[CEH] De la religion d’Henri IV, par l’abbé Christian-Philippe Chanut. Partie 4 : Une conversion longue, sincère et définitive au catholicisme (1583-1610)
De la religion d’Henri IV
Par l’abbé Christian-Philippe Chanut
► Partie 1 : Un petit prince aux rudiments catholiques (1553-1562)
► Partie 2. Un protestant tolérant et catholicisant (1562-1572)
► Partie 3 : Un Prince indécis, soumis à la Providence divine (1572-1583)
Partie 4 : Une conversion longue, sincère et définitive au catholicisme (1583-1610)
En février 1583, Charles de Bourbon1, archevêque de Rouen, dans une lettre maladroite, avait, sans succès, adjuré le futur Henri IV de se convertir2. Sans doute qu’une nouvelle abjuration d’Henri n’était pas considérée comme impossible, puisque le nonce affirmait qu’il organisait des colloques théologiques et que l’ambassadeur de Florence croyait qu’il s’entretenait avec un théologien italien que la reine mère aurait fait venir de Castello. Henri III envoya le duc d’Epernon3 vers le roi de Navarre qui l’avait eu naguère en amitié au point de l’avoir mis dans le secret de l’évasion de Senlis et qui le reçut avec affection et grands honneurs. De ces entretiens dont nous ne savons rien et que les deux anciens compagnons eurent pendant près de deux mois au cours desquels ils apprirent la mort de Monsieur (juin-août 1584), Duplessis-Mornay4 ressentit sans doute tant le danger qu’il fit publier, à Francfort, sans informer roi de Navarre, une lettre anonyme5, datée du 15 juillet 1584 et attribuée à un familier de la cour Nérac. Après avoir entendu le catholique Roquelaure et le ministre calviniste Mermet, le roi de Navarre, pour ne pas « être réputé inconstant et léger », était censé se rallier à l’opinion du chancelier du Ferrier dont les considérations étaient moins que religieuses :
« Puisque Dieu l’a mis si près de cette belle couronne, je lui conseille, après la crainte de Dieu, de rechercher ce qui le peut faire aimer et obéir volontairement de ses sujets. Or ce qui fait aimer et haïr les rois, ce n’est point sa religion mais c’est le bien et la liberté, ou le mal et la tyrannie que ses sujets reçoivent de lui. Encore que les uns soient catholiques et les autres huguenots, si sommes-nous tous hommes de chair et de sang, sujets à mêmes plaisirs et déplaisirs et ne sommes point si contraires que nous n’aimions une belle vertu et détestions un même vice. Voulez-vous donc être aimé du catholique comme du huguenot ? Faites ce qui est agréable à l’un et à l’autre. »
Un an plus tard (10 juin 1585), Henri de Navarre adressa, de Bergerac, à Henri III, une lettre que Duplessis-Mornay dit avoir écrite, et qui fut imprimée, peu après, à Orthez6 : le roi de Navarre affirme n’espérer le « salut qu’en la foi et religion chrétienne et recevoir pour règle infaillible (…) la parole contenue au Vieil et Nouvel testament ». Il dit croire à l’Église « catholique et apostolique et recevoir les symboles ou abrégés de la Foi chrétienne qui ont été dressés par cette Église et, aussi, ses plus anciens, célèbres et légitimes conciles ». Or, il faut le souligner, dans sa pensée, l’Église n’est pas représentée par une des deux institutions particulières dont les sujets s’affrontent, mais par l’assemblée universelle des chrétiens. Ce qui est curieux et inadmissible pour les calvinistes, c’est que le roi de Navarre s’inscrit dans l’histoire de l’Église romaine, singulièrement dans le courant de « cette réformation et retour à la première pureté et sincérité (qui) sont recherchées depuis cinq cents ans et plus par les princes, doctes et saints personnages », en appelant, pour retrouver l’unité de la foi, à un concile « libre et légitime » dont il importe peu qu’il soit général ou national, « selon qu’il avait toujours été promis par ses édits, étant ledit sieur roi de Navarre tout prêt et résolu de recevoir instructions par icelui, et régler sa créance par ce qui y sera décidé sur les différends de la Religion ». Cet appel, quasi constant, à un concile, permet à Henri de Navarre de différer sa décision. Ainsi, après l’assassinat d’Henri III (1er août 1589), Henri IV signe, le 4 août 1589, une Déclaration, sorte de