Lettre d’un émigré. Qu’est-ce qu’une capitale ?
La question peut sembler évidente. La doxa habituelle la définirait certainement comme le lieu qui concentre les pouvoirs de direction politique, économique, voire culturelle, en sous-entendant et admettant qu’il pourrait y avoir plusieurs capitales selon le genre considéré, et une seule lorsqu’il s’agit de la capitale dite administrative. En ce sens, le phénomène de double capitale dans de nombreux pays africains dessine le type de ce qui en fait est une absence de capitale, pour une absence de véritable pays : si ces Etats africains existent en quelque sorte administrativement, ils n’existent pas dans la réalité, et ne sont que des moyens d’oppression de certains sur d’autres, pour ceux qui arrivent à prendre contrôle du système, dans une parfaite vision marxiste. A y regarder de plus près, la notion moderne d’Etat est la même chez nous, et depuis la Révolution, l’État n’est plus que devenu un système d’abus de pouvoir. En cela la Révolution fut novatrice, elle inventa la tyrannie systématique et systémique, dans un besoin tragique d’autojustification d’elle-même, accusant la nouvelle réalité qu’elle-même a créée, comme le mal éternel qui aurait déclenché la révolte, et servi en tout cas de prétexte aux horreurs que l’on sait. Pour dénoncer la violence, encore faut-il la banaliser à tous les niveaux de la société. Ce qui est le cas aujourd’hui en République. Pour réussir cette maléfique entreprise, encore fallait-il répandre la violence, et quel meilleur vecteur que le système pour installer progressivement l’inversion des valeurs, violences physiques et spirituelles, ancrer la méfiance à tous les niveaux, et massacrer la diversité par l’uniformisation jacobine.
Mais nous nous égarons. Revenons à la capitale. La définition précédente et les idées habituellement admises aujourd’hui sont pour le moins insuffisantes ; elles réduisent la capitale au cadre de l’État moderne, et la regardent avec leur focale si courante en ce siècle, mais si ennuyeuse, de la raison logique, de l’analyse de structure.
Quelle est la capitale de France ? Paris, évidemment, diront les victimes modernes. Pourtant, à strictement parler, la France ne possède plus de capitale, tout simplement. Paris n’est que la tumeur cancéreuse qui contamine de plus en plus l’ensemble du territoire de façon dramatique, dans une prolifération de villes en villes, insoutenable, qui gangrène ce qui reste de France pour républicaniser partout et tout le monde.
Oui, une tumeur terrible. Et certainement pas une capitale. Il suffit de voir ce qu’est une ville au Japon pour réaliser, pour comprendre, pour se dire enfin « comment ne voyais-je pas l’évidence ? ». La ville au Japon, à commencer par Tôkyô, est plus chaleureuse, familiale et agréable que le village de France le plus épargné par la maladie moderne. On peut s’enraciner à Tôkyô, ses rues sont la maison, les gens sont autant de personnes sur qui compter en cas dur, les villages – quartiers dirait-on – continuent à se transmettre les vieilles traditions, et la vie locale est certaine. S’il existe certains facteurs d’isolement et autres maux que nous attachons habituellement aux villes, cela ne vient pas du phénomène « ville » en lui-même mais de la modernité occidentale : augmentation du déracinement avec les migrations vers la capitale – car Tokyo en est une à la différence de Paris – isolement, travail qui tue la vie de quartier (c’est pour cela qu’il faut prier pour que toujours les foyers soient habités la majeure partie du temps, seul gage de vie de quartier) etc. Et malgré ces tensions, Tôkyô est plus agréable, plus sûr, les gens plus sympathiques, la vie de quartier immensément plus vivante et traditionnelle que dans le village, qui n’était pourtant qu’un village, où j’ai grandi. Je me souviens encore de là-bas. Mon enfance fut le spectacle du passage de village mort à ville banlieue, sans âme, avec l’insécurité qui augmente, sans plus de traditions, des routes et des voitures partout, etc. En plein Tôkyô, dans Tôkyô intramuros, l’ambiance est tellement plus bucolique. On se croirait dans ces idéaux romains de la campagne, loin du bruit de la ville, c’est dire !
