Idées

Lettre d’un émigré. Isogashii ou l’esclavage moderne

Le monde révolutionnaire arrive si bien à inverser les valeurs qu’il nous fait croire qu’être esclave c’est être libre. La perversion consiste en ce fait que tout le monde est esclave à tous les niveaux, depuis l’assisté ultra-dépendant et lobotomisé, jusqu’au PDG d’une entreprise du CAC 40, caniche des actionnaires et des politiciens, ces derniers eux-mêmes esclaves tortionnaires et  concomitamment prostituées de l’opinion et de leur jouissance dans l’abus de pouvoir. Et entre, tout l’éventail des benêts qui ne pensent pas à mal mais qui se font bien arnaqués de A à Z. Ils se plaignent mais continuent de payer les impôts, iniques par définition, désespérant.

Et enfin les pseudo-élites encore jeunes, fraîchement sorties de leur école d’esclavagisme, sont les meilleurs esclaves qui font fonctionner les rouages de l’administration révolutionnaire -qu’elle soit d’Etat ou d’entreprise, la différence est infime. Entre stages, contrats indéterminés et autres, on habitue le futur esclavagiste à être esclave, puisqu’un bon tortionnaire ne l’est que s’il est un bon torturé. Efficace, sûr et terrible. Même un saint se ferait corrompre. Sans être mauvais au départ, on le devient, puisqu’on a tous tendance à imiter et prendre le pli de ce qui nous entoure, puis à reproduire. Un système mauvais n’enfante ainsi que du mauvais et n’encourage en tout cas que le mauvais. On pourrait même dire que tout système engendre du mauvais dès le moment où il devient une fin plus qu’un moyen, et qu’il tend à vouloir remplacer l’irremplaçable, c’est-à-dire l’humain. Si la bonté naît encore dans ce fatras, c’est bien dans ses interstices et ses rares poches d’oxygène qui permettent d’éviter l’étouffement complet. Nous vivons néanmoins en asphyxiés par manque de bien et en empoisonnés par trop de mal ambiant.

Et les esclavagistes restent des esclaves. Ils seront toute leur vie volés et brimés, dans l’impossibilité consternante de ne pouvoir rien construire, quand bien même ils ont encore la conscience de vouloir fonder une famille, quand ils ne se perdent dans les illusions des constructions idéalistes de grande ampleur qui sont autant de projets de déstructuration massive sous couvert de rationalisation. En tout cas, ils n’iront jamais plus loin que leurs enfants, en les encourageant généralement de façon navrante dans des chemins faux, car ils croient que cela est la réussite, puisque ce fut la leur, si vaine pourtant, mais penser l’éternité, jamais ! Et si certains voulaient y penser, ils ne peuvent rien faire de plus que se renfermer dans l’entre soi, violentés au travail, à l’école, dans la rue, partout. Même au fond d’une campagne, on pourrait se demander s’il est possible d’être épargné par les exhalaisons putrides de la corruption républicaine – ou moderne, ou révolutionnaire, ou socialiste, ou libérale, comme vous préférez.

Mais on oblige les jeunes à se déraciner, en les transportant partout dans le monde, bien loin de chez eux, mais toujours dans le même ghetto, dans le même cloaque spirituel et charnel. On les pousse aussi à l’infidélité constante, d’abord envers les entreprises, la société, puis ses amis, ses proches dans l’infidélité qui devient tare congénitale de la reproduction républicaine, toujours malsaine. Le pire là-dedans consiste dans l’illusion démocratique dont ils sont victimes : ils croient qu’ils font des choix, qu’ils sont libres, mais ils ne sont libres que de se détruire, que de se mettre en esclavage pseudo-volontairement. Dès qu’ils veulent construire quelque chose de bon, c’est fini, ils seront vraiment réduits, par la force cette fois, qu’elle soit physique ou morale.

Mais comment ne se réveillent-ils pas ? Pourquoi se détruisent-ils en détruisant au passage ceux qui essaient encore de se sauver du lucre et de la luxure ?

Le système est doublement vicieux. Il donne toujours assez pour vivre confortablement mais jamais pour construire. Impossible de construire sur des générations, même le pseudo-riche perdra presque tout sur les frais de succession, les impôts de propriété, et l’éclatement de l’héritage, qui empêche de voir plus loin que ses fils, peut-être ses petits-fils pour les richissimes et encore. Ne parlons pas des gens un peu moins bien lotis. Et l’esprit vicieux fait qu’ils ne se satisfont jamais de ce qu’ils ont, il faut plus, toujours plus, ils dilapident, gaspillent, deviennent féroces au boulot pour avoir une promotion, dans l’inversion des valeurs du chef, qui ne devrait jamais avoir eu envie de prendre la responsabilité des autres hommes, devant l’immensité de la charge.

Et ceux qui ne se chacalisent pas, souffrent, et se meurent sans réagir. Mais pourquoi ne se réveillent-ils pas ? Car ils sont occupés, isogashii en japonais. Toujours occupés. Regardons l’idéogramme  « 忙 ». La partie gauche signifie « cœur », la droite « mourir », et le dessin signifie donc « éteindre son âme ». Etre occupé en japonais, du moins visuellement, mais pas seulement, c’est « perdre son cœur ». Dans tous les sens et à tous les degrés. On s’empêche de penser et de se poser d’abord, puis on devient des machines, puis on arrive devant notre mort nu et sans avoir rien réalisé de vraiment bon, si l’on n’a pas fait de mal.

Comment s’en sortir ? Ne pas croire aux idoles modernes et vivre selon le temps religieux, même dans la vie effrénée qui nous est imposée. Et servir le roi évidemment. Dans le saint dessein de toujours sanctifier chaque instant de sa vie, quel que soit la place où nous nous trouvons.

Paul de Beaulias

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