Fêtons sans modération ce jour des Rois
Royalistes d’ici et d’ailleurs, réjouissez-vous puisque nous fêtons ce dimanche 4 janvier l’Épiphanie ou Jour des Rois ou Théophanie une fête chrétienne commémorant la visite des rois mages à l’enfant Jésus et qui nous permet de déguster (pratiquement tout le mois de janvier) la fameuse galette des rois. Épiphanie provient du grec Epiphaneia, qui signifie « manifestation ». Cette fête célèbre la manifestation de Dieu parmi les hommes. Le jour de l’Épiphanie rappelle trois grandes manifestations du Christ : l’adoration des mages à Bet-lehem, le baptême de Jésus dans le Jourdain et le premier miracle du Christ aux noces de Cana (l’eau transformée en vin). La date biblique est située au 6 janvier, mais ce jour n’étant pas férié, l’épiphanie est fêtée le premier dimanche après le 1er janvier. Nos mages présents à la nativité sont les descendants de ces mages persans.
Si nous n’avions à vous parler que de la confection de la galette des rois, de la fève et du champagne qui coule à flots (le cidre le remplace assez souvent), cette chronique paraitrait bien réductrice et de notre point de vue tout à fait sans intérêt. Aussi avons-nous fait le choix de toujours mettre en avant ce qui ne parait jamais évident. Exemple le cycle de 12 jours entre Noël et l’Épiphanie : à ce moment-là, la nuit est la plus profonde, laissant entrevoir la venue de la nouvelle lumière par les jours qui se rallongent. C’est d’ailleurs en cette période chez les grecs qu’étaient honorés les douze dieux épiphanes, habitants de l’Olympe : Zeus, Héra, Poséidon, Déméter et Hestia, enfants de Cronos, Aphrodite, dont l’origine reste incertaine, et Héphaïstos, Athéna, Apollon, Artémis, Arès et Hermès, enfants de Zeus. Hadès, lui, habitait aux Enfers.
Les dictons populaires ont gardé en mémoire l’ancien culte agraire de leurs ancêtres : « Regarde comment sont menées depuis Noël douze journées, car suivant ces douze jours, les douze mois auront leur cours. » – « À la fête des Rois, le jour croît du pas d’une oie » – « Pluie aux Rois, blé jusqu’au toit, et dans les tonneaux, vin à flot » – « Si le soir du jour des Rois, beaucoup d’étoiles tu vois, auras sécheresse en été, et beaucoup d’œufs au poulailler ».
Nous avons en cette période de la nativité, dans le ciel étoilé, la présence de la constellation de la Vierge, dans laquelle brille le Bouvier (appelée Bouvier : gardien de bœufs, ou Berger par les anciens sumériens). Le signe voisin est celui du Lion, représentant la tribu de Juda, dont Jésus est issu par son père. Dans le Cancer brille la constellation des Ânes (appelée par les grecs Phatnè, qui veut dire la crèche). Marie, Joseph, le bœuf et l’âne, la crèche, les bergers sont bien présents.
La visite des rois mages exprime la manifestation de Dieu aux païens, dont faisaient partie ces mages venus d’Orient. Ces derniers – en quête du nouveau-né – suivent l’étoile des mages, symbole supplémentaire de la manifestation divine. Lorsqu’ils atteignent la crèche de Jésus, les mages se prosternent et l’adorent, puis lui offrent de l’or, symbole de la royauté, la lumière solaire ; l’encens, ou oliban, issu d’une plante sacrée, utilisé pour élever la prière vers le ciel, pour purifier, symbolise la fonction sacerdotale et la myrrhe, annonciatrice de la souffrance rédemptrice et qui servait à embaumer les morts, rappelant la condition mortelle des hommes et le cycle de la vie. La myrrhe est une gomme-résine aromatique produite par l’arbre à myrrhe (ou balsamier), un arbre qu’on trouve en Afrique de l’Est et dans la péninsule Arabique. Ces trois présents sont habituellement considérés comme représentant les trois aspects du Christ, fils de Dieu (or), prêtre (encens) et homme (myrrhe) ou les trois pouvoirs, royal, sacerdotal et spirituel, qui sont, depuis le XIVe siècle, représentés sous forme de trois couronnes sur la tiare papale.
Leur nombre fut estimé à trois par le théologien Origène au IIIe siècle. Nous n’allons pas revenir sur le chiffre trois : nous en avons déjà parlé. En ce qui concerne les noms de ces trois mages, leurs noms apparurent au VIème siècle, dans un manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale de France à Paris, le « Excerpta Latina Barbari » : Bithisarea, Melichior et Gathaspa. L’« Évangile arménien de l’Enfance », écrit apocryphe datant à peu près de la même époque, leur donne les noms de Balthazar, Melkon et Gaspard, respectivement rois d’Arabie, de Perse et d’Inde. Le mot mage est originaire de la Perse ancienne (magus), où il désigne au départ, selon Hérodote, les membres d’une tribu mède, une ethnie ou plus exactement une caste, à qui l’ensemble de la tradition grecque attribue le monopole sacerdotal. Au Ve siècle, les mages devinrent les prêtres officiels de la Perse, participant au pouvoir politique. Ils pratiquaient un culte solaire, se basant sur d’anciennes pratiques chamaniques, l’astronomie, l’astrologie et la divination.
