Les limites de la « loi naturelle », par Paul-Raymond du Lac
Il est de bon ton dans nos milieux de parler souvent de loi naturelle, ou de droit naturel, qui a l’avantage de fédérer largement, sans forcément insister sur la révélation et les vérités de Foi, qui semble en irriter certain, et même des « croyants » catholique à la foi aussi molle qu’un flan.
Il est évidemment bon de parler de loi naturelle, mais nous aimerions ici souligner une tendance qui nous semble dangereuse : sous couvert d’un droit naturel universel et qui ne dépend pas de la Révélation directement, on en arrive à croire que sans la religion catholique le droit naturel serait non seulement viable mais applicable ; ce qui est manifestement faux quand on regarde l’histoire et quand on expérimente une société intégralement païenne.
Et on oublie au passage que le droit naturel dont nous parlons, celui qui est précis avec un contenu assez clair et défini, qui pourrait se résumer peu ou prou aux dix commandements de Moïse, ne se formalise que d’abord dans l’Ancien Testament avant de prendre toute sa plénitude dans la Chrétienté – et appliqué très rapidement puisque les premiers manuscrits du 1er siècle que nous possédons comportent entre autre des décrets interdisant l’avortement et l’abandon des enfants à la naissance.
Nous trouvons bien entendu la conscience d’un droit naturel chez Cicéron et les jurisconsultes romains, voire chez Aristote : mais tout cela est vraiment parcellaire, et le contenu reste flou, et s’il est plus clair chez les jurisconsultes romains des premiers siècles, nous sommes déjà dans un contexte de christianisation rapide : il serait intéressant d’étudier combien ces jurisconsultes ont pu être influencé par la nouvelle doctrine chrétienne.
Chez les classiques confucianistes, en Asie orientale, nous avons aussi cette conscience de la loi naturelle ; voir le passage suivant du premier chapitre du Juste Milieu (中庸) un classique confucianiste: « 天命之謂性;率性之謂道;修道之謂教。 ». Ce qui signifie : « On appelle nature ce que commande le Ciel. On appelle vertu (ou « voie ») se soumettre à la nature. On appelle enseignement ce qui permet d’accomplir la vertu. »
Cela ne signifie pas que cette loi était appliquée, et encore moins qu’elle l’était largement quand elle pouvait être appliquée.
Au mieux, disons chez les grecs classiques d’Athènes par exemple, la vie vertueuse, en ligne avec la raison naturelle et la loi naturelle (sans qu’il faille oublier des désordres institutionnalisés profonds, certes plus cachés : n’oublions pas la pédérastie et autres coutumes tout à fait contre-nature, mais institutionnalisés et admises, il serait hâtif d’idéaliser la Grèce antique !) n’était réservée qu’aux « vrais hommes », en l’occurrence les citoyens : les autres sous-hommes, qu’ils soient esclaves ou métèques, voire les non-hommes, les barbares, n’étaient pas appelés à vivre vertueusement : il suffisait qu’ils vivent matériellement pas trop mal et servent les maîtres, pour leur permettre de se parfaire.
Il est ainsi une fiction rétrospective de croire que le droit naturel sans la révélation et sans la foi est viable – seul l’éloignement ou l’ignorance peut permettre de croire cela possible : elle n’est ni viable, ni bien précisée dans son contenu, et, quand elle est rarement appliquée, de façon parcellaire, elle l’est toujours de façon limitée et certainement pas pour toute l’humanité, mais simplement pour une portion congrue de cette humanité – nous trouvons la même chose en Asie orientale, ou l’étiquette de l’honnête homme régule les relations de l’élite, mais la loi est réservée aux « autres », loi de fer et faite pour contrôler le tout venant, pas pour le parfaire. Comme les Lumières : les droits de l’homme, certes, mais il y a homme et moins homme…
Il serait urgent de prendre conscience des limites du droit naturel, en particulier comprendre qui si les arguments de droit naturel portent en Europe c’est grâce au fond chrétien encore subsistant dans ces sociétés, mais ce fond disparaissant, l’argument du droit naturel ne portera plus. Au Japon par exemple, on a beau parler de droit naturel, on nous dit « oui, oui » et on continue tranquillement à avorter, vivre impurement, avoir des relations hors mariage, etc. Cela ne porte pas du tout…
Pire : à trop insister sur le droit naturel, certains pourraient croire que l’on pourrait obtenir somme toute une société bien ordonnée, bien vivable et vertueuse sans la Révélation : ce qui est faux (ou alors juste pour une élite relativement vertueuse –dans le paraître du moins- face à une masse qui peut vivre possiblement matériellement bien, mais considéré comme des sous-hommes, des esclaves, voire des bêtes).
Alors sachons revenir constamment à la source de l’ordre : Jésus-Christ.
Et à son lieutenant sur Terre, le Roi très chrétien, qui répand cet ordre dans le temporel.
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France
Paul-Raymond du Lac