[Rediffusion] Lettre d’un émigré. Le vice fondamental des systèmes des retraites
Cet article fut publié pour la première fois le 25 janvier 2016.
Lorsque le problème des retraites est abordé, il est habituel de rappeler qu’il existe fondamentalement deux formes de système possibles : celui par capitalisation et celui par répartition. Hors de ce choix, le néant. En République, il est de bon ton d’encenser notre formidable modèle de retraite — qu’il faudrait prendre en son sens propre, mais ce serait trop beau si les sectateurs du tout État savaient encore le sens originel de ce mot —, censé incarner la belle solidarité (personne n’a parlé de charité heureusement, puisque cette solidarité ne contient pas une once d’ombre même diaphane de charité) entre les générations. Personne ne relève aussi que nous serons bientôt à la pointe cette exemplaire solidarité, puisque nous pourrons euthanasier sous peu tous nos vieux — sans compter les malades et les faux-comateux —, après les bébés. Les mots sont beaux, la réalité bien éloignée.
Comment peut-on appeler une solidarité intergénérationnelle cette arnaque généralisée : quand nous cotisons pour la retraite, à qui va cette retraite ? Nous n’en savons rien. Quand nous voyons la facture sur la feuille de paie et ce que touche effectivement notre grand-mère, l’écart est un peu trop grand pour que cela ne sente pas l’abus… Et encore, paraît-il, deux personnes fournissent la retraite d’une, donc ma grand-mère devrait environ toucher deux fois plus que ce que je paie mensuellement pour les retraites… Entre déperditions, gaspillages multiples et déshumanisation de l’aide, puisque jamais nous ne savons où va l’argent donné, et quand je dis donné, il n’est pas évident qu’il soit si souvent consenti que cela ; un don forcé est vraiment proche du vol et de l’extorsion. Mais même sans aller jusqu’à cet argument qui se suffirait à lui-même, et en supposant que nous soyons consentants au vol permanent — ce qui est en fait le cas la plupart du temps, chose, soit dit en passant, pas très flatteuse pour l’état de vigueur de notre race qui ne sait même plus se défendre – nous n’aidons directement personne, et nous ne faisons pas d’acte de charité, car juste balancer de l’argent à l’aveuglette sans savoir qui le recevra et de quelle façon revient à pire que de ne rien faire et ne rien donner.
Vous aurez remarqué que ces arguments ne sont pas ceux habituellement babillés par les tenants du second incontournable système, celui par capitalisation, dont les libéraux, entendez les profiteurs, sont les tenants. Ici, les arguments sont tout aussi médiocres, et se fondent sur un individualisme égoïste affligeant, mais peut-être moins monstrueux que la désincarnation déshumanisante de l’assistanat invisible précédente, en ce que nous pourrions y voir une sorte de réaction de défense démontrant un reste de semblant de vigueur résistante. Nous restons néanmoins devant l’affligeante situation de la prolifération de tous les intérêts privés et la jungle sociale qui nient tout autant la nécessité de la charité et du développement du lien entre les personnes que l’autre système.
Que faire alors, me direz-vous ? Réaliser une véritable entraide intergénérationnelle. C’est-à-dire, tout simplement, garder une échelle humaine dans cette charité entière, qui commence par aider son prochain. Rien de neuf, il suffit de regarder ce qui se fit de tout temps. Le plus proche, en ce qui concerne la retraite, ce sont bien nos anciens, c’est-à-dire nos grands-parents, nos parents, nos oncles, tantes, grands-oncles et grands-tantes, etc. En bref, le système le plus viable ne peut marcher qu’au niveau de la famille, de la maison. Chaque Maison a responsabilité de pourvoir aux vieux jours de ses anciens, qu’ils aient travaillé ou non — vous aurez remarqué que la question n’est plus celle de l’argent et prend enfin toute son ampleur. Il suffit ensuite que tout le monde appartienne à une Maison, que ce soit par lien du sang, par domesticité, par adoption ou par tout autre lien. Ici, l’État ne fait rien, et n’a rien à faire, ce genre de belle charité ne supporte pas la violence ni la contrainte forcée.
La seule échelle suivante pensable se trouve ensuite dans le village, ou le quartier, tout autant de niveaux où on pourrait imaginer que la communauté villageoise, cette famille de famille, une sorte de Maison localisée géographiquement, pourrait se charger de ses anciens, ou de ceux qui sont là, et qui n’appartiennent à aucune Maison, mais guère plus.
Alors enfin nous pourrions véritablement changer cette froide solidarité de fric, en chaleureuse charité motivée par des liens puissants incarnés dans le sang, dans la maison, dans un long côtoiement et qui auraient un effet vraiment utile, même si peut-être difficilement chiffrable — c’est là où se trouve l’humanité. Les Maisons peuvent entre elles, au fil de temps, s’aider, s’unir, se fondre, se subdiviser sans perdre un lien moins fort mais toujours existant, entre la Maison mère et les Maisons filles, quand certaines sont sur le point de disparaître, ou d’autres croissent trop vite.
Et tout en haut, l’ultime Maison est la Maison de France, notre race de Capétiens, dont nous faisons tous partie puisque nous la servons en tant que sujets, et cette Maison dernière peut, elle, à la différence de l’État, puisqu’elle repose sur cette logique de charité, de lien, et d’incarnation, être charitable envers ceux — ces anciens malheureux, par exemple — qui n’auraient ni Maison, ni famille, ni village, ni attaches et se retrouveraient vraiment complètement seuls, sans autre lien que celui d’être Sujet du Roi.
Pourquoi donc personne sur la place publique ne pense-t-il à ce genre de solution naturelle, bonne et simple ? Pourquoi devons-nous seulement assister au déchirement entre fous révolutionnaires et individualistes chroniques, les uns voulant détruire tout lien et les autres s’en libérer…
Que notre belle Maison de France se réunisse autour de son Aîné, et que nous puissions enfin rendre hommage à nos Anciens comme il se doit !
Paul de Beaulias
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !
Intéressantes réflexions, mais pour que les solidarités que vous décrivez soient à nouveau possibles, il faudrait d’abord que la règle sociale tacite soit que les personnes acceptent une certaine sujétion aux Maisons (aux familles). Or il n’en est rien, et ce n’est pas seulement la faute aux philosophes des Lumières. C’est bien antérieur.
Voilà une fine observation. Mais je ne vois pas comment appliquer ce programme, sinon par une intervention étatique (et encore). Une règle tacite ne se décrète pas.