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[Ex-libris] Gilles de Rais de Jacques Heers, par Paul-Raymond du Lac

 

Jacques Heers, Gilles de Rais, Perrin, Paris, 2015 (1994).

 

Cet ouvrage à la lecture aisée a été publié par le bien connu Jacques Heers en 1994, à qui nous rendons hommage pour son œuvre conséquente, en contre-point de débats (que nous ne connaissons pas) sur la figure de Gilles de Rais qui avait été usé par « le grand public » à toutes les sauces.

Il semblerait que Gilles de Rais était l’occasion à deux travers : cracher sur l’église, sur la société de l’époque et sa justice et salir Jeanne d’Arc au passage en faisant de Gilles Rais une victime innocente d’un procès inique et d’un héros national compagnon de Jeanne lors de la guerre contre les anglais. Nous avions 4 ans à l’époque, donc nous n’avons pas connu les débats de l’époque sur ce sujet.

 

Jacques Heers replace en tout cas le personnage dans le contexte de l’époque, ce qui permet par incidence, et en suivant la vie de ce personnage, de mieux comprendre l’époque de Jeanne d’Arc et la société d’alors.

Les développements sur Jeanne d’Arc en particulier sont vraiment intéressants, car nous voyons cette histoire depuis « l’entourage » et la périphérie, si on peut dire, rappelant les luttes politiques et géopolitiques dans le royaume – comme le fait par exemple que les Bourguignons n’ont jamais coupé les ponts avec le roi de France, et ne se sont jamais présentés officiellement comme des alliés aux anglais, qu’Orléans était la ville résistante et bastion que les anglais ne parvenaient pas à prendre, le fonctionnement en « clan » des fidélités vassaliques, etc.

 

Les lecteurs pressés se référeront certainement avec profit à la troisième partie, la plus percutante, et la plus fondée en documentation – le procès de Nantes de 1440.

 

D’aucuns pourraient reprocher à l’ouvrage, au début, de perdre le lecteur dans une liste sans fin de noms et de relations vassaliques, sans tout de suite resituer le contexte féodal et son foncctionnement, ce qui peut perdre le néophyte. D’aucuns remarqueraient que l’ouvrage aurait gagner à moins se placer dans le débat de l’époque, insistant très lourdement sur le fait que Gilles de Rais n’était pas « le plus grand seigneur de France » de l’époque, ni le plus riche, mais plutôt un seigneur « moyen » (quoique arrivé au faîte des honneurs, et s’il n’était pas de « première classe », on pourrait tout de même dire qu’il était un seigneur de « deuxième classe », ayant eu accès à la cour, nommé maréchal de France – même si de façon très courte – etc).

 

Que faut-il retenir ?

*Que Gilles de Rais est un criminel, adepte sataniste qui assassina de nombreux enfants, après les avoir enlevé et leur avoir fait subir des sévices. Cette vie criminelle commence après les guerres contre les Anglais, lorsque son étoile tourne : il compte sur des personnages interlopes « alchimistes » et « occultes », de sorte de pré-humanistes, pour invoquer le démon et conserver sa vie dissolue et d’aventures. Comme quoi, Epstein et consors ne sont pas nouveaux, et le satanisme, l’occultisme et l’invocation démoniaque ont toujours existé, menant aux pires crimes.

 

*Que le procès de 1440, en fait deux procès, un civil et un ecclésiastique – ne jugeant pas des mêmes crimes, avec deux procédures distinctes et deux enquêtes distinctes – a été d’une justesse irréprochable, et n’a rien à voir avec le procès honteux de Jeanne d’Arc, d’ailleurs annulé rapidement, puis ensuite révisé.

Tout concorde et tout le monde était d’accord : les crimes de Gilles de Rais sont avérés solidement, énormes et affreux.

 

*Que malgré tout Gilles se réconcilie à la toute fin avec l’Eglise catholique, et les parents de ses victimes prient pour son âme, jusqu’à la fin quand il monte au bûcher. Il accepte sa punition, réconcilié et heureux. Voici un exemple magnifique de notre âge d’or de la chrétienneté !

 

*Que malgré sa position de Seigneur puissant, il fut jugé et condamné : la justice était faite !

 

*Que même quand il y avait des dirigeants (seigneurs, etc) ou élites à la vertu douteuse, la société très chrétienne faisait qu’il leur était impossible de vexer la justice. Tout passait par des procès, dès qu’ils essayaient de vexer telle liberté ou telle privilège de telle localité ou tel corps. Ils ne pouvaient non plus pas faire grand-chose de leur propre fait et devait forcément conformer leur décision aux lois de l’Eglise et aux lois supérieures. En pratique, un méchant ne pouvait pas beaucoup nuire, ou pas longtemps… Seule une disparition momentanée de toute autorité, un désordre du à la guerre pouvait changer la donne, mais c’était tout de suite vu comme un mal, et ensuite poursuivi… L’inverse de notre monde contemporain où le vertueux ne peut pas rester vertueux s’il entre dans l’élite, et où le mal et la nuisance sont admises, souvent comme un bien, et au minimum couverts même là où il n’y a pas de désordres… Les méchants agissent en tout aise à tous les niveaux : c’est la démocratie ! C’est la révolution !

 

*Que le lien avec l’occultisme, avec des ascendances et mauvaises influences familiales, ont joué dans sa pente dangereuse vers les actes sataniques : heureusement, l’Eglise combattait tout cela avec force, et a ainsi contenu la contamination diabolique, comme aux époques précédentes. Il faudra attendre le siècle suivant, avec « l’humanisme » « éclairé (illuminé) » et la résurgence bien officielle de nombreux « occultismes » se voilant derrière la respectable « science » alchimique ou recherche hermétique du savoir. Résultat : protestantisme et guerres de religions, dont une cause est le relâchement de la discipline de l’Eglise, incapable momentanément en France de dénoncer l’erreur et d’endiguer la montée de l’Adversaire.

 

*Que le diable existe et s’attaque comme il peut aux âmes. Dans ces époques très chrétiennes, il s’attaque aux individus sujets à tomber (Gilles de Rais était orphelin, soumis à de nombreuses tentations, et mal entourés) et les incite à commettre un maximum de crimes pour récupérer beaucoup d’âmes en enfer. Ces rites sataniques ont ainsi toujours existé, quel que soit la variété des « détails » symboliques… Aujourd’hui, le diable ne se cache plus : avortement légalisé, rave party et autres « sabbats » publiques et admis, concerts de hard-rock qui invoque le démon sans vergogne, etc.

 

*Qu’a minima les pratiques diaboliques et occultes existent à toutes les époques, mais cachées en terre chrétienne, institutionnalisées en terres païennes.

 

*Que le Roi de France, Charles VII, n’était pas juste le « roi de Bourges » : tout le mode savait qu’il était Roi de France, incontestable, cela même avant le sacre. Il continue de pourvoir les honneurs, et il est le centre de toutes les intrigues, ce qui montre bien son importance réelle et concrète.

 

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac

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