Tribunes

Deuxième sermon sur la petite voie de sainte Thérèse : le désir d’aimer

Dimanche dernier, je vous parlais déjà de sainte Thérèse, et de la foi que nous devons avoir en l’Amour miséricordieux de Dieu pour nous. Saint Paul dit aux Éphésiens : « Dieu qui est riche en miséricorde, et à cause de l’immense amour dont il nous a aimés, lorsque nous étions morts par nos péchés, nous a vivifiés en Jésus-Christ. » (Eph 2 ;4-5). Et Saint Jean dit : « Et cette charité consiste en ce que ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés le premier, et qui a envoyé son Fils comme victime de propitiation pour nos péchés. » (1 Jn 4 ;10). « Et nous avons connu, et nous avons cru à la charité que Dieu a pour nous. » (1 Jn 4 ;16). Avoir la Foi en l’amour miséricordieux de Dieu, c’est comprendre que Dieu nous aime en raison même de notre petitesse et faiblesse.

Voyons maintenant l’effet de la foi en l’amour miséricordieux de Dieu ? C’est le désir d’aimer Dieu. St Jean dit : « Nous donc, aimons Dieu, puisqu’Il nous a aimé le premier. » (1 Jn 4 ;19).

Le désir d’aimer, réponse à l’Amour miséricordieux

Quand nous nous disons sincèrement, avec une foi profonde : « Je suis aimé par mon Dieu, aimé infiniment, aimé miséricordieusement, moi misérable, à cause de ma misère même », que se passe-t-il en nous ? Le désir s’éveille de nous livrer à cet amour miséricordieux, avec toute notre misère, pour être transformé par lui. Autrement dit, s’éveille en nous le désir d’aimer Dieu.

Si Dieu nous a révélé son Amour, c’est bien dans ce but-là : susciter notre désir de l’aimer. Dieu a besoin que nous ayons ce désir pour pouvoir se donner. Pourquoi cela ? Parce que Dieu ne peut se donner qu’en se faisant aimer. Dieu est amour, c’est-à-dire la vie de Dieu au sein de la Sainte Trinité est toute faite d’amour entre les trois Personnes divines. On ne peut entrer dans la vie divine que par l’amour de Dieu. Dieu a un immense désir de se donner. Mais Il ne peut se donner qu’en se faisant aimer. Donc Il a soif d’être aimé. Ce qu’Il excite tout d’abord en nous, c’est le désir de l’aimer.

On trouve une illustration de cette vérité dans l’épisode de la Samaritaine de l’Évangile. Si nous lisons cet épisode à la lumière de ce que nous avons dit, voici ce que cela donne. Jésus demande à la Samaritaine : « Donnez-moi à boire ». Ce qui signifie : « Donnez-moi votre amour ». La samaritaine répond : « Comment vous, qui êtes Juif, me demandez-vous à boire, à moi une Samaritaine ? ». Ce qui signifie : « Comment vous qui êtes Dieu infiniment parfait, me demandez-vous mon amour, moi qui suis un pécheur, si faible, si dénué de tout ? ». Et Jésus répond : « Si vous saviez le don de Dieu et qui est celui qui vous dit : Donnez-moi à boire ! Vous lui auriez vous-même demandé à boire, et il vous aurait donné de l’eau vive. » Ce qui signifie : « Si vous connaissiez l’amour miséricordieux de Dieu pour vous, c’est vous qui auriez dit : Donnez-moi votre amour ! Et je vous aurais infusé mon amour en votre cœur. » Alors, la Samaritaine s’écrie : « Seigneur, donnez-moi de cette eau ! » Ce qui signifie : « Donnez-moi votre amour ! ». Jésus a excité dans le cœur de la Samaritaine le désir d’aimer Dieu, et à partir de là Il la sanctifie. Ainsi en va-t-il de nous. Nous devons croire à l’amour miséricordieux de Dieu, et aller vers Lui avec humilité et confiance et Lui dire : « Donnez-moi de Vous aimer ! Je suis petit, faible, pécheur, sans amour de Dieu. Je manque de toutes les vertus. Je veux vous aimer. Donnez-moi de vous aimer ! ». Tout le monde sans exception, même les plus grands pécheurs, peuvent dire cela à Dieu.

