[Un émigré en France] Une hiérarchie des mendiants, par Paul de Beaulias
En terre occupée par la Gueuse, la mendicité est devenue pleinement endémique. Il faut toutefois savoir distinguer les mendiants entre eux.
Il y a d’abord les vrais mendiants. Parmi eux, il y a ceux qui mendient à la sortie de la Messe, parfois même qui assistent à la Messe, et qui font partie de la paroisse, de la communauté. Il y a les mendiants dignes et silencieux, à qui l’on donne de bon cœur. Enfin, il y a les mendiants en détresse totale, qui semblent être devenus fous de tristesse et de misère. Ils sont sales le plus souvent, et effraient la société, qui les évite à tout prix. Les aider est un véritable acte évangélique ; ils sont des parias et des impurs aux yeux des bonnes gens, telle la samaritaine pour les disciples de Jésus…
Et puis, il y a les mendiants vindicatifs et agressifs, dont le métier filou, presque mafieux, n’a plus rien à voir avec la mendicité que l’on décrivait ci-dessus. Ceux-là ont fait de la mendicité un vrai commerce. L’autre jour, j’ai eu une expérience intéressante en gare du Nord, alors que j’attendais un ami depuis un certain temps. J’ai pu contempler le fonctionnement de cette gare immense : l’ambiance, les militaires, les molosses, la population…
Alors que je faisais les cent pas tranquillement, en égrainant un chapelet — il n’y a pas de temps perdu pour Dieu —, depuis plusieurs dizaines de minutes, un basané m’apparut assez soudainement. Ayant aperçu ma médaille miraculeuse, bien visible sur ma poitrine, il m’entretint avec une verve impressionnante et un débit effrayant, dans un français pas trop approximatif. Tout n’était pas clair, mais il me tint à peu près ce langage : « Tu connais l’église Saint-Nicolas ? », « Euh, oui, Saint-Nicolas-du-Chardonnet ? », « Celle d’à côté, avec le père Christophe. Je me suis fait baptisé. Mon pote, on aime Dieu ! »
Il avait eu suffisamment d’intelligence pour tenter de jouer sur la corde chrétienne. Sans être naïf, je lui laissai encore le bénéfice du doute et continuai de discuter avec lui cordialement. Il continuait à me raconter des histoires invraisemblables — il est une œuvre de charité que d’écouter les gens ennuyeux ! —, mais rapidement, il tenta évidemment de trouver un prétexte pour me demander de l’argent. Malheureusement pour lui, l’escroc n’avait pas bien creusé son sujet, et rien de catholique ne pointait dans son discours. Il tenta néanmoins le coup…
Pour le débusquer, je lui dis quelque chose de cet acabit : « Eh bien, Monsieur, si vous êtes baptisé catholique, vous devez connaître vos prières. Récitons un Ave Maria pour recevoir les grâces ! » Je commençai un beau signe de croix, qui ne fut pas suivi, puis je priai à voix haute la première moitié de l’Ave. Mon nouvel ami ne répondit pas, totalement interdit, ce qui détonna par rapport à son babillage précédent ! Je m’arrêtai de prier : « vous ne connaissez pas vos prières, vous n’êtes pas baptisés, n’est-ce pas ? » « Mais si, si, je suis baptisé, mais je ne les retiens pas bien… » et il continua de m’embrouiller…
Je brandis alors le dizainier que j’avais en main, la croix bien en évidence, tendue devant son visage, et je lui dis : « d’accord, vous ne connaissez pas vos prières, c’est possible, alors prouvez-moi que vous êtes catholiques et adorez Dieu, embrassez-le ». Le mendiant resta interdit, sans bouger. Et je dis : « vous êtes un menteur, au revoir. Quand vous prétendez quelque chose, au moins faites-le bien et, pour la prochaine fois, renseignez-vous sur Dieu et le catholicisme » — cela pourrait le toucher, qui sait ? Et je repris la marche en priant, malgré le gêneur qui continua son pantomime pendant près de trois quart d’heure, tant avec moi qu’avec d’autres, son discours changeant en fonction des interlocuteurs.
Rien à voir avec ce mendiant africain, que j’ai rencontré il y a peu, en pleine rue, à Nice ! Lui était vraiment en détresse. Il sanglotait et balbutiait des prières vaguement chrétiennes, prononçant le nom de « Marie » ici ou là, un rosaire à la croix brisée en main, sans chaussures et avec une légère blessure à la tête… À lui, j’ai donné mon rosaire, de quoi se payer un bon repas et un peu de mon temps, car nous avons longuement discuté tous les deux. Lui n’était ni un menteur, ni un agresseur, mais un véritable demandeur de charité chrétienne !
Paul de Beaulias
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !