[Exclusif] Hervé Pinoteau présente ses “Nouvelles Etudes Dynastiques”
“Je crois que mon rôle est d’être simplement le transmetteur de la connaissance et de la mémoire
” déclarait l’expert Cyrille Boulay lors de notre dernière rencontre. S’il est un transmetteur de la connaissance et de la mémoire légitimiste, c’est bien le baron Pinoteau, que j’avais un jour entendu résumé en quatre mots par Daniel de Montplaisir : “(il) est la conscience du légitimisme”. En 2011, le biographe du prince Louis l’avait encore défini ainsi dans son Louis XX, petit-fils du Roi Soleil : “Au milieu des années cinquante, le frémissement légitimiste devint bouillonnement. D’abord avec l’entrée en scène d’un personnage nouveau, à la forte personnalité, suscitant aussi bien l’admiration par son immense culture, sa religion de la fidélité, son désintéressement absolu et sa formidable capacité de travail, que l’irritation par sa tendance à détenir seul toute la vérité sur les questions dont il traite. Pendant plus d’un tiers de siècle, la légitimité française allait respirer par la bouche du baron Pinoteau.”
Mais cet auteur, qui aurait voulu devenir astronome, est aussi un expert des signes et de leurs sens, qui a non seulement analysé mais aussi dessiné lui-même une quantité vertigineuse de documents provenant de toutes les galaxies dynastiques. Cela tombe bien, car le chancelier (depuis le 11 mars 1969) de trois chefs successifs de la maison de Bourbon (Jacques-Henri VI, Alphonse II et Louis XX), présente aujourd’hui aux lecteurs de Vexilla Galliae son dernier ouvrage paru en novembre : Nouvelles Etudes Dynastiques, Héraldique – Vexillologie – Phaléristique(Le Léopard d’or).
Quelques 1083 grammes de finesse dans un monde de brutes…
Alphée Prisme
Vexilla Galliae : En 1995, dans la préface générale de votre ouvrage Les pleines armes de France de Clovis au duc d’Anjou (Le Léopard d’or), vous définissez votre style comme “celui du souvenir et du décryptement de ses éléments utiles pour aider à l’indispensable renouveau de toutes choses en ce royaume perdu”. Vos Nouvelles Etudes Dynastiques – Héraldique – Vexillologie – Phaléristique, parues en novembre dernier chez le même éditeur, et qui compilent trente et un articles écrits entre 1982 et 2010, sont-elles une bonne illustration de votre style?
Hervé Pinoteau : Pour moi ce n’est pas une question de “style” mais bien une enquête fouillée sur la symbolique de l’Etat français de Clovis à nos jours, essayant d’expliquer les raisons de tous ces signes et tous ces insignes du pouvoir qui voulaient bien dire des choses. J’ai au fond fait durant soixante et un ans ce que de nombreux historiens ont fait dans de nombreux pays. et je me suis parfois corrigé durant tout ce temps. Je remercie les amis de nombreux pays qui m’ont aidé dans cette quête. Et bien entendu je me suis attaché à ce qu’ont fait nos rois. Ce qui ne m’a pas empêché de disserter longuement sur la naissance des armes de Portugal, sur Napoléon roi d’Italie ou Notre-Dame de la Belle-Verrière de Chartres qui est coiffée d’une couronne carolingienne que j’ai identifiée.
V. G. : Presque 600 pages pour une trentaine d’articles, soit une moyenne de vingt pages par article, que l’on peut choisir à sa guise, c’est une idée très actuelle pour connaitre un peu plus l’origine et l’évolution graphique de ces drapeaux, sceaux, décorations, regalia et autres emblèmes qui accompagnent l’Histoire alors que nous sommes aujourd’hui submergés de marques, de logos, de cross-branding idéologiques et autres partis politiques en quête d’image, d’identité?
H. P. : Oui, nous sommes environnés d’une foule de logotypes plus ou moins explicites, certains hostiles à notre religion catholique, même dans des torchons imprimés par des gens encensés par notre société en déroute. Cette mode est le signe du diable dans notre société qui nie la loi naturelle et la loi divine.