contrat entre lui et les catholiques qui lui viennent d’Henri III, où il s’engage à maintenir la religion catholique et, pour lui, promet de se rallier aux décisions d’un « bon légitime et libre concile général et national », position qu’il rappelle encore dans l’édit de Mantes (4 juillet 1591), allant jusqu’à proposer « une notable assemblée » si le concile est impossible. Lorsqu’il n’est plus possible d’attendre, le 4 avril 1592, sur la proposition de Villeroy, le roi signe la déclaration de l’expédient : « le Roi promettra son instruction dans un temps préfix avec désir et intention de s’unir et joindre à l’Eglise catholique moyennant ladite instruction faite comme il convient à sa dignité ». On peut supposer, comme le croyaient bien de ses contemporains dont Bossuet se fera l’écho, que les divisions théologiques des ministres protestants à propos du salut, alors que les catholiques n’étaient d’accord entre eux que sur les dogmes, récemment explicités par le concile de Trente, conduisirent Henri IV sur les chemins de la conversion. En effet, si la plupart des ministres réformés professaient qu’on ne pouvait pas être sauvé dans l’Église catholique, les pasteurs Bernard Morlaas, Jean-Baptiste Rotan, Jean de Serres et de Vaux confessèrent le contraire en sa présence :
« On sait ce qui se passa dans la conversion d’Henri IV. Quand il pressait ses théologiens, ils lui avouaient, de bonne foi pour la plupart, qu’avec eux était l’état le plus parfait, mais qu’avec nous il suffisait pour le salut. Ce prince ne trouvant jamais aucun catholique qui lui eut dit autant de la prétendue réforme où il était. De là donc il conclut qu’il faudrait être insensé pour ne pas aller au plus sûr ; et Dieu se servait de l’aveu de ses ministres pour faire entrer ses lumières dans le Grand cœur de ce prince. La chose était publique dans la cour ; les vieux seigneurs qui le savaient de leurs pères nous l’ont raconté souvent, et on ne veut pas nous en croire, on en peut croire M. de Sully. »7
Dès le siège de Rouen (1592), Henri IV commence à faire instruire sous la direction d’un ancien calviniste, le très savant Jacques Davy Du Perron, qu’il a nommé évêque d’Évreux (1591) et lui donna la charge (mais non encore le titre) de son premier aumônier, Nicolas Fumée, évêque de Beauvais, enfermé par les ligueurs8 :
« J’ai suivi la fortune du roi Henri le Grand au plus fort de ses affaires. Il me faisait l’honneur de conférer en secret avec moi des points de notre foi pour se préparer à sa conversion. Je le ramenais par la grâce de Dieu, au plutôt la grâce de Dieu par moi, à la religion catholique. »
À vrai dire, Henri IV avait gardé le personnel ecclésiastique d’Henri III et, s’il n’assistait pas aux offices de la Chapelle royale, il entretenait des liens d’amitié avec beaucoup de ses membres qui appartenaient à ce que l’on nommera plus tard l’humanisme chrétien ; mieux, quand les titulaires moururent ou firent défection, il les remplaça et c’est ainsi que Renaud de Beaune9, archevêque de Bourges, devint grand aumônier, lorsque l’illustre Amyot10 se rallia à la Ligue et, comme on l’a vu, que Jacques Davy du Perron remplit les fonctions du premier aumônier à la place de Nicolas Fumée. Si l’on en croit Palma-Cayet, Henri IV dont on sait, par ailleurs, qu’il était sensible aux pompes liturgiques, affirmait croire, depuis toujours, à la seule chose qui, somme toute, vaille en ces matières : la présence réelle11 :
« Je ne vois ni ordre ni dévotion en cette religion, dit-il à un des ministres calvinistes de son entourage ; elle ne gist qu’en un prêche qui n’est autre qu’une langue qui parle bien français ; bref, j’ai ce scrupule qu’il faut croire que véritablement le corps de Notre-Seigneur est au sacrement, autrement tout ce qu’on fait en la religion n’est qu’une pure cérémonie. »12
Pour le reste, selon Pierre de l’Estoile, les objections à son retour à la foi catholique tenaient en trois points : « l’invocation des saints, la confession auriculaire et la puissance du pape. »
