Le Pape François : « Nos frères versent leur sang… ils sont chrétiens »
Peut-on imaginer des attentats au Pakistan, dans une église, sans penser aux heures les plus noires de la Terreur ? Hélas, oui, nous revivons douloureusement ce qui se passe là-bas, n’ayant d’autres moyens pour aider ces chrétiens que nos prières et nos pensées positives pour leur donner de la force et de l’espérance. Alors que nos églises sont désespérément vides en France, alors que nous avons la liberté de nous y rendre, comment ne pas être émus aux larmes en apprenant que ces attentats ont fait 15 morts et plus de 70 blessés (bilan provisoire) lors d’une messe au Pakistan.
Dimanche dernier, lors de l’Angélus, le Pape a exprimé toute sa douleur face à ces nouveaux crimes commis par les talibans dans un quartier chrétien de Lahore, provoquant une réaction violente de cette minorité souvent victime de discriminations. Devant la foule rassemblée place Saint-Pierre, le Pape François s’est exprimé sur ce drame en des termes très forts : « C’est avec douleur, avec beaucoup de douleur, que j’ai appris les attentats terroristes d’aujourd’hui, contre deux églises de la ville de Lahore, au Pakistan, qui ont provoqué de nombreux morts et blessés » – « Ce sont des églises chrétiennes. Les chrétiens sont persécutés. Nos frères versent leur sang, seulement parce qu’ils sont chrétiens. Alors que j’assure de ma prière les victimes et leurs familles, je demande au Seigneur, j’implore du Seigneur, source de tout bien, le don de la paix et de la concorde pour ce pays, et je demande que cette persécution contre les chrétiens, que le monde tente de cacher, finisse, et que vienne la paix. »
En novembre dernier, le Saint-Siège avait réagi après l’assassinat au Pakistan d’un jeune couple de chrétiens, brûlés vifs par une foule de musulmans en colère. Le cardinal Jean-Louis Tauran s’était dit « choqué ». Le président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux avait dénoncé sur Radio Vatican « des actes barbares », ajoutant que « ce qui est encore plus grave, c’est qu’on invoque la religion, de manière spécifique. Or, une religion ne peut pas justifier de tels actes, de tels crimes ». Le cardinal Tauran avait salué l’œuvre de l’Église locale, « une Église très courageuse ». Il avait appelé à « la soutenir » et à « dénoncer, de manière très vigoureuse qu’il n’y a aucune justification à ce genre de chose. C’est l’humanité tout entière dans le fond qui est humiliée ».
Près de 200 millions de chrétiens seraient victimes d’intimidations, de discriminations, de violences. Dans « Le livre noir de la condition des chrétiens dans le monde », ouvrage collectif sous la direction de Jean-Michel di Falco, Timothy Radcliffe et Andrea Ricardi, coordonné par Samuel Lieven, toute la vérité est dite. Personne n’a oublié cet été le sort tragique des chrétiens irakiens, ceux de Mossoul et de la plaine de Ninive où leur présence est pourtant bien antérieure à celle de l’islam, mais qui sont traqués dans leur propre pays, expulsés de leur maison par les islamistes fanatiques de Daech, pour le seul fait qu’ils sont chrétiens.
De même, en Afrique subsaharienne, au Nigeria, au Soudan, mais aussi au Congo et dans bien d’autres pays du continent noir, on ne compte plus les églises attaquées et brûlées, les prêtres et les religieux rackettés, enlevés, disparus, voire assassinés. Ce livre accusatoire de 800 pages écrit par plus de soixante-dix contributeurs français et étrangers, historiens, experts, journalistes, religieux, représentants d’ONG, est paru en France aux éditions XO (le 23 octobre 2014). Il est déjà en voie de traduction dans de nombreux pays. Ce document sans précédent, enrichi de chiffres, de témoignages et d’analyses, est accablant. Selon le recensement établi par ses auteurs, de 150 à 200 millions de chrétiens sont actuellement discriminés dans environ 140 pays et la religion chrétienne serait la plus persécutée au monde. Avant la guerre du Golfe de 1991, l’Irak comptait un million et demi de chrétiens. Depuis l’intervention américano-britannique de 2003 et le chaos qui a suivi la chute de Saddam Hussein, puis la montée d’al-Qaida et de Daech, ils ne sont plus que 200.000 environ dans ce berceau oriental du christianisme. Mais tout autour de l’Irak, depuis des décennies, les chrétiens syriens, coptes (Égypte), iraniens, palestiniens sont aussi déstabilisés, opprimés, isolés par les conflits, les révolutions, les guerres civiles, la montée des extrémismes. Ils n’ont plus leur place sur des échiquiers politiques instables et ils sont voués à l’exil.
La liste des discriminations recensées par ce «livre noir» est impressionnante. Le Pape François déclarait récemment qu’il est « convaincu que la persécution contre les chrétiens est aujourd’hui plus forte qu’aux premiers siècles de l’Église». Les chrétiens subissent le plus grand nombre de violences d’abord pour des raisons démographiques : ils sont les plus nombreux (2,2 milliards) contre 1, 4 milliard de musulmans.
Si la défense des chrétiens reste bien entendu l’une des grandes priorités du Pape François, ce dernier reste très attentif à ce qui se passe ailleurs. Il a lancé ce dimanche un appel en faveur de la population de l’île du Vanuatu, archipel du Pacifique Sud, frappé par le cyclone Pam, l’un des plus violents jamais enregistré dans l’hémisphère sud, qui a fait de nombreuses victimes. Le Saint-Père a dit prier pour « les morts, les blessés et les personnes sans-abri » et il a remercié tous ceux qui participent aux secours.
Et nous, à notre tout petit niveau, que pouvons-nous faire ?
Solange Strimon