Sermon sur le volontaire indirect
En ce dimanche, je vous parlerai d’un principe moral important, qui nous permet de discerner s’il est licite ou non de faire quelque chose. Nous l’appelons le principe du volontaire indirect.
Souvent, nos actes ont plusieurs conséquences. Par exemple, un père de famille qui se rend à son travail et le fait aussi bien que possible reçoit un salaire, est généralement apprécié par son entourage, en particulier par sa femme et ses enfants, et peut obtenir une promotion. Au contraire, un père de famille qui s’adonne à l’alcool provoque la ruine financière de sa famille, des disputes et une mauvaise éducation de ses enfants.
Lorsque toutes les conséquences d’une action sont bonnes, nous savons sans difficulté qu’il nous est licite de la faire. Lorsque toutes les conséquences d’une action sont mauvaises, nous savons aussi sans difficulté qu’il ne nous est pas permis de l’accomplir. Mais qu’en est-il des actions dont certains effets sont bons et d’autres mauvais ? Comment pouvons-nous discerner s’il est licite ou non d’accomplir une telle action ?
I – Le principe moral
Ce type de situation n’est pas rare. Imaginons que je possède un appartement et que je veuille le louer afin d’obtenir un revenu, mais que les personnes qui se présentent sont des personnes vivant en concubinage. Ai-je le droit de leur louer mon appartement ? Autre exemple : je suis imprimeur et un pasteur protestant entre dans mon magasin et me demande d’imprimer sa doctrine protestante. Ai-je le droit de le faire, sachant que cette doctrine contient des erreurs contre la foi ? Encore un exemple : Je suis gérant d’un restaurant, et régulièrement des clients s’enivrent à cause de l’alcool que je leur vends. Ai-je le droit de continuer à leur vendre de l’alcool ? Et on pourrait multiplier les exemples…
Pour avoir la réponse, il faut suivre le principe du volontaire indirect. Nous sommes autorisés à faire une action dont certains effets seront bons et d’autres mauvais si les conditions suivantes sont remplies :
- L’action que j’ai l’intention de faire doit être bonne en soi ou au moins indifférente, c’est-à-dire ni bonne ni mauvaise.
- Le premier effet de mon action doit être bon.
- L’intention que j’ai de faire cette action doit être bonne.
- Prévoyant que certains effets mauvais résulteront de mon action, je dois avoir une bonne raison de faire cette action, c’est-à-dire une raison suffisamment importante pour justifier le dommage causé par les effets mauvais.
Expliquons chacun de ces points.
II – Notre action en elle-même doit être bonne ou indifférente
La première condition est que l’action que j’ai l’intention de faire soit bonne ou au moins indifférente. Certaines actions sont radicalement mauvaises, en contradiction avec la loi de Dieu, et rien ne peut les rendre bonnes. Par exemple, le mensonge consiste à dire quelque chose de faux pour tromper quelqu’un. Une telle action est mauvaise en soi, rien au monde ne peut la rendre licite. Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que Dieu nous a donné la faculté de parler pour que nous puissions exprimer nos pensées. Utiliser notre faculté de parler pour exprimer le contraire de nos pensées est donc un mauvais usage de notre faculté, c’est radicalement contraire à l’ordre que Dieu a établi dans la création. Nous pouvons dire la même chose d’actions telles que blasphémer, forniquer, avorter ou utiliser des contraceptifs.
Au contraire, certaines actions sont bonnes en elles-mêmes. Par exemple, prier, aider les nécessiteux, manger, boire, dormir, remplir nos devoirs d’état à la maison ou au travail. Ces actions sont bonnes en elles-mêmes parce qu’elles sont conformes à l’ordre que Dieu a établi dans le monde. Selon l’ordre de Dieu, nous avons besoin de manger, de boire, de dormir, de travailler.
Enfin, certaines actions sont moralement indifférentes. Cela signifie qu’elles ne sont ni bonnes ni mauvaises en elles-mêmes, mais qu’elles seront rendues bonnes ou mauvaises en fonction des circonstances. Par exemple : la randonnée en montagne n’est ni bonne ni mauvaise en soi. Elle est bonne si nous la pratiquons pour nous détendre ou nous maintenir en bonne santé et pour pouvoir ensuite bien remplir nos devoirs. La même action de randonnée est un péché si elle me fait enfreindre les commandements de Dieu. Par exemple, faire de la randonnée au lieu d’aller à la messe le dimanche est un péché. Autre exemple : tuer quelqu’un est indifférent, ce n’est ni bon ni mauvais. Pour un soldat qui défend sa patrie, il est juste de tuer l’ennemi. Mais tuer quelqu’un par colère ou par vengeance, c’est mal.