Palma-Cayet raconte qu’« il fut, depuis six heures du matin jusqu’à une heure après midi, assisté de M. l’archevêque de Bourges, grand aumônier de France, de messieurs les évêques de Nantes et du Mans, et de M. du Perron, nommé à l’évêché d’Évreux, auxquels il fit les trois questions suivantes : la première, s’il était nécessaire qu’il priât tous les saints par devoir de chrétien. On lui fit réponse qu’il suffisait que chacun prît un propre patron, néanmoins qu’il fallait toujours invoquer les saints selon les litanies, pour joindre tous nos vœux les uns avec les autres, et tous ensemble avec tous les saints. La seconde question fut de la confession auriculaire : car ce prince pensait pouvoir être sujet à certaines considérations qu’il leur dit, lesquelles ne sont point communes. Sur quoi lui fut dit que le juste s’accuse de soi-même, et toutefois que c’était le devoir d’un bon chrétien de reconnaître une faute où il n’y en avait point, et que le confesseur avait ce devoir de s’enquérir des choses nécessaires, à cause des cas réservés. La troisième fut touchant l’autorité papale : à quoi on lui dit qu’il avait toute autorité dans les causes purement spirituelles, et qu’aux temporelles il n’y pouvait toucher au préjudice de la liberté des rois et des royaumes. »
Le 9 juin 1593, il choisit pour confesseur René Benoist, curé de Saint-Eustache :
« Monsieur Benoist, dès l’heure que j’ai eu la volonté de penser ma conversion, j’ai jeté l’œil sur vous, pour l’un de ceux desquels j’aurai l’assistance fort agréable à cette occasion. La réputation de votre doctrine, laquelle est suivie d’une vie non moins louable, me fait espérer de recevoir beaucoup de service et de contentement de vous, si j’en suis assisté ; qui est cause que je vous fais ce mot, pour vous faire connaître combien je l’aurai agréable, même que vous prépariez à cet effet aucuns de votre collège que vous connaîtrez avoir la crainte de Dieu et accompagné d’esprit doux et aimant et repos de mes sujets. »
M. Benoist, homme d’âge (soixante-douze ans) et d’expérience, fils d’un modeste laboureur aux Charonnières13 qui, au profit de la garde de ses troupeaux, lui refusa la possibilité d’étudier, s’était enfui de chez lui pour être domestique à l’abbaye Saint-Nicolas où un moine lui apprit assez de latin pour suivre les cours du collège de la Fromagerie dont il était l’aide-portier. Quand il fut maître ès arts (1548), le principal du collège le décida à entrer dans les ordres (1551) et, ordonné prêtre à Guédeniau (24 mars 1553), il fut nommé curé de la paroisse Saint-Maurille des Ponts-de-Cé, ce qui ne l’empêcha pas de poursuivre ses études à l’université d’Angers, puis d’être admis comme boursier au collège de Navarre dont il sortit docteur en théologie (3 avril 1559), juste avant qu’Henri II, à l’instigation du cardinal de Lorraine, le nommât confesseur de Marie Stuart. Professeur apprécié du collège de Cambrai, « collège royal des lecteurs du Roy » (1558), et prédicateur adulé des Parisiens14, ayant résigné sa cure des Pont-de-Cé (1560) et gagné celle de Breteil (1561)15 puis celle de Saint-Pierre-des-Arcis (1566)16, il prêcha en Anjou, en Normandie et en Bretagne jusqu’à ce que Jean Lecoq résilie en sa faveur la cure de Saint-Eustache (1567). Ensuite, outre dans sa paroisse où il prêchait au moins une fois par jour, on l’entendit dans diverses églises parisiennes et à la cour17. Parmi les deux cent quarante et un ouvrages qu’il publia sur tous les sujets qui touchent à la religion, sa traduction de la Bible fut condamnée par la Sorbonne (15 juillet 1567 et 3 septembre 1569) et par la congrégation de l’Index (3 octobre 1595) pour « plusieurs erreurs, hérésies, blasphèmes et autres traits scandaleux pour faire tomber les catholiques tant au texte qu’ès annotations, additions et préfaces, tirés des livres des hérétiques et de leurs interprétations ». M. Benoist, que le pape considérait cependant comme « une personne instruite, catholique et de bons desseins », ne soumit jamais entièrement aux censures qu’on lui voulait extorquer, ce qui lui valut de ne jamais avoir les bulles d’élection pour l’évêché de Troyes où il fut nommé en 1593 et qu’il résilia en faveur de René de Breslay, grand archidiacre d’Angers (1598), ni pour l’évêché d’Angers où il fut nommé en 1599.
