À Rome, fais comme les Romains !
Je n’ai pas voulu réagir à chaud à cette incroyable saga estivale nommée « burkini », tant cette polémique me semblait ridicule. Maintenant que le Conseil d’État a rendu son verdict, je souhaiterais apporter certains éclairages à toute cette affaire et livrer mes conclusions.
D’abord au sujet du « burkini » lui-même. Cette tenue n’a absolument rien de « traditionnel » ou de « religieux ». Il s’agit uniquement de l’invention mercantile d’une femme d’affaires libanaise basée en Australie, qui semble avoir trouvé un bon filon pour se faire beaucoup d’argent. Cela me rappelle d’autres « inventions ». Le voile que portent de nombreuses femmes d’origine maghrébine dans nos rues n’a rien de… maghrébin. Il y a vingt ou trente ans, les femmes issues de cette communauté qui se couvraient la tête portaient un simple foulard et non cet accoutrement rappelant vaguement le costume des gentes dames du Moyen-Âge européen : il s’agit d’une double, voire triple épaisseur d’étoffe couvrant intégralement la tête et le cou, ne laissant apparaître que le visage et le menton. Même les oreilles sont souvent couvertes. Rien de traditionnel, donc !
Si cette histoire de « burkini » n’était qu’une question d’habillement, ma réaction instinctive serait de l’ignorer. En France, on s’habille comme on veut et l’État ne devrait pas avoir à légiférer ou les maires à faire voter des arrêtés pour réglementer les choix vestimentaires des citoyens.
Malheureusement, il ne s’agit pas que d’une question d’habillement. L’affaire « burkini » comme auparavant les affaires de voiles, intégraux ou pas, ne sont que les aspects visibles d’une stratégie savamment élaborée par les milieux les plus réactionnaires de l’islam. Une stratégie du fait accompli, une stratégie de grignotage, une stratégie d’intimidation et, allez, lâchons le mot qui fait mal, une stratégie de colonisation : une colonisation de la pensée et de l’espace public. Comme je l’ai indiqué au début de cet article, le type de voile visible partout aujourd’hui n’existait pas il y a 20 ou 30 ans. À l’époque, on ne rencontrait jamais de voile intégral. Les prières de rue étaient inexistantes. Il n’y avait pas de revendications au sujet de la nourriture dite halal dans les cantines scolaire, de la mixité dans les piscines, du sexe des soignants dans les hôpitaux ou de « pauses prières » dans les entreprises. Tout cela est arrivé progressivement, étape après étape. Il s’agit donc bien d’une stratégie mise en place pour petit à petit faire tolérer puis accepter des valeurs qui sont totalement étrangères à notre société et à notre culture et, bien souvent, étrangères également à la majorité des Musulmans de France. Cette stratégie à deux objectifs qui sont poursuivis simultanément : par l’intimidation, par le prêche et par le mimétisme, conquérir les communautés musulmanes en imposant de nouvelles pratiques islamiques, une nouvelle interprétation des textes religieux et un nouveau mode de vie, le tout directement importé des pays musulmans les plus rétrogrades, tels que l’Arabie Saoudite, le Qatar, voire même le Pakistan. Le deuxième objectif consiste à faire reculer les pouvoirs publics, locaux et nationaux, à les fléchir sous prétexte de respect des traditions et de liberté religieuse. Nos dirigeants et nos édiles, peu férus en science islamique, ont reculé, ont fléchi, ont cherché des accommodements. C’est ainsi que le gouvernement, à l’initiative de Nicolas Sarkozy, a offert la représentation du culte musulman à la tendance la plus obscurantiste, sexiste et fondamentaliste de l’islam de France. C’est ainsi que les municipalités ont toléré, voire encouragé, la création de lieux de culte salafistes et l’activité d’imams prêchant – en arabe – la haine de la démocratie, la misogynie et même le djihad.