La première chose à considérer est donc de savoir si l’action que nous avons l’intention de faire est bonne en soi ou au moins indifférente.
III – L’effet immédiat de mon action doit être bon
La deuxième condition est que l’effet immédiat de notre action soit bon. Saint Paul a exprimé cette règle de la manière suivante : « Ne faisons pas le mal pour qu’advienne le bien » (Rm 3,8). Par exemple, nous ne pouvons jamais voler aux riches pour donner aux pauvres, car l’effet immédiat du vol est de priver injustement quelqu’un de ce qui lui appartient. Nous ne pouvons jamais avorter pour sauver la vie de la mère, car l’effet immédiat de l’avortement est de tuer un innocent.
Le premier effet de l’action que j’ai l’intention de faire doit être bon. Par exemple : quelqu’un a l’intention de louer un appartement ; le premier effet immédiat de cette action sera d’obtenir un revenu. Il n’y a pas de problème. Quelqu’un est gérant d’un restaurant ; l’effet premier et immédiat de son travail est de fournir de la nourriture aux gens. Il n’y a pas de problème. Une femme enceinte est gravement malade, le médecin lui donne un médicament puissant contre la maladie ; le premier effet immédiat du médicament est de la soulager. Il n’y a pas de problème.
IV – Mon intention doit être honnête
La troisième condition est d’avoir une bonne intention. Nous avons dit qu’une bonne intention ne justifie pas l’utilisation de mauvais moyens. Par exemple, une bonne intention d’aider les pauvres ne justifie pas de voler les riches. Mais une mauvaise intention rend mauvaises toutes les actions que nous faisons pour réaliser notre but. Par exemple, si quelqu’un a l’intention de séduire une femme et que, pour atteindre ce but, il se montre poli et serviable à cette femme de bien des façons, toutes ses actions charitables sont extérieurement bonnes mais en réalité mauvaises parce qu’elles sont gâchées par son intention peccamineuse.
Si donc nous avons l’intention de faire une action dont certains effets seront bons et d’autres mauvais, nous devons examiner notre conscience et nous demander avec sincérité : « Quelle est mon intention réelle : les bons effets de cette action ou d’une certaine façon ses mauvais effets ? » Nous devons être honnêtes avec nous-mêmes, car nous ne pouvons pas tromper Dieu qui voit le fond des cœurs.
V – Avoir une raison proportionnée
La quatrième condition est d’avoir une bonne raison proportionnelle aux mauvais effets. Si nous savons que notre action aura des conséquences mauvaises, nous devons, pour l’accomplir, avoir une raison bonne et grave qui compense les effets mauvais. S’il n’y a pas de bonne raison proportionnée, nous ne pouvons pas faire cette action. Par exemple, quelqu’un veut louer son appartement ; il a un grand besoin de revenus pour subvenir aux besoins de sa famille et les seules personnes qui veulent louer l’appartement sont des homosexuels. Cette personne est autorisée à louer son appartement à ces personnes mais seulement jusqu’à ce qu’elle sorte de ses difficultés financières. Autre exemple : une personne travaille dans un endroit et y est exposée à de graves tentations. Doit-il quitter son emploi ? Non, s’il n’a pas d’autres options pour assurer sa subsistance ; oui, s’il a d’autres options.
Évaluer la proportion entre les effets bons et les effets mauvais est souvent la partie la plus difficile dans le discernement de ce qu’il faut faire. C’est là qu’il faut pratiquer la vertu de prudence.
Conclusion
Chers amis, dans notre vie, il nous arrive assez facilement de devoir prendre des décisions dont certains effets seront bons et d’autres mauvais. Nous devons alors appliquer la règle du volontaire indirect pour savoir ce qu’il faut faire.
Que le Saint-Esprit nous éclaire et nous guide selon la volonté de Dieu dans ces moments-là.
Un prêtre missionnaire au Japon