Lorsque Marie Stuart revint en Ecosse (1562), M. Benoist qui était son confesseur, l’avait accompagnée et avait subi, sans patience, les persécutions des protestants écossais qui cherchèrent plusieurs fois à l’assassiner. Fort de cette expérience où il avait fort bataillé, il publia contre l’hérésie un nombre considérable d’ouvrages dont il ressort que, contre les mœurs en usage dans les pays protestants18, il désapprouvait toute violence en matière de conversion :
« Je ne suis point d’avis que nous compensions injures et contumélies de nos ennemis par de semblables, mais que nous les supportions en toute patience, leur estouppant la bouche pleine de détraction par honnête conversation, diligence en notre office et vocation en toutes œuvres de piété et de bienmérance envers notre prochain. Je n’ai aucun espoir que les troubles soient jamais apaisés si les pasteurs et prélats ne font leur devoir de nourrir leurs troupeaux de sincère parole de Dieu et de vie exemplaire. »
En 157119, il écrit :
« ne nous arrêtons pas à blâmer es magistrats et les princes, ni seulement à courir sur les hérétiques et blasphémateurs de la religion, par émotions et remuements populaires qui ne sont pas toujours profitables si Dieu ne favorise, mais prenons les armes de pleurs et oraisons, faisant vraie pénitence, chassant les hérésies, divinations, libertinage et athéisme ».
Indéfectiblement attaché à la monarchie légitime, M. Benoist n’a adhéré à la Ligue (entre 1576 et 1585) que tant que le roi n’y était pas malmené. Avec ses confrères de Saint-Sulpice et de Saint-Merry, il refusa d’ameuter le peuple à la journée des Barricades (12 mai 1588) et, même après l’assassinat du duc de Guise, il continua de prêcher la fidélité à Henri III qui, le 27 mars 1589, lui envoya une lettre de remerciement20. Certes, après la mort d’Henri III, s’il ne put accepter que le nouveau roi fût hérétique, il refusa fermement tous les prétendants, y compris le cardinal de Bourbon. Chaque fois qu’Henri IV semblait sur le chemin de la conversion, il le soutenait mais chaque fois qu’il semblait s’en éloigner, comme lors du siège de 159021, il le combattait. En septembre 1592, réuni à quelques catholiques de son espèce chez l’abbé de Sainte-Geneviève, M. Benoist participa à l’envoi d’une délégation vers Henri IV pour le sommer d’abjurer22.
M. Benoist, après avoir reçu la lettre du roi, se soumit aux ordres du légat qui lui commandait d’attendre la permission du pape. Une deuxième lettre d’Henri IV (23 juin 1593) ne fit pas varier le légat mais, las d’attendre, le curé de Saint-Eustache se rendit à Saint-Denis (15 juillet 1593) où il ne rencontra pas le roi, déjà reparti pour Mantes. Quelques jours après (21 juillet 1593), accompagné de quelques catholiques qui partageaient ses convictions, M. Benoist s’en fut chez le légat pour obtenir l’autorisation de rejoindre Henri IV. Comme le légat, furieux, les menaçait d’excommunication, il répliqua qu’on ne pouvait s’opposer à ce qui souhaitaient l’immense majorité des Français. Le jour même où le légat publia un monitoire pour excommunier tout ecclésiastique qui rejoindrait Henri IV (23 juillet 1593), M. Benoist quitta Paris pour Saint-Denis. Au jour de l’abjuration (25 juillet 1595), le curé de Saint-Eustache qui avait préparé Henri IV, écrira à Gabriel Naudé :
« Ç’a esté une action conduite avec beaucoup d’esprit et d’industrie, (non pas) par quelque théologien bigot et superstitieux, (mais) par René Benoist, Docteur en Théologie, et Curé de la paroisse de Saint-Eustache, lequel, si l’on en peut juger suivant le commun bruit et ce qui se passa à l’article de sa mort, n’estoit ny Catholique trop zelé ny Huguenot obstiné. D’où vint que, maniant dextrement la conscience du Roy, et de la mesme sorte qu’il avoit fait celle de ses Paroissiens pendant l’espace de vingt-cinq ou trente ans, il luy fit seulement comprendre les principaux Mystères, ne luy exaggerant point beaucoup de petites cérémonies et traditions, et conduisit plustost cette conversion en homme advisé et en politique, que non pas en scrupuleux et religieux theologien »23.
Quelques semaines après l’abjuration, M. Benoist fut nommé confesseur du roi en ses conseils d’État et privé, exerçait la charge gouverneur du collège de Navarre. Il mourut le 7 mars 1608, laissant la place au célèbre jésuite Coton qu’Henri IV connaissait depuis 1603. On ne peut pas dire que M. Benoist empêcha Henri IV de jurer ou d’extravaguer au-delà des sixième et neuvième commandements, mais, assurément, il le conforta dans la religion catholique qu’il sut lui faire comprendre et goûter. Dès lors, rien ne permet de douter du catholicisme d’Henri IV.
Abbé Christian-Philippe Chanut
1 Charles de Bourbon, quatrième fils du prince Louis Ier de Condé et de Louise-Marguerite de Lorraine, né à Gandelu, le 30 mars 1562, fut élevé à Rome et devin très tôt coadjuteur de son oncle, le cardinal de Bourbon, pour l’archevêché de Rouen qui fut résigné en sa faveur, le 1er août 1582, alors qu’il n’était que sous-diacre et ne reçut jamais l’ordination presbytérale. Grégoire XIII le créa cardinal, le 12 décembre 1583 et l’on appela le cardinal de Bourbon-Condé, puis le cardinal de Vendôme et, enfin, après la mort de son oncle, le cardinal de Bourbon. Chef des conseils d’Henri III (1588), exempt des excès de la Ligue, il imagina de créer un tiers parti où il aurait rallié à sa cause les royalistes et les ligueurs modérés. Henri IV qui se méfiait de lui, l’obligea à rester à ses côtés, alors que Grégoire XIV lui avait demandé de le quitter sans délais (bref du 28 mars 1591). La conversion d’Henri IV fit écrouler tous ses projets dynastiques. Il mourut, dans son abbaye de Saint-Germain-des-Prés, le 30 juillet 1594.
2 Charles de Bourbon s’attira cette réponse : « J’ai reçu votre lettre et crois volontiers que l’affection que me portez et à la grandeur de notre maison vous a fait parler… mais, sur ce que vous ajoutez pour être agréable à la Noblesse et au Peuple il faudrait que je changeasse de religion, et me représentez des inconvénients si je suis autrement, j’estime, mon cousin, que les gens de bien de la Noblesse et du Peuple, auxquels je désire approuver mes actions, m’aimeront trop mieux, affectionnant une religion que n’en ayant du tout point. Et ils auraient occasion de croire que je n’en eusse point, si sans considération autre mondaine (car autre ne m’alléguez vos lettres), ils me voyaient passer d’une à l’autre. Dites, mon cousin, à ceux qui vous mettent de telles choses en avant, que la religion, s’ils ont jamais su que c’est, ne se dépouille pas comme une chemise ; car elle est au cœur et, grâces à Dieu, si avant imprimée au mien, qu’il est aussi peu à moi de m’en départir, comme il était au commencement d’y entrer, étant cette grâce de Dieu seul et non ailleurs. »
3 Jean-Louis de Nogaret de La Valette (1554-1642), favori d’Henri III, premier duc d’Epernon (1581), colonel général de l’Infanterie (1584), amiral de France (1587), gouverneur des Trois-Evêchés, du Boulonnais, de la Touraine, de la Normandie, de l’Angoumois, de l’Aunis et de la Saintonge.