Tout cela s’est passé en France depuis 20 ou 30 ans. Mais quand on essaye de comprendre ces évènements, il ne faut pas se limiter à observer ce qui se passe en France. Il convient de regarder ce qui se déroule dans le monde arabo-musulman, un monde de plus en plus intolérant vis-à-vis de tout ce qui n’est pas purement musulman. Un monde où les Juifs ont presque entièrement disparu, après avoir été humiliés, spoliés et enfin chassés. Un monde où les Chrétiens sont en train de subir le sort des Juifs avant eux : en Irak et en Syrie, ils n’ont souvent le choix qu’entre la valise et le cercueil, en Égypte ils sont des citoyens de seconde zone, de surcroît victimes de fréquents assassinats ou de tentatives de conversions forcées, au Pakistan ils sont marginalisés et on en condamne à mort au nom de lois iniques concernant le blasphème. Les Juifs eux ont eu le recours de trouver une terre d’asile qu’ils ont pu considérer comme étant leur nouvelle patrie : Israël. Les Chrétiens n’ont pas eu une telle option, puisque les pays historiquement chrétiens, au nom de la laïcité, se refusent à leur octroyer la moindre priorité lorsqu’ils demandent l’asile ! Même le Pape, au nom de la charité chrétienne, a ouvert les portes de l’État du Vatican à des familles de réfugiés syriens musulmans plutôt que chrétiens ! Et que dire des malheureux Yézidis persécutés, martyrisés, réduits en esclavage, massacrés ou convertis de force ? Même si l’on fait abstraction de toutes ces horreurs et que l’on se contente d’observer la normalité d’un pays musulman en paix comme l’Arabie Saoudite, on ne peut que frémir : interdiction d’y construire des lieux de culte non musulmans, interdiction de célébrer des cultes non musulmans, même chez soi, interdiction d’importer ou de posséder des Bibles ou de porter une croix, etc. N’oublions pas l’influence néfaste qu’exerce ce pays sur l’islam de France… Oui, oui, je sais. Le christianisme a lui aussi une histoire d’intolérance et de violence. Mais c’était il y a 4 ou 5 siècles. Il y a bien longtemps que les Catholiques ne massacrent plus de Protestants (et inversement) et qu’ils ne fomentent plus de pogroms contre les Juifs. Et, à ma connaissance, il n’y a pas eu de Musulmans assassinés parce que Musulmans, malgré la recrudescence des attentats commis par des Musulmans.
La France, comme d’autres pays d’Europe, a un vieux fond antisémite et la bête immonde n’y est jamais totalement morte. Cependant, depuis 1945, on pouvait espérer qu’elle resterait tapie dans l’ombre. Or, elle connaît aujourd’hui une nouvelle jeunesse grâce à l’activisme « antisioniste » de nombreux Musulmans vivants en France et à la complicité active de groupes gauchistes. Qui aurait pu imaginer que l’on entende à nouveau dans nos rues, lors de manifestations, les cris infâmes de « mort aux Juifs » ? Ou que des hommes ou des garçons portant la kipa se fassent agresser et même poignarder parce que Juifs ? Or, c’est bien la triste réalité vécue de nos jours par nos compatriotes juifs dans certaines grandes villes de France. Peut-on être surpris, face à une telle situation, de voir de plus en plus de Juifs faire le choix d’aller vers la Terre promise ? Sait-on qu’un pays comme la Norvège ne comptera bientôt plus aucun Juif ? Ils ont préféré commencer une nouvelle vie en Israël, la situation dans leur pays d’origine leur étant devenue totalement intolérable.
Tout cela m’amène, malheureusement, à ne pas considérer l’affaire du « burkini » comme un simple incident vestimentaire. Il s’agit bien là de l’élément d’un ensemble beaucoup plus vaste ne se limitant pas à la seule France. Après avoir pris en compte tous les éléments de cet ensemble, dont certains sont cités dans cet article, je dois me résoudre à demander à ce que l’on applique à cette question du « burkini » un sage principe de précaution. Je pense donc qu’il faille dire fermement « non » au « burkini », comme à toute autre manifestation de cette stratégie de contrôle des esprits et de prise de possession de l’espace public. Pour paraphraser le comte de Clermont-Tonnerre au sujet des Juifs, je conclurais cette réflexion en affirmant qu’il faut refuser tout aux Musulmans en tant que nation, et accorder tout aux Musulmans comme individus[1]. C’est-à-dire qu’il convient de ne rien céder au communautarisme musulman, mais que les Musulmans doivent pouvoir jouir de leurs droits comme tous les autres citoyens. Qu’ils me permettent aussi de citer ce vieil adage dont ils pourraient s’inspirer avec profit: « si fueris Romae, Romano vivito more; si fueris alibi, vivito sicut ibi! »[2]
Hervé Cheuzeville
[1] « Refuser tout aux Juifs en tant que nation, et accorder tout aux Juifs comme individus », célèbre phrase prononcée par le comte de Clermont-Tonnerre en 1789 lors du débat sur l’émancipation des Juifs.
[2] « Si tu es à Rome, vis comme les Romains ; si tu es ailleurs, vis comme on y vit », phrase attribuée à Ambroise de Milan (évêque de Milan de 374 à 397, docteur de l’Église).