Mais donc, pourquoi la France n’a-t-elle plus de capitale ? La réponse est en réalité assez simple. Qu’est-ce qu’une capitale ? C’est la tête d’un corps, que certains appellent la nation, mais qui est en réalité le royaume de France. Comme le montre la tradition nippone, le mot capitale, s’il veut dire tête, devait certainement signifier à l’origine là où se trouve la tête. Car si le royaume de France existe sur terre, c’est aussi un corps mystique, dont la tête est le roi. Où se trouve le roi habituellement, où se trouve son Palais, fixe la capitale, qui, par définition, désigne le lieu de la tête du royaume de France, le Roi Très Chrétien.
Le malheur français, le malheur de nos rois, est de n’avoir plus bougé de Paris pendant trop longtemps, ayant fait perdre de vue que la capitale ne peut être rien d’autre que le lieu où est le Roi. Louis XIV a déménagé la capitale à Versailles, c’était peut-être trop tard. En tout cas trop près. La tumeur parisienne était déjà dramatiquement avancée.
Au Japon, pas d’équivoque, la capitale c’est l’endroit où le Tennô vit, tout simplement. Si la capitale s’était fixée à Kyôtô pendant un bon millénaire, il ne se posa aucun souci au déménagement à Tôkyô.
Notre bon roi vit à Madrid, hors du royaume de France, donc nous n’avons plus de capitale. La Révolution a voulu couper la tête du corps du royaume de France, et depuis la France n’est qu’un tronc sans tête, la République étant comme une sorte de sangsue accrochée à la plaie béante sur le tronc, aspirant toutes les dernières forces du corps. Mais la tête du corps mystique ne peut être coupée. Si un roi a perdu la tête, la France n’a pas perdu la sienne. « Le roi est mort, vive le roi ! ». Une chose est sûre, notre bon roi, lorsqu’il reviendra sur le trône, devra s’installer partout sauf à Paris. On entend déjà les craintes, « tout est à Paris, installer une capitale ailleurs, c’est du suicide, le régime ne tiendra pas une semaine ! ». Fariboles. S’installer à Paris, là est le suicide ! Le lieu est trop corrompu. Et il ne faut pas avoir peur, la royauté n’est pas un régime, c’est la substance de la France. Si la sangsue ne réalise pas qu’elle s’auto-vampirise et se tue en tuant le corps du royaume, on n’y peut rien. Il suffira d’être plus fort qu’elle, si elle ne veut pas lâcher prise.
Pour terminer, un autre phénomène japonais sur les capitales doit être retenu. Avant l’installation à Nara, la capitale changeait avec la mort de chaque nouveau Tennô. La raison était une question de pureté et de deuil : le Tennô successeur ne saurait diriger depuis le lieu de la mort d’un roi sacré. La race sacrée de nos rois, la première race, avait peut-être ce genre de pensée, car on sait qu’ils étaient « nomades », ou plutôt que les capitales se déplaçaient. Et cela est sain. Très sain. Aujourd’hui au Japon, un nombre impressionnant de villes peut se targuer d’avoir été « capitale », ne serait-ce que quelques années, ou de posséder un mausolée royal d’un Tennô il y deux millénaires. N’est-ce pas précieux, génial, nécessaire ? Imaginez une France où de plus en plus de villes pourraient avoir la fierté d’avoir hébergé le règne d’un roi. Imaginez la force, le florissement de ces endroits grâce au roi sacrée. Imaginez le renouveau de la sacralité, et la restauration du respect face à la mort. Oui, cette tradition, certainement universelle, est saine. Il n’existe pas de meilleur moyen que d’empêcher l’apparition de toute « tumeur », et de mettre en place un « changement » traditionnel, sans heurt, léger, positif, afin de se purifier le corps mystique. Paris est certainement la preuve du pourrissement et de la souillure que génère la fixation d’une capitale sur une durée plus longue que celle du règne d’un roi.
Restaurons le roi pour récupérer une capitale ! Que Dieu soigne notre tumeur, transfigure la sangsue, et fusionne le corps du royaume avec son corps mystique, avec notre belle tête, notre capitale, le Roi Très Chrétien.
Paul de Beaulias
Pour Dieu, Pour le Roi, Pour la France