V. G. : Il y en a pour tous les goûts, des lecteurs du Sire de Jean Raspail avec l’article De Clovis à Pharamond, coup d’œil sur l’héraldique mérovingienne, aux passionnés de reconstitutions historiques qui s’alimenteront de précieux détails dans Les drapeaux des ordres militaires, en passant par Les ordres de chevalerie du roi de France et l’héraldique que l’on peut proposer à ceux pour qui l’honneur a encore un sens, pour repartir ensuite à la découverte d’Une coupe héraldique trouvée en Syrie avant de parcourir Le globe dans la symbolique royale et impériale française…
Pour en arriver à un tel spectre de connaissances sur l’imagerie dynastique au sens large, quel a été votre cheminement dans le temps? Vous êtes-vous intéressé aux différentes familles de symboles – héraldique, vexillologie, phaléristique – les unes après les autres ou fut-ce plutôt un perpétuel bondissement de l’une à l’autre?
H. P. : J’ai depuis l’âge de huit ans été fasciné par les armoiries, les drapeaux et les décorations. Mes premiers textes imprimés ont commencé par l’héraldique et je dévoile un fait inconnu de mes amis. En 1942, l’hebdomadaire L’Illustration publiait des articles de Joseph Coudurier de Chassaigne sur les armoiries de la France et ce que l’on pouvait imaginer pour la France de cette époque. Des gens envoyèrent leurs idées sur la question et je fis de même. Dans le numéro du 15 août, page 119 il fut écrit que “M. Pinoteau, de Royan”, avait envoyé un projet assez beau mais trop compliqué. J’avais 15 ans et je n’en possède aucune copie, le calque ayant été perdu dans l’anéantissement de la ville en 1945. Il n’y avait alors pas de photocopieuses. J’appris bien des années après que le Maréchal n’avait aucun intérêt pour cette question et qu’il ne voulait pas que la francisque apparaisse dans la symbolique de la république qu’il laisserait à la Nation car elle lui était propre, ce que j’ai publié dans Le Chaos français et ses signes.
V. G. : Vous rappelez-vous votre premier choc esthétique avec un objet qui enclenchera cette quête de sens? Et la trouvaille ou analyse qui vous occupe en ce moment et que nous lirons prochainement?
H. P. : Dans ma famille paternelle et maternelle il y avait des objets avec les armoiries que je dessinais. Tableaux, argenteries étaient à ma portée. Des dizaines d’années après je termine mon trente-deuxième livre, sans doute le dernier (?) qui sera l’histoire de l’ordre du Saint-Esprit depuis 1789, et croyez bien que la description des armoiries des chevaliers russes, napolitains, britanniques, espagnols, autrichiens et prussiens est très difficile, avec pour chacun quand elles existent, les grandes, moyennes et petites armoiries! Un cauchemar…
V. G. : Enfin, vous déclarez dans vos Préliminaires être “un peu déconcerté que l’on disserte à loisir de certains sujets comme si je n’avais rien écrit dessus… De plus certains de mes textes sont très non-conformistes, et bien sûr teintés de blanc étant donné mon attachement à d’antiques traditions, ce qui peut fâcher dans l’ambiance, qui est la nôtre, celle de l’apostasie des nations”. Face à l’inculture républicaine qui règne – presque – partout, cette somme n’est-elle pas le meilleur outil pour mieux comprendre ce qui fut, et donc ce qui nous attend?
H. P. : L’inculture républicaine est affligeante et des livres qui ont paru sur le drapeau tricolore et certains emblèmes sont assez lamentables. J’ai donc éclairci bien des choses et donné quelques leçons de symboliques aux républicains.
Quoi qu’il en soit j’ai réfléchi sur la question de la royauté très rapidement et cherché la bonne solution royaliste. Mais Dieu qui aime certainement la Fille aînée de l’Eglise fera ce qu’il faut quand on aura atteint le fond probablement dans un climat de ruines car ce sera pire qu’en 1940, l’ennemi étant déjà sur place. Qui viendra? Un dynaste de chez nous (et pourquoi pas le chef de la Maison de Bourbon qui est la Maison de France) ou un autre. Dieu seul le sait et c’est donc bien ainsi.
Quant à la “somme” que vous évoquez, ce sont avant tout trois gros volumes de format A4 : La Symbolique royale française, Le Chaos français et ses signes et Clefs pour une somme ; soit environ 1700 pages.
J’espère avoir répondu à vos questions.
Propos recueillis par Alphée Prisme
En fin des “Nouvelles Etudes Dynastiques”, des illustrations en couleurs enrichissent les nombreuses photographies et dessins en noir et blanc reproduits dans le corps des articles.
(Hervé Pinoteau évoquera “Le destin brisé du prince Alphonse de Bourbon” lors de la prochaine Université du Centre d’Etudes Historiques au Mans en juillet.)