2 réflexions sur “Au milieu des sollicitudes : 130 ans de « ralliement », par Alban Guillemois

  • Quels furent les fruits du « Ralliement » ?

    Tout d’abord la division des catholiques sur le plan politique.

    L’Union conservatrice (regroupant les légitimistes, les orléanistes, les bonapartistes, les conservateurs sans référence dynastique et les boulangistes) comptait 205 députés à la Chambre lors des élections de 1889 (contre 201 en 1885 et moins d’une centaine en 1881, avant la constitution de l’Union). En 1893, le Ralliement a pulvérisé l’Union conservatrice. Les monarchistes de toutes tendances n’obtinrent que 58 sièges et les ralliés 35 !

    Mgr Freppel ou Emile Keller avaient prévu la chose et en avaient dûment averti Léon XIII. Il n’y eut rien à faire.

    Après la douche froide de la Restauration manquée des années 1870, les monarchistes, qui ne contrevenaient en rien au strict respect de la légalité, ne pratiquaient pas l’opposition systématique et avaient réussi à s’unir pour défendre les intérêts de la religion, et donc cochaient toutes les cases (sauf une) des demandes exprimées (ensuite) par Léon XIII dans Au milieu des sollicitudes, avaient réussi à remonter électoralement la pente au point de représenter à nouveau une menace pour la République (qui n’est pas, en France, seulement la forme des institutions, parmi d’autres, mais une religion civique antinomique de la religion catholique et des traditions françaises – ce que Léon XIII s’est refusé à voir).

    L’apparition des candidats ralliés, tels des coucous, a divisé les voix de la droite catholique au profit des authentiques républicains, qui ont ensuite toujours considéré les ralliés comme des imposteurs ès République. La droite catholique ne s’en est jamais remise et a disparu progressivement de la Chambre des députés et du Sénat, laissant le champ libre au triomphe de la République, avec la loi de Séparation à la clef.

    La démocratie chrétienne à la française, apparue dans la continuité du Sillon de Marc Sangnier (condamné par saint Pie X en 1910), hésita entre un positionnement centriste – avec le Parti démocrate populaire (dont les membres furent irrévérencieusement baptisés PD par les camelots du roi) – et la gauche pure et simple avec la Jeune République qui soutint le Front populaire en 1936 (Philippe Serre devint ainsi sous-secrétaire d’État en 1937).

    Voilà les fruits… entre autres…

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    • Pierre de Meuse

      Votre rappel est judicieux, mais n’oubliez pas que l’attitude de Léon XIII est loin d’être isolée dans l’Église. Aux côtés du pape, il y a le Cardinal Rampolla del Tindaro, et tout le courant consalviste, le plus puissant parmi les ultramontains, dont l’obsession est de ne pas solidariser l’Église de la tradition temporelle. Ces gens considèrent que la révolution est une péripétie comme une autre, et qu’il appartient à la diplomatie et au savoir-faire des hommes du Saint-Siège de l’amadouer. Si le Ralliement eut lieu, c’est parce que l’ultramontanisme “inséparatiste” avait fini par persuader les royalistes que le combat pour la restauration n’était pas dissociable de l’obéissance absolue à Rome dans le domaine politique. Évidemment, en ce qui concerne les républicains, ce fut une autre affaire.

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