La fin de l’exil pour les derniers Bourbons ?
Lorsque le 2 août 1830, la monarchie dite de « la Restauration » chute au profit de celle dite de « Juillet » avec le duc Louis-Philippe d’Orléans à sa tête, c’est toute une dynastie légitime qui prend le chemin d’un exil à travers l’Europe avant de s’établir définitivement au château de Frohsdorf, en terre austro-hongroise devenue aujourd’hui slovène suite aux vicissitudes de l’histoire. C’est ici que, dans la crypte du couvent de Castagnavizza, reposent les corps du roi Charles X, Louis XIX (dont le règne n’excéda pas 20 minutes, le temps de quelques hésitations), son épouse Marie-Thérèse d’Angoulême, l’infortunée fille du roi-martyr Louis XVI, Henri V comte de Chambord et son épouse Marie-Thérèse de Modène, la dernière régente de Parme, Louise d’Artois. 180 ans après le décès du dernier roi Bourbon, se pose encore la question du rapatriement de leurs restes dans la nécropole royale de Saint-Denis.
Fondé en 2013 par Nicolas Doyen, sapeur-pompier de son état, passionné de patrimoine et d’histoire et par Julien Morvan, professeur d’Histoire-Géographie, « l’association pour le retour à Saint-Denis de Charles X et des derniers Bourbons », n’a eu de cesse de porter ce projet historique depuis 3 ans. Aujourd’hui, elle amorce le dernier chapitre de son existence. Le samedi 24 septembre, l’association a eu le plaisir d’accueillir à la mairie de Saint-Denis, les descendants enthousiastes de Charles X parmi lesquels, SAR le prince Charles-Emmanuel de Bourbon-Parme, cousin du duc d’Anjou Louis-Alphonse de Bourbon, et SAS le prince Charles-Henri de Lobkowicz.
“Apolitique et citoyenne”, loin de toutes querelles dynastiques qui agitent continuellement le microcosme royaliste et réunissant divers soutiens issus des deux branche dynastiques, l’association, dont la présidence d’honneur est assurée par l’écrivain-journaliste et historien Philippe Delorme, avait peu avant sa création pris contact avec le ministère de la Culture afin de le sonder de nouveau sur cette question. Le responsable de la mission aux Commémorations Nationales avait alors marqué son vif intérêt pour le renouveau de ce projet devant réconcilier la France avec son histoire, avec pour seule condition, que « les historiens s’assurent que le défunt n’ait pas exprimé la moindre réserve sur un rapatriement de son corps et que les représentants actuels de sa famille s’y montrent favorables ».
La « Restauration » marquée par les règnes successifs de Louis XVIII (1814/1815-1824), comte de Provence et de son frère, Charles X (1824-1830), comte d’Artois a été longtemps vilipendée sous la IIIe république. Celle-là n’avait retenu que les seuls épisodes de la Terreur blanche et des fameuses ordonnances afin de justifier la révolution ayant précipité sa chute. « Jugée sévèrement », c’était oublier bien vite que la Restauration avait pourtant été un foisonnement de vie intellectuelle, politique, artistique, religieuse, militaire qui avait non seulement posé les jalons de l’industrialisation de la France mais qui lui a également permis dans les décennies à venir de devenir une véritable puissance capable de rivaliser avec ses consœurs européennes.
Depuis le début des années 2000, force est d’ailleurs de constater que les historiens ont entamé une œuvre de réhabilitation de cette période avec notamment la multiplication d’ouvrages la concernant ainsi que diverses biographies consacrées à la vie d’Henri V, comte de Chambord. Lors de son discours, Philippe Delorme a rappelé à juste titre « qu’en dépit de ses insuffisances, après la dictature de Napoléon Ier, la Restauration avait été le premier essai d’un régime parlementaire en France, une étape essentielle sur le chemin vers la démocratie » (Charte constitutionnelle-ndlr).
