[Point de vue] Crise des migrants : il faut ouvrir des camps !
Il est urgent d’ouvrir des camps pour l’accueil des migrants et des candidats à l’asile politique qui affluent en Europe. L’actuelle « crise des migrants » a apporté la preuve que le système en vigueur est un échec. Les migrants, une fois débarqués illégalement sur les côtes d’Europe, en Sicile et en Grèce principalement, peuvent poursuivre leur chemin vers le nord. Ce qui, immanquablement, cause des crises humanitaires, que ce soit dans les zones frontalières entre Etats européens, dans les jardins publics parisiens ou dans des camps insalubres illégaux créés par les migrants eux-mêmes, à Calais ou ailleurs. Ces situations provoquent des drames humains intolérables, comme la mort de migrants dans le tunnel sous la Manche, ou celle d’autres malheureux dans des camions utilisés par des passeurs sans scrupule. Elles sont aussi la source de tensions diplomatiques inutiles entre pays voisins : France et Italie, France et Royaume-Uni, Hongrie et Serbie, Hongrie et Autriche, etc. Le système actuel (si l’on peut parler de système !) ne profite ni aux migrants ni aux Etats. Il ne profite qu’aux mafias qui organisent le passage de ces gens depuis les pays d’origine et à travers le continent européen.
Un camp n’est jamais un endroit idéal, surtout lorsqu’il s’agit de camps fermés. Cependant, ils peuvent aussi être des lieux où les résidents sont pris en charge de manière humaine, où ils sont nourris, logés, soignés et où leurs enfants peuvent aller à l’école. Et surtout, la création de camps d’accueil permettra de stabiliser et de contrôler le problème, tout en permettant aux autorités européennes de faire le tri. Oui, le tri. Car s’il est clair que nombre de Syriens fuient leur pays pour des questions de survie, cela n’est certainement pas le cas des Pakistanais, des Ethiopiens, des Ivoiriens, des Mauritaniens ou des Guinéens ! Nul ne disconviendra que la vie est souvent difficile, dans leurs pays. Mais la situation n’y est pas invivable et la plupart de ces migrants n’y subissaient pas de persécutions politique ou religieuse. Même les Nigérians n’ont aucune raison valable de fuir leur pays : la terreur de Boko Haram n’affecte qu’une toute petite partie de ce vaste pays qu’est le Nigéria, le plus gros producteur de pétrole du continent. Son gouvernement a les moyens d’accueillir les personnes déplacées par ce conflit. L’Erythrée, grand « exportateur » de migrants, n’est pas en guerre. Malheureusement, le dictateur local persiste à imposer un service militaire à durée illimitée à sa jeunesse, tout en maintenant une chape de plomb sur ce petit pays de la Corne de l’Afrique. Laurent Fabius et ses collègues ministres européens des affaires étrangères sont-ils à ce point impuissants qu’ils ne parviennent pas faire évoluer de manière positive la situation dans ce pays ? Ont-ils seulement tenté de le faire ? Ont-ils abordé le problème érythréen avec l’Union Africaine ? Rappelons aussi que le chaos libyen fut, pour une grande part, créé par la France et le Royaume-Uni, avec l’appui des Etats-Unis. Il appartient donc à ces pays de tenter d’y remédier, en collaboration avec l’Union Africaine, la Ligue Arabe et bien sûr avec les principaux intéressés, à savoir les Libyens eux-mêmes. Parmi ses derniers, le prince héritier Mohammed el-Sénoussi continue inlassablement à tenter de faire entendre sa voix, une voix appelant à la raison et à la réconciliation nationale. Peut-être serait-il bon de lui faire davantage écho ?
Oui, il faut des camps fermés en Italie et en Grèce où les primo arrivants seraient contraints de séjourner jusqu’à une prise de décision par les autorités compétentes : octroi du statut de réfugié dans l’un des 28 pays de l’Union Européenne, obtention d’un permis de séjour comme travailleur immigré ou comme étudiant, dans l’un de ces 28 pays, ou retour planifié et organisé vers le pays d’origine, en collaboration et en accord avec les autorités dudit pays, pour ceux qui ne tomberaient pas dans les deux premières catégories. Ces camps devraient répondre aux conditions prescrites par les conventions internationales et être ouverts à l’action du CICR, du HCR, de l’OIM et des ONG. Durant leur séjour dans ces camps, les migrants seraient pris en charge médicalement et des formations devraient leur être offertes, lesquelles pourraient faciliter leur réinsertion dans les pays d’origine. Les camps devraient être à la charge de l’Union Européenne. Cette dernière n’en a pas les moyens, me rétorquera-t-on ? Les situations de crises humanitaires générées par l’arrivée incontrôlée de migrants à travers l’Europe seraient elles moins onéreuses que la gestion de quelques camps bien organisés ?
La création de ces camps aurait en outre un effet dissuasif sur les migrants potentiels : sachant qu’ils ne pourraient plus se déplacer librement pour tenter de gagner le pays de leurs fantasmes (Royaume-Uni, Allemagne ou autre), beaucoup hésiteraient à prendre des risques insensés pour s’embarquer depuis les rivages turcs ou libyens. Le refus d’envisager la création de tels camps ne pourra que générer des problèmes chaque jour plus graves : augmentation du nombre de morts à Calais et ailleurs, apparition de maladies dues à l’insalubrité et à la promiscuité (tuberculose et autres), multiplication de problèmes sécuritaires entre migrants de différentes origines et entre migrants et populations locales, et enfin risques d’infiltration d’agents dormants de l’Etat Islamique.
L’idée proposée dans cet article n’est peut-être pas idéale, mais elle semble faire son chemin dans l’esprit des décideurs, puisque les gouvernements Français et Britannique viennent d’annoncer la création d’un camp à Calais en… 2016 ! L’heure ne devrait plus être aux tergiversations, mais plutôt aux décisions courageuses. Il y a urgence !
Hervé Cheuzeville