4 Philippe de Mornay, seigneur du Plessis-Marly (1549-1623), sous l’influence de sa mère, embrassa le calvinisme (1560). Après avoir voyagé partout en Europe, il se mit au service de Coligny ; principal conseiller d’Henri de Navarre, surintendant-général de la Navarre, gouverneur de Saumur.
5 Double d’une lettre envoyée à un certain personnage… contenant le discours de ce qui se passa au cabinet du roi de Navarre et en sa présence lorsque M. le duc d’Epernon fut vers lui l’an 1584.
6 « Déclaration du roi de Navarre sur les calomnies publiées contre lui ès protestation de ceux de la Ligue. » Bossuet, Troisième avertissement aux protestants sur les Lettres de M. Jurieu.
7 Bossuet, Troisième avertissement aux protestants sur les Lettres de M. Jurieu.
8 Nicolas Fumée, évêque de Beauvais depuis 1575, avait succédé au cardinal de Bourbon qui, préférant l’archevêché de Rouen, avait résigné en sa faveur. Aidé par Claude Gouine, doyen du chapitre et vicaire général, il travailla au rétablissement de la discipline dans son diocèse (synodes de 1578, de 1582 et de 1585) dans le sens du concile de Trente.
Très aimé d’Henri III dont il était le confesseur, Nicolas Fumée qui n’avait adhéré à la Ligue qu’avec de grandes réserves, fut si maltraité à Beauvais, à cause de son esprit conciliant, qu’il dut se retirer dans l’abbaye de Saint-Lucien, puis à Bresles. Lorsque, ne pouvant faire porter la dépouille d’Henri III à Saint-Denis, Henri IV décida de faire célébrer les funérailles à l’abbaye Saint-Corneille, à Compiègne, ville qui était toujours restée fidèle à la royauté, il fit chercher Nicolas Fumée (15 août 1589) qu’il reconduisit ensuite à Bresles.
Dans la nuit du 18 au 19 novembre 1590, les ligueurs attaquèrent Bresles et firent prisonnier Nicolas Fumée qu’ils enfermèrent à Noyon, fixant sa rançon à 900 écus d’or. Pendant que les ligueurs le conduisaient de Noyon à Varesnes, l’évêque, accompagné de son vicaire général (Claude Gouine) qui avait été pris avec lui, s’échappa sur une barque et gagna Compiègne où il resta jusqu’au mai 1591. Le doyen du chapitre de Beauvais déclara le siège vacant. Nicolas Fumée qui avait revu Henri IV par trois fois, lui avait, au nom de l’épiscopat français, demandé de revenir dans le giron de l’Eglise catholique. Epuisé, décidé à ne point rentrer à Beauvais, Nicolas Fumée, au début de 1593, fit nommer à sa place, par Henri IV, René Potier de Blancménil qui dut attendre ses bulles jusqu’en 1596. Nicolas Fumée mourut à Chartres le 3 mars 1593.
9 Renaud de Beaune : fils de Guillaume, baron de Semblançay et vicomte de Tours, petit-fils du surintendant des Finances, Jacques de Semblaçay, Renaud de Beaune fit d’abord une brillante carrière dans la magistrature : conseiller au parlement de Paris (1555), président des enquêtes (1560), maître des requêtes (1564), chancelier du duc d’Alençon et conseiller d’Etat (1573). Neveu de l’archevêque de Tours et de l’évêque de Vanne, frère de l’évêque du Puy, Renaud de Beaune qui avait déjà obtenu de nombreux bénéfices ecclésiastiques (chanoine de Paris, abbé de Bonneval, de Juilly, de La Cour-Dieu et de Molesmes), fut nommé évêque de Mende (1568) puis archevêque de Bourges (1581).
