Ce que révèle la fièvre démocratique de notre nature profonde, par Paul-Raymond du Lac
« La première propriété de l’amitié, c’est qu’elle règne entre des personnes qui soient égales en quelque manière. L’égalité sera absolue, si la condition des personnes est la même ; elle sera relative, si l’une des deux est supérieure à l’autre : telle serait l’amitié qui existerait entre un roi et un de ses sujets, entre un père et un fils. Il suit de là qu’un ami, lorsqu’il est élevé en dignité, cherche à rapprocher de lui le plus qu’il peut son ami, suivant cette parole de saint Jérôme: L’amitié trouve ou fait des égaux Or voilà quelle est l’amitié que Dieu veut contracter avec nous. Comme il voit une disproportion infinie entre la nature humaine et la nature divine, il nous élève à un état supérieur pour nous rendre en quelque sorte dignes de son amitié. Dans cette vue, il nous enrichit, dit saint Pierre, des grands et précieux dons de sa grâce ; il nous fait participants de sa nature divine ; il nous rend semblables à lui, autant qu’une pure créature en est capable en cette vie. Il ne se contente pas de nous honorer de la qualité d’amis et de favoris, il nous adopte pour ses enfants et pour les héritiers de son royaume ; il nous communique son bonheur ; il nous donne même le nom de rois et de dieux, et il se déclare l’époux de nos âmes. C’est du reste par une faveur toute gratuite qu’il agit de la sorte ; c’est pour montrer son infinie bonté qui admet ses créatures et ses esclaves à la participation de l’amitié infinie qui unit dans une même nature les trois divines Personnes. » (Père Louis du Pont, Méditations, sixième partie, méditation IX)
Les erreurs ne peuvent exister qu’en parasitant des vérités, en les détournant, en les désordonnant pour les diriger vers une autre fin. Ce qui revient, en pratique, à changer leur place réservée dans le grand édifice divin.
La démocratie ne fait pas exception : nous savons qu’en matière politique la démocratie est une dégradation ultime de la société politique et qu’elle mène à la guerre de tous contre tous. Elle est une négation de notre inégalité naturelle, une négation de la nécessaire harmonie entre des parties différentes et inégales, pour le service du tout, du bien commun. Elle est le vice de la jalousie institué comme un bien absolu.
Il est pourtant intéressant de chercher sur quelle « parcelle » de vérité se fonde cette erreur : elle semble venir de notre nature créée par Dieu pour L’aimer, et être aimé. Comme le dit le Vénérable Père du Pont, citant de grands prédécesseurs, l’amour parfait se pratique entre égaux, et quand il y a inégalité, l’amitié veut tirer l’autre vers le haut, pour se le rendre égal : c’est ce que Dieu fait en S’avilissant dans l’Incarnation pour nous permettre — par Jésus et en Jésus — de devenir par Sa grâce Son égal. Il nous aime à ce point là !
La Trinité, mystère d’amour, expose aussi cette « démocratie » surnaturelle, divine et parfaite : trois personnes égales en tout s’aiment infiniment, et le Bon Dieu veut que nous participions à cette amitié parfaite.
La démocratie détourne ce fond qui est inscrit dans notre nature, et qui révèle le plan divin d’amour pour nous, et comment il nous destine à l’amitié parfaite.
La démocratie, niant Dieu, détourne ce rapport d’amitié surnaturel pour le rendre non seulement naturel, mais aussi temporel : on veut forcer l’amour (ce qui est contradictoire, puisque aimer est un acte de volonté) en créant artificiellement des égaux, ce qui est contre-nature.
Les anciens Grecs et Romains connaissaient l’importance de l’amitié naturelle, mais ne tombaient pas dans les affres démocratiques : l’amitié était réservée à une étroite élite aristocratique de citoyens libres et oisifs, pouvant se consacrer à l’exercice des vertus grâce à l’esclavage massif des autres. L’amitié humaine demande le petit nombre, seule la charité divine permet d’étendre l’amitié — surnaturelle — au-delà du petit nombre :
« En pénétrant plus avant dans ce sujet, je verrai qu’il y a en Dieu un amour infini d’amitié et de charité, parce que toutes les conditions de la parfaite amitié se rencontrent excellemment dans les trois Personnes divines. Ces conditions sont l’égalité des Personnes, l’union des volontés, une communication réciproque de toutes choses. Un ami veut pour son ami l’être, la vie, et toutes sortes de biens ; il lui communique ceux qu’il possède; il se,plaît à converser avec lui intimement et à lui faire part de ses secrets. L’amitié requiert surtout que l’amour soit ancien et persévérant, et que ceux qu’il unit soient peu nombreux » (Père Louis du Pont, idem)
La démocratie n’élève pas, elle avilit tout le monde dans une égalité décadente et affligeante, et, comme ce désir d’égalité contre-nature est désordonné — en effet, au lieu de vouloir simplement l’appliquer à notre relation à Dieu, et dans la charité surnaturelle du baptême, on tente de forcer la nature à une égalité non seulement impossible, mais contraire à la volonté de Dieu (pensons aux sexes, puisque aujourd’hui la fièvre égalitaire en arrive à nier même les sexes)…
Pauvres fous, qui se rendent malheureux en niant leur nature ! Et le diable porte pierre ! Car ces mêmes fous démocratiques nous prouvent en creux que nous sommes faits par Dieu pour aimer, dans la seule « démocratie » existante, qui est surnaturelle en Dieu, qui nous élève jusqu’à Lui par Son Incarnation… si encore nous voulons bien nous attacher à Dieu !
Alors, démocrates, dirigez votre soif d’égalité dans l’Amour de Dieu, et revenons-en à l’inégalité naturelle de nos sociétés politiques, qui permettent de travailler ensemble pour de vrai, et efficacement, au bien commun ! Revenez vers le Roi ! Lieutenant de Dieu sur terre, il vous aimera comme un père, et cherchera à vous élever sans tomber dans les vices de la jalousie et de l’orgueil.
Paul-Raymond du Lac
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !