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La Contre-Révolution ! Discours d’ouverture du symposium des 15 et 17 juillet 2023, par Paul de Lacvivier

Journée du 15 juillet

Chers amis, chers camarades,

Je suis honoré d’ouvrir cette troisième session du symposium international, dont la première édition a eu lieu en 2019. Nous avions alors étudié la Révolution de 1789, puis, en 2021, et malgré le covid, nous avions étudié les causes de la Révolution, dans les Lumières. Il était ainsi naturel de traiter aujourd’hui des remèdes de la Révolution. Vous allez découvrir un monde qui vous est certainement méconnu, mais essentiel pour pouvoir sortir le Japon de l’ornière où il se trouve, à l’insu de trop de Japonais.

Baisse démographique, vieillissement de la population, désintégration des familles, désertification des provinces et fin des campagnes, disparition subreptice des petits commerces et des petites entreprises : les indices d’une grande décadence sont déjà sous nos yeux, il ne faut pas attendre pour agir. L’Empereur et la famille impériale sont tout autant touchés que le reste du Japon : la tête subit les mêmes effets de la Révolution que le reste du corps. Le dauphin va a l’école, tous les membres de la famille impériale vont à l’école et sont pollués par les idées révolutionnaires.

Il faut revenir aux principes ! Je laisse la parole à Mgr de Ségur, le fils de la célèbre comtesse de Ségur, notamment connue pour Les Malheurs de Sophie :

« II ne faut pas confondre ce qu’on appelle en général « la Révolution » avec la révolution française de 1789. La Révolution proprement dite est plus qu’un fait : c’est une doctrine, un ensemble de principes et de théories sociales et politiques, que l’Assemblée nationale de 1789 n’a fait qu’appliquer à la France ; et cette doctrine, qu’on a appelée justement la Révolution, c’est-à-dire la grande révolte, est un immense blasphème et une théorie abominable. C’est la négation impudente du droit de DIEU sur les sociétés, et du droit qu’il a donné à son Église d’enseigner et de diriger les rois et les peuples dans la voie du salut.

C’est une doctrine nouvelle, née des révoltes protestantes, de l’incrédulité voltairienne et des conspirations de la franc-maçonnerie. Elle déclare que l’Église de DIEU n’a aucun droit d’enseigner ni de diriger les sociétés, d’inspirer les lois, de s’interposer entre les Souverains et les peuples pour empêcher l’injustice et maintenir les droits de la vérité. D’après la doctrine révolutionnaire, les Souverains et leurs gouvernements relèvent, non plus de DIEU, mais du peuple ; DIEU n’est plus le Maître suprême de la nation : c’est le peuple qui seul est son propre maître ; de là les noms de « peuple souverain », et de « souveraineté du peuple ». De là encore la fameuse et absurde théorie du suffrage universel, où le peuple-roi, trompé, conduit par le bout du nez par le premier venu, vote sans savoir ce qu’il veut, sans comprendre ce qu’il fait, sans connaître les élus pour qui on le fait voter.

Dans ce beau système, le Souverain n’est plus le délégué, le représentant de DIEU, chargé par lui de procurer le vrai bonheur du peuple : le Souverain, dans le système révolutionnaire, est le commis, le représentant du Peuple-Souverain, lequel peut, à son gré, le mettre à la porte, et se choisir un autre commis1 ».

Les deux journées qui nous attendent seront denses et destinées à servir la vérité, même si elle doit gênante ou déplaisante. Je laisse la parole à l’abbé Roquette, un bon abbé de la fin du XIXe siècle, qui savait que parler vrai était une œuvre de charité :

« Je dis donc à mes lecteurs, et cette fois avec l’apôtre : « Éprouvez ces doctrines, pour voir si elles sont de dieu » (I Jean, IV, 1). voyez ces thèses, assurez-vous si, comme elles l’affirment, elles sont de Dieu, et si elles en sont en effet, inclinez-vous, respectez, admirez, acceptez-les pour vous-même, quand même tout le reste de la terre les rejetterait, et ce livre aura atteint son but, et il ne sera pas un anachronisme. Du reste, quelles que soient les dispositions des hommes, un ouvrage qui raconte les œuvres de Dieu ne peut être un anachronisme. Il est plus que de son temps, il est de tous les temps, car il est de Dieu. Il n’a pas besoin pour cela de faire des concessions à ses contemporains ; au contraire plus il en ferait, moins il serait de tous les temps, et, par conséquent, plus il s’amoindrirait.

Ce qu’on prend à la vérité éternelle, dit un penseur contemporain, pour le donner au temps consommateur égoïste et ingrat, le temps ne le rend jamais, et l’a bientôt dévoré. 

Un roi dans son gouvernement, des ministres dans le conseil de leur roi, des législateurs dans leurs lois humaines, peuvent et doivent même souvent faire des concessions parce qu’ils gouvernent des sujets plus ou moins dociles, et qu’à l’impossible nul n’est tenu ; mais la théorie, mais la science n’en fait pas. Elle considère la vérité qui est immuable, toujours sereine, non l’homme qui est changeant, passionné. Heureux le peuple dont le cœur est assez grand pour aimer la vérité ; ce peuple sera grand lui-même, car il n’aura d’autre roi et d’autre législateur que Dieu.

C’est donc entendu ; le praticien est dans son rôle, quand il n’applique de sa théorie que ce qu’il peut ; le théoricien n’y est pas s’il ne dit tout ce qu’il sait. La pratique est personnelle, la science est impersonnelle.

Malgré tout ce que je viens de dire, je sens bien que je n’échapperai pas à tous les reproches. Des catholiques même, ceux surtout qui aiment à s’appeler modérés, et qui sont, en effet, très modérément catholiques, trouveront plusieurs parties de ce travail inopportunes, peut-être même provocantes. Pourquoi irriter, diront-ils ? Ne vaut-il pas mieux attirer ?

Eh ! sans doute, répondrai-je, mais il semble que c’est en exposant la vérité, non en la dissimulant, qu’on attire les hommes de bonne volonté. Quant aux autres, la vérité sert toujours à les convaincre de mauvaise volonté, et c’est pour cela que Dieu ne la leur a jamais ménagée. Est-ce que Jésus-Christ l’a ménagée aux Juifs, les apôtres aux païens, l’Église aux hérétiques ? D’ailleurs, celui qui est de mauvaise volonté aujourd’hui ne peut-il être de bonne volonté demain ? Or, qu’est-ce qui l’aura changé ? La vérité qu’il avait connue et repoussée la veille, car si les passions ont un charme d’un jour, d’un moment, la vérité a un charme permanent ; et, d’ailleurs, n’est-ce pas la thèse des libéraux que la vérité finit toujours par triompher ? Or, comment triomphera-t-elle si on la tient sous le boisseau ? La vérité n’a donc que de bons effets, soit qu’elle attire, soit qu’elle irrite, et je m’étonne que des catholiques libéraux, c’est-à-dire amis à temps et à contre-temps de la discussion, n’en veuillent justement plus dès qu’elle est en faveur de Dieu et de la vérité. »2

***

Paul de Lacvivier et Marion Sigaut durant le symposium de Tokyo 2023.

Journée du 17 juillet

Chers amis, chers camarades,

J’ouvre cette seconde journée de symposium en nom et place de Jason Morgan qui, nous le regrettons profondément, n’a pas pu se joindre à nous aujourd’hui. Jason m’a inspiré la création de cette série de colloques, en 2018, peu après qu’il m’a dit : « Vive le Roi ! » lors d’une marche pour la vie. Nous prions pour lui, et pour l’union des clans ! comme dirait Michael Matt, ce brave chevalier américain de The Remnant.

Nous rassemblons maintenant des contre-révolutionnaires de toute la planète : France, Japon et États-Unis. 

La journée de samedi fut bien remplie ; aujourd’hui sera l’occasion d’un travail encore plus approfondi ! Nous invitons tous ceux qui n’ont pas pu assister aux conférences de samedi à en prendre connaissance ultérieurement, chacun à de quoi prendre pour s’inspirer et améliorer la situation autour de lui.

Nous avons vu que la Révolution n’est pas un événement précis et ponctuel, mais un poison intellectuel, un poison doctrinal qui détruit les fondements de la société, à commencer par la famille, et la souveraineté, incarnée dans le Roi en France, dans l’Empereur au Japon. La France, comme le Japon, sont profondément atteints du mal révolutionnaire, il faut donc trouver un remède adéquate : la contre-révolution.

Comme dit le dicton, « le bruit ne fait pas de bien, et le bien ne fait pas de bruit ». On pourrait tout aussi dire : « la vérité n’aime le bruit, et le bruit n’aime pas la vérité » : nous avons voulu aujourd’hui créé un havre de paix afin de pouvoir nous poser dans le calme et la réflexion, pour faire sortir la vérité.

La Contre-Révolution, comme le disait Joseph de Maistre, n’est pas ainsi « une révolution contraire », un coup d’État, mais le « contraire de la révolution » : il s’agit de retrouver les principes universels vrais sur lesquels fonder notre action, et d’ensuite les appliquer à nos réalités particulières. Je vous invite en cela à écouter attentivement la première conférence de l’abbé Billecocq, lue par l’abbé Rampon.

Je préfère laisser la parole à une plus grande autorité que moi, en la personne de Mgr de Ségur :

« Ce qui fait qu’un pouvoir est légitime, ce ne sont ni les intentions ni les qualités de celui qui l’exerce : ce sont les principes sur lesquels il s’appuie. De même, ce qui fait qu’un pouvoir est révolutionnaire, ce ne sont ni les intentions ni la perversité de ceux qui l’exercent, mais bien les principes révolutionnaires qui lui servent de base. Cette distinction est fondamentale.

(…) La légitimité est essentiellement une question de principes; il ne faut jamais en faire, comme on le fait presque toujours, une question de personnes.