Le désir d’aimer, principe de la sainteté

Ce désir d’aimer, c’est le commencement de la sainteté, c’est le moyen de la sainteté, c’est la sainteté elle-même. Le désir d’aimer, c’est le commencement de la sainteté. En effet, la sainteté consiste dans l’amour parfait de Dieu : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit… et ton prochain comme toi-même » (Mt 22 ;37).

Le désir d’aimer, c’est le moyen de la sainteté. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus disait à sa sœur : « Tu me demandes un moyen pour arriver à la perfection. Je n’en connais qu’un seul : l’amour. » En effet, ce désir d’aimer attire Dieu car il est fait d’humilité et de confiance. D’humilité, parce que nous reconnaissons notre petitesse et faiblesse. De confiance, parce que nous savons que Dieu comblera le désir que Lui-même provoque.

Le désir d’aimer, c’est le moyen de la sainteté parce qu’il cause le besoin de manifester à Dieu son amour. Une fois que l’âme a donné entrée en son cœur au désir d’aimer Dieu, ce désir la pousse à se dégager de l’amour égoïste de soi-même, à s’élever vers Dieu et à tout faire pour son amour. En effet, le désir sincère d’aimer n’est pas un désir vague et inefficace, mais s’exprime par des actions. Sainte Thérèse signifie ces actions quand elle parle de « lancer des fleurs à Jésus ». Voici pourquoi : au Carmel de Sainte Thérèse, au mois de Juin, le soir, les novices avaient la pieuse habitude de recueillir les pétales de roses dans le jardin ; puis elles se réunissaient au pied du grand crucifix au milieu du cloître, et elles lançaient en pluie leurs pétales à Jésus en Croix. Par ce geste tout de simplicité enfantine, les novices exprimaient à Notre-Seigneur leur amour. Faisant allusion à cette pratique, dans son autobiographie, Sainte Thérèse parle à Jésus et dit comment son désir d’aimer va s’exprimer :

« Oui mon Bien-Aimé, voilà comment se consumera ma vie… Je n’ai d’autre moyen de te prouver mon amour, que de jeter des fleurs, c’est-à-dire de ne laisser échapper aucun petit sacrifice, aucun regard, aucune parole, de profiter de toutes les plus petites choses et de les faire par amour… Je veux souffrir par amour et même jouir par amour, ainsi je jetterai des fleurs devant ton trône, je n’en rencontrerai pas une sans l’effeuiller pour toi… puis en jetant mes fleurs, je chanterai, (pourrait-on pleurer en faisant une aussi joyeuse action ?) je chanterai, même lorsqu’il me faudra cueillir mes fleurs au milieu des épines, et mon chant sera d’autant plus mélodieux que les épines seront longues et piquantes. Jésus, à quoi te serviront mes fleurs et mes chants ?… Ah ! je le sais bien, cette pluie embaumée, ces pétales fragiles et sans aucune valeur, ces chants d’amour du plus petit des cœurs te charmeront, oui, ces riens te feront plaisir. »

Le désir d’aimer enfin, c’est la sainteté accomplie. Car plus on désire aimer Dieu, plus Dieu se donne. Et plus Dieu se donne, plus Il augmente le désir d’aimer. Le désir d’aimer entraîne l’âme dans une spirale ascendante qui s’achèvera dans le bonheur éternel.

Conclusion

Chers amis lecteurs, il y a deux soifs qui doivent se rencontrer : la soif de Dieu et notre soif. La soif de Dieu de se donner et donc d’être aimé, et la soif de l’homme d’être rempli, possédé et transformé par l’amour. La soif de Jésus qui dit à la Samaritaine : « Donnez-moi à boire ! » et la soif de la Samaritaine qui dit à Jésus : « Donnez-moi de cette eau ! ». La soif de Jésus en Croix qui dit : « J’ai soif ! », et la soif du bon larron qui dit : « Seigneur souvenez-vous de moi quand vous serez parvenu dans votre royaume » (Lc 23 ;42).

La rencontre de ces deux soifs produit la sainteté. La samaritaine fut sanctifiée, le bon larron aussi. Et nous aussi si nous suivons leur exemple. Tout le monde peut devenir un saint, parce que tout le monde peut désirer aimer Dieu. Amen

Un prêtre missionnaire au Japon

Illustration : Sainte Thérèse de Lisieux, par © Baritus Catholic.

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