Merveilleusement cultivé, juriste de grande envergure et orateur de talent, Renaud de Beaune ne tarda pas à occuper une place prépondérante au sein du clergé de France dont il présida l’Assemblée de 1582, avant de présider les états de France (1583) et de Marie Stuart (1587).
Après l’assassinat d’Henri III, il fut un des premiers évêques à rallier Henri IV qui le fit grand aumônier de France (12 juillet 1591) et commandeur de l’ordre du Saint-Esprit (31 décembre 1591). Il travailla efficacement à l’abjuration du roi qu’il annonça à la conférence de Suresnes (avril 1589) et qu’il reçut à Saint-Denis (25 juillet 1593), avant que d’entendre sa première confession. Gallican, pour forcer le pape à accorder l’absolution à Henri IV, il fit mine de vouloir séparer de Rome l’Eglise de France et s’imposa au siège archiépiscopal de Sens où le roi l’avait nommé (28 mars 1594), mais, soucieux de se conformer aux règles, il n’agissait qu’en tant que vicaire capitulaire, élu par les chanoines (14 mars 1596), jusqu’à ce que Rome le reconnût comme archevêque (22 avril 1602).
Il mourut à Paris, le 17 septembre 1606, et fut inhumé à Notre-Dame, dans le caveau des évêques de Paris.
10 Jacques Amyot, fils d’un marchand mégissier, naquit à Melun, en 1513, et fit ses études à Paris, principalement au collège du Cardinal-Lemoine dont il sortit maître ès arts (1532). Tout en étudiant le droit civil à Bourges, il fut précepteur de Jacques Colin (lecteur du roi et abbé de Saint-Ambroise de Bourges) qui le fit nommer, par Marguerite de Navarre (gouvernante du Berry), professeur de grec et de latin à l’Université de Bourges. En 1546, François Ier, en récompense de la traduction de plusieurs Vies de Plutarque qu’il lui dédia, nomma Jacques Amyot abbé de Bellossanne (archidiocèse de Rouen) dont les revenus lui permirent d’entreprendre un voyage en Italie. A venise, il se lia avec l’ambassadeur français, Jean de Morvilliers (qui deviendra évêque d’Orléans), et, à Rome, il logea chez l’évêque de Mirepoix (Claude de la Guiche) qui le fit entrer dans les familiers du cardinal de Tournon. Alors que des évêques allemands, plus ou moins menacés d’une conjugaison de foudres impériales et pontificales (bulle du 27 août 1551) s’étaient joints à la reprise du concile de Trente, convoqué sans son assentiment et sans égard pour les intérêts de la France, Henri II envoya Jacques Amyot porter sa protestation. Bien qu’arrivé deux jours plus tôt, Jacques Amyot fit savoir au légat Crescenzi qu’il était porteur d’une lettre d’Henri II. Il dut s’imposer (1er septembre 1551) à la fin des cérémonies d’une session formelle, présidée par les trois légats (deux archevêques-électeurs d’Allemagne, cinq archevêques et vingt-six évêques, soutenus par vingt-cinq théologiens) : « Voici la lettre que vous envoie à vous-mêmes et aux Pères ici rassemblés le Roi très chrétien. » Le légat ne sachant trop quoi faire de cette lettre, essaya d’atermoyer en demandant si le porteur avait commission. Amyot répondit par la négative et souligna que sa mission était de s’assurer que le légat ouvrirait la lettre, reconnaîtrait la signature du roi et en ferait donner lecture. Massarelli avait à peine commencé la lecture que les évêques espagnols intervinrent bruyamment contre la suscription qui portait l’expression conventus Tridentini au lieu de concilium. Amyot fit un cours de latin à l’assemblée qui ne servit à rien, puisque les Espagnols n’avaient provoqué l’incident que pour empêcher la lecture d’une lettre du roi de France, si les Impériaux, réunis dans la sacristie à la faveur d’une suspension de séance, n’avaient suivi les conseils de l’archevêque-électeur de Mayence. Jacques Amyot lut lui-même la lettre d’Henri II. Rentré en France avec le cardinal de Tournon (1552), Jacques Amyot continua ses travaux de traduction et publia les Sept livres de Diodore Sicilien (1554), puis, en 1556, le cardinal de Tournon le fit nommer, par Henri II, précepteur des Enfants de France. Charles IX qui s’était beaucoup attaché à lui, le fit grand aumônier de France (1560), lui donna les abbayes de Notre-Dame des Roches, près de Cosnes (1560), et de Saint-Corneille de Compiègne (1564), puis le nomma évêque d’Auxerre (1570). Henri III qui partageait pour lui l’attachement de son frère en fit le premier commandeur de l’ordre du Saint-Esprit (1578), statuant, en sa faveur, que, pour être élevé cette charge, il n’était pas nécessaire d’avoir les quartiers requis de noblesse. Jacques Amyot composa les Vies des hommes illustres (publiées en 159), les Œuvres morales (publiées en 1572). Evêque pieux et instruit de théologie (on dit qu’il savait par cœur saint Thomas d’Aquin) et de patristique, il fut très attentif à son diocèse qui avait fort souffert des déprédations protestantes. Il publia le bréviaire de son diocèse (1580), promulgua les statuts synodaux (1583), prêcha souvent dans sa cathédrale et dans tout son diocèse, dressa le règlement du grand hôpital de la Madeleine d’Auxerre (1578) et s’occupa de réformer le chant liturgique. Détesté par les ligueurs qui l’accusèrent d’avoir trempé dans l’assassinat des Guise, il fut conspué, menacé de mort et chassé de son diocèse où il ne put rentrer qu’après avoir publié une Apologie et obtenu des lettres de rémission du légat Enrico Gaetano (février 1590). Il mourut à Auxerre, le 6 février 1593, et fut inhumé dans sa cathédrale, au milieu du chœur qu’il avait restauré en 1573.
11 Mais, quant se vint à parler de la réalité du sacrement de l’autel, il leur dit : « Je n’en suis point en doute, car je l’ai toujours cru. »
12 Palma-Cayet, Chronologie novennaire, 1593.
13 Sur la paroisse de Savennières, à trois lieues d’Angers.
14 « Prédiateur qui de tous preschoit le plus purement » (Journal de Pierre de L’Estoile).
15 Qu’il conserve jusqu’en 1590.
16 Paroisse de l’Île de la Cité qu’il résilie en 1568.
17 Il fut nommé théologal de la cathédrale d’Angers, en 1585.
18 « Je vois demande si, où ils sont les plus forts, ils permettent de dire la sainte messe. Voyez comme ils font à Genève, en Angleterre, en Ecosse et ailleurs ; il est temps d’y penser. «
19 « Advertissement du moyen par lequel aisément tous trouvles et différens seront assopiz et ostez. »
20 « L’on m’a averti qu’au milieu de tant d’orages constamment vous avez prêché à vos paroissiens la Parole de Dieu et l’obéissance que pas son commandement très exprès justement ils me doivent (…). Cet acte plein de vertu aux temps et lieux où vous êtes ne peut être en vous que par l’assistance de Dieu qui a voulu opérer par vous ce bon œuvre sans aucun artifice de vous insinuer par là en mes bonnes grâces ou d’en tirer gratification. »
21 « Bander et opposer à la réception d’un prince hérétique, chose non étrange puisque la foi demande à l’enfant de lapider son père schismatique (…). Si nous regardons aux forces du monde, notre parti est plus fort ; nous y avons le pape, le roi d’Espagne, les princes catholiques (…). Prenons donc bon courage à la défense d’une si bonne cause ; nous bataillons pour la foi, c’est le principal fondement de notre entreprise que la religion, encore qu’il y puisse être d’autres mouvements et passions particulières. Mais la succession charnelle légitime dans le royaume ? Réponse, elle ne doit être préférée à l’honneur de Dieu et perte de la religion… Mais il est question de l’Etat, non de religion ? Lourdaud ! Nul Etat sans religion, l’Etat est contenu sous le christianisme lequel est la forme de l’Etat. »
22 Georges Minois, Le Confesseur du roi, Fayard, Paris, 1988.
23 Gabriel Naudé, Considérations politiques sur les coups d’estas, Rome, 1639.