Avec le travail acharné de Clotilde Pauléat qui a permis de réunir plus de 100 soutiens allant des descendants de la famille royale des Bourbon (dont SAR le prince Charles de Bourbon-Sicile, la famille Charette de la Contrie, les enfants du comte de Paris, Henri d’Orléans, qui descendent de Charles X via la princesse Marie-Thérèse de Wurtemberg…) à des personnalités de la vie civile et politique (la famille de Faucigny-Lucinge dont sont issus par exemple Mme Valéry Giscard d’Estaing ou Emmanuel de Brantes, des anciens ministres Hervé de Charette de la Contrie, Jack Lang ou Jean-Jacques Aillagon, du journaliste Stéphane Bern, l’ancien Président de l’Alliance royale Yves-Marie Adeline, des historiens Jean Tulard, Reynald Secher, Michel de Decker ou le regretté Alain Decaux, de l’acteur Lorent Deutsch et tant d’autres…), ainsi que du concours du généalogiste Daniel Manach (auteur d’un livre, sur la descendance de Charles X aux éditions Christian) et de moi-même, alors journaliste-pigiste au magazine Point de vue-Histoire. L’association a permis de remettre sur les rails un projet dont le défunt prince Alphonse II de Bourbon avait lui-même « mené croisade auprès de l’ancien Président François Mitterrand » dès 1986 et plus particulièrement sous le millénaire capétien. Projet qui n’avait malheureusement pu aboutir suite au tragique accident de ski dont a été victime l’ainé des capétiens deux ans plus tard. Bicentenaire de la révolution oblige, le projet avait été alors ajourné et le président Jacques Chirac moins attaché à la question que son prédécesseur n’avait pas souhaité y donner suite. L’institut de la maison de Bourbon s’était également prononcé en faveur du projet par l’intermédiaire du duc de Bauffremont qui avait déclaré à cette époque qu’: « il serait temps de rapatrier les cendres de celui qui fut, après tout, un chef d’Etat et qui, comme tous les rois de France, a sa place parmi les sépultures royales de la nécropole de Saint-Denis » tout en faisant remarquer que « les moines franciscains ne voulaient pas “lâcher” les restes des derniers Bourbons qui étaient une manne touristique substantielle et dont seule une compensation financière pourrait les circonvenir ».
La question du retour de Charles X n’avait pas manqué d’intéresser le duc d’Anjou, le prince Louis-Alphonse, qui s’était interrogé sur « la présence des restes de ce roi en terre étrangère ».
Intime du président de la République, l’ancien député socialiste et président de la section des affaires Européennes et Internationales au CESE Jean-Marie Cambacérès avait donc été approché et avait décidé d’apporter son soutien à la réalisation de ce projet. « L’association pour le retour à Saint-Denis de Charles X et des derniers Bourbons », lors de cette conférence de presse, a annoncé qu’elle pouvait désormais contacter officiellement tant l’ambassade de Slovénie que les moines franciscains de Goritz afin de les informer de ses intentions concernant le projet historique du rapatriement en France des cendres de Charles X, des corps du duc et de la duchesse d’Angoulême (le comte de Chambord ayant exprimé le vœu dans son testament de continuer à reposer, avec son épouse, dans la crypte du « Saint-Denis de l’exil »). Ceux de la princesse et duchesse de Parme, Louise d’Artois devant rejoindre le caveau de la maison ducale de Parme.
Ultime démarche, comme le précisera Nicolas Doyen, qui « conditionneront de prochains rendez-vous en hauts-lieux et l’avenir ultime de (cette) cause » afin de permettre le retour des derniers Bourbons en terre française. Et enfin de recevoir ce dernier hommage national dont les différents médias présents lors de la conférence de presse n’ont pas manqué de répercuter le futur événement, du journal Le Figaro en passant par l’Agence France Presse, Le Parisien, RTL, FR3 Ile-de-France ou encore Ouest France.
Il appartenait en toute légitimité au prince Charles-Henri de Lobkowicz de rappeler cette dernière évidence en guise de conclusion : « Il (Charles X-ndlr) appartient à notre patrie. Il est temps qu’il rejoigne ses proches dans le caveau familial »
Frederic de Natal