de la liberté trompeuse. Tous nos maux actuels découlent de l’erreur théologique de Jean-Jacques Rousseau, le naturalisme, affirmant que l’homme est naturellement bon et qu’il peut trouver en lui-même ce qui est nécessaire pour être bon. D’où le basculement de toutes les vertus dans l’abîme qui nous appelle aujourd’hui. L’homme révolté a voulu être seul avec son libre arbitre, sans l’aide de Dieu pour éclairer cette liberté à double tranchant. La morale est transformée en « moraline », pour reprendre l’expression de Castellani, avant que cette dernière ne disparaisse elle aussi dans l’éradication menée à bien par le Malin et ses sbires.
Les âmes de feu se soucient de s’armer contre toutes ces influences pernicieuses, alors même que l’étau se resserre et que la liberté de faire le bien sera bientôt interdit, passible des pires sanctions. Elles ne doivent pas se laisser intimider par des textes de lois iniques. Le crime sera toujours un crime, et nulle légalisation ne pourra le transformer en bien. Tous les régimes totalitaires procèdent de la même façon pour bâillonner et étouffer à petit feu la vérité. La manière plus douce de procéder, dans un régime comme le nôtre, est d’autant plus perverse qu’elle avance ses pions à pas feutrés, réussissant à s’octroyer une unanimité quasi-totale. Ce qui révoltait encore il y a cinquante ans gagne au contraire tous les suffrages et le silence mortel de la plupart des hommes d’Église occupant des chaires de vérité est d’autant plus accablant. Trop de « moraline » bien peu efficace dégouline de ces chaires de vérité alors que notre pays, notre monde, ont besoin d’un électrochoc, sinon notre perte sera consommée. En 1940, dans des circonstances différentes mais tragiques, Georges Bernanos écrivait à Roland Corbisier : « Le monde n’a plus rien à perdre, nous non plus. Ce n’est pas le moment de lui faire des cours de morale et de théologie. Les Docteurs de la Loi sont des gens si funèbres, si ennuyeux ! Le monde a besoin de remèdes simples. Il faudrait d’abord lui rendre l’honneur. » (Correspondance, T. II, 1934-1948, 20 décembre 1940) Le 4 mars dernier, notre pays a perdu le peu d’honneur qui lui restait après des décennies de reniement, d’absence de sacrifice, d’hédonisme échevelé. Notre honneur gît dans la boue alors que notre terre fut très chrétienne et qu’elle éclaira alors le monde par sa foi, son intelligence, ses créations, ses découvertes. Tout est mutilé. Notre prétention à donner des leçons d’illumination à toutes les nations est d’essence démoniaque : seul le Malin se regarde comme le maître absolu de l’intelligence. Le contentement affiché par les députés et les sénateurs réunis à Versailles, — c’est un comble —, est une signature diabolique dont l’apothéose s’est traduite par la tour Eiffel maçonnique affichant dans ses scintillements le nouveau mot d’ordre contre la vie humaine. Tout cela fait frémir d’horreur et pleurer de tristesse indéracinable.
Qui, parmi tous ces « élus », s’est jamais préoccupé d’aider une femme en détresse, puisqu’ils n’ont que ce mot à la bouche ? Il semble que l’Église soit ici la mieux placée car elle n’a jamais cessé de venir en aide aux êtres qui sont dans la tourmente, tout en respectant le principe inviolable de la vie humaine à naître. L’opposition haineuse et frontale contre la vie des enfants à naître est le signe que l’homme choisit les ténèbres en rejetant le principe de réalité et toute réflexion sur le statut de cet être qui grandit dans le ventre de la femme. Les ennemis de la vie savent ce qu’il en est. Ils ne sont pas naïfs ou aveuglés involontairement. Ils ont choisi ce combat à feu et à sang et ne s’arrêteront que le jour où la colère de Dieu nous enverra des fléaux jusque-là inconnus par leur horreur et leur puissance. Si Dieu vomit les tièdes, encore plus rejette-Il ceux qui osent porter atteinte à la vie innocente en gestation. Il nous reste à entrer dans la pénitence, à sonder le silence qui précède le cataclysme et à nous préparer à résister dans la fidélité lors de la grande tribulation.
P. Jean-François Thomas, s. j.