Depuis 1789, tous les gouvernements de fait qui se sont succédés et qui ont dirigé la France, se sont tous, comme nous l’avons dit, appuyés plus ou moins sur les principes mensongers de la souveraineté du peuple et de l’indifférence politique en matière de religion. 

Pour ce motif, tous ont été plus ou moins révolutionnaires. La Restauration elle-même, tout en maintenant le vrai principe monarchique, avait fait à l’esprit du temps des concessions qui l’ont perdue en l’affaiblissant. Elle avait conservé trois éléments de mort : l’Université napoléonienne, qui était et qui est toujours l’école, la pépinière de la Révolution ; la liberté, ou plutôt, la licence de la presse, qui est la grande arme de la Révolution ; enfin la franc-maçonnerie, qui est l’armée organisée de la Révolution. La Révolution a perdu Charles X, comme elle avait perdu Louis XVI.

« Je suis la Révolution, » disait un jour, de lui-même, Napoléon Ier. Louis-Philippe eût pu en dire autant, quoique à un autre point de vue. Nos deux républiques, plus encore s’il se peut; et chacun sait comment le second Empire, malgré la modération habituelle, pour ne pas dire l’hypocrisie, de ses procédés avait inscrit, en tête de sa constitution « les immortels principes de 89, la souveraineté nationale et le suffrage universel ».

Le premier Empire était la Révolution militaire ; le gouvernement de Juillet, la Révolution parlementaire bourgeoise ; les trois Républiques, la Révolution démocratique ; le second Empire, la Révolution diplomatique et soi-disant pacifique.

Tous ces pouvoirs, bâtis sur le sable, ne pouvaient durer : le souffle de la colère de Dieu les a renversés les uns après les autres, les uns comme les autres, les uns sur les autres. Aucun gouvernement issu de la Révolution n’est viable3. »

La constitution démocratique japonaise est issue de la révolution : elle n’est pas donc pas viable. Que faut-il faire alors ? Revenir aux principes, aussi sévères soient-ils. Laissons la parole à une autre figure du royalisme français, Charles Maurras :

« Oui, Monsieur, oui, Madame, c’est parce que « le discours est dur » que l’efficace en sera douce ; c’est parce que le livre est « amer à la langue » que, plus bas, il sera tonique et guérissant.

C’est une grande erreur de penser que les contingences, comme on dit, s’accommodent plus aisément d’un principe lâche et flottant : bien au contraire, toute indécision des principes complique l’étude des faits, aussi bien que leurs traitements ; l’incertitude se trouve ainsi introduite au seul point d’où pouvait leur venir un peu de lumière, aux complexités de la terre se seront ajoutées des ombres dans le ciel. La vérité, soleil dur mais clair, se contente d’établir de haut ce qu’il faut savoir et penser avant que d’agir. Elle montre le bien, elle marque le mal, elle fait distinguer les proportions suivant lesquelles l’un et l’autre se rencontrent et se mélangent dans la variété infinie de nos cas humains. Une fois éclairé ainsi, l’homme est loin d’avoir résolu les problèmes de sa vie pratique, mais il tient de quoi les résoudre, et si, comme cela lui arrive trop fréquemment, il ne trouve guère à choisir qu’entre des maux, il discernera mieux lequel sera le moindre, son effort pourra s’appliquer à la fuite du pire, ce qui fait peut être le plus grand point du gouvernement de soi-même ou d ’autrui. »4

Nous aimons le Japon, notre pays d’adoption, qui nous a ouvert ses portes il y a de cela maintenant plus de dix ans. Nous aimons l’Empereur que nous voulons servir. Nous souffrons donc de voir le Japon aller à sa perte sans même s’en rendre compte : nous considérons ainsi comme un devoir d’œuvrer, à notre humble niveau, pour la guérison du mal révolutionnaire au pays du soleil levant. Seul un sursaut des combattants de la vérité et une intervention divine pourra sauver le Japon en tant que tel.

Nous aimons la France, notre pays, qui est aujourd’hui dans un état de désordre avancé : seul un sursaut de preux sujets du Roi et une intervention divine pourra sauver la France. Vite, que le Roi revienne et défende l’Église, sa mère, et la France, son épouse, comme autrefois !

Nous avons appris à aimer même ce pays qui nous est si inconnu, les États-Unis : l’État fédéral est une création certes luciférienne, mais de nombreux Américains le savent et se battent contre la Révolution, faisant rougir nos contemporains en France et au Japon, qui devraient avoir honte de ne pas se battre comme eux !

Alors, le combat passe d’abord par la connaissance des buts de guerre, et des raisons de la cause : agissons en connaissant les bons principes !

Paul de Lacvivier


1 Louis-Gaston de Ségur, Vive le Roi !, 1875 (2018), DR, p. 33.

2 Abbé Eugène Roquette, La Famille telle que Dieu l’a faite, éd. Sainte-Jeanne-d’Arc, 2022 (1880).

3 Louis-Gaston de Ségur, op. cit., p. 37-38.

4 Charles Maurras, Mes idées politiques, maurras.net, p. 39.

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