A la fin du XIIIe siècle, l’un de nos auteurs préférés, Jacques de Voragine les nomme, dans “La Légende dorée”, en trois langues différentes : Appellius, Amérius et Damascus en latin, Galgalat, Malgalat et Sarathin en hébreu, Caspar, Balthasar et Melchior en grec. Au XVIIIe siècle, Catherine Emmerich, dans l’une de ses visions, les nomme Théokéno, Mensor et Saïr. Paul Sédir, dans « L’enfance du Christ» publié en 1926, s’appuyant sur un récit de Bède le vénérable, moine anglais du VIIe siècle, « Expositio in Matthaei Evangelium », les nomme Melchior, de la race de Sem, roi d’Arabie (Asie), Gaspar, de la race de Cham, roi de Saba ou d’Ethiopie (Afrique), et Balthazar, de la race de Japhet, roi de Tharsis (Tartessos en Espagne ?) (Europe).
Question représentation, la plus ancienne, connue des rois mages se trouve dans la catacombe Sainte Priscille de Rome. Une sculpture du IIIe siècle conservée au musée paléochrétien du Vatican les montre devant la Vierge. Plusieurs sarcophages du IVe siècle les représentent, ainsi que la célèbre mosaïque de l’église Saint-Apollinaire de Ravenne, datant du VIe siècle. Marie est toujours représentée assise avec l’enfant sur les genoux.
C’est seulement à partir du XIe siècle que les mages porteront le costume royal, longue robe et couronne. Au XIIe siècle, ils sont montrés représentant les trois âges de la vie : l’adolescence avec Gaspard jeune et imberbe, Balthazar, l’homme mûr portant la barbe, et Melchior, le vieillard chauve à barbe blanche. A partir du XIIIe siècle, le premier mage est représenté s’agenouillant, le deuxième se retournant pour montrer l’étoile au troisième. Le seul personnage connu ayant vraiment eu le titre de roi et de prêtre fut Melchisédech, roi de Salem.
La symbolique est présente bien sûr dans la galette des rois (ronde et dorée comme le soleil, ronde et striée comme le zodiaque), celle que l’on fabrique le jour de l’Épiphanie. Elle est marquée sur le dessus de lignes entrecroisées en forme de losanges. C’est ce qu’on appelle l’Étoile des Mages. Quand peut-on (enfin !) manger la galette des rois ? Théoriquement, le premier dimanche de janvier, mais comme cette galette est une véritable manne pour les boulangers et pâtissiers, la vente commence bien avant.
L’Épiphanie est le résultat d’une longue tradition remontant très loin avant la naissance de Jésus et résultant d’un mélange de traditions païennes et chrétiennes. A l’origine, il s’agissait dans l’antiquité de fêter le dieu Dionysos. Dieu de la vigne, du vin, mais aussi de la fête et des excès dans la mythologie grecque, Dionysos est intimement lié aux saisons et donc aux cycles de la végétation. La fête donnée en son honneur au milieu de l’hiver, et concomitante avec le solstice d’hiver, symboliserait sa résurrection, le retour de la lumière et donc la renaissance de cette végétation.
Il faut remonter au XIIIe ou au XIVe siècle pour retrouver les premières traces du partage d’une galette lors de l’Épiphanie, partagée en autant de portions que de convives plus la “part du pauvre”. En 2015, cela parait bien difficile à appliquer, compte tenu du nombre de pauvres autour de nous. Cette tradition est devenue au Moyen-âge, le “gâteau des rois”. Et pour qui garde en mémoire la légende de peau d’Âne, inspirée du conte de Charles Perrault, nous imaginons bien quel pouvoir prend ce gâteau puisque Peau d’Âne y a laissé sa bague dans un gâteau destiné au prince.
Il existe toujours une tradition qui consiste à envoyer le plus jeune des convives sous la table pour désigner à qui revient chaque morceau de la galette. Que cette galette soit à la frangipane, briochée ou gâteau aux fruits confits, elle est généralement excellente ! A l’origine, les galettes des rois étaient de simples pains dans lesquels un haricot était utilisé en guise de fève. Mais progressivement, plusieurs régions ont ajouté à cette galette de pain sa spécificité. Notre galette préférée est celle que l’on appelle « la Parisienne ». Cette galette à la frangipane serait née au XVIIe siècle sous l’impulsion d’Anne d’Autriche et de son fils Louis XIV et dans certaines régions. Ne vous en privez pas !
La fève est une plante solide mais dès le XVIIIe siècle, les premières fèves en porcelaine apparaissent. Elles représentent d’abord l’enfant Jésus, pour reprendre la tradition chrétienne de l’Épiphanie. Mais à la révolution, les fèves vont prendre d’autres aspects. Après le second empire, cette fève en porcelaine se généralise et se régionalise, représentant toute sorte de personnages, d’objets ou de métiers. Au XXe siècle, la fève en plastique va encore multiplier les possibilités, transformant parfois l’objet en support publicitaire ou en figurine de dessin animé. La fève est ainsi devenue un objet de collection. Un musée situé à Blain, en Loire-Atlantique, y est consacré et rassemble des milliers de pièces.
Démarrer cette première semaine de janvier par une galette des rois nous semble éminemment symbolique, pour notre Roi, pour son retour, espérant que cette chronique ne fut pas indigeste au point de ne plus vous donner envie d’en déguster sans modération. Nos vœux les plus vifs et sincères de « Bonne année ET Bonne santé »* pour 2015 avec de surcroît la résistance, l’inspiration, l’amour, l’amitié, la réussite et la concrétisation de tous vos projets. C’est le moment de faire un vœu !
Solange Strimon
* Les résultats de l’étude Ifop/Capital Image révèlent que 96% des personnes interrogées déclarent souhaiter « Bonne année ET Bonne santé » dont 49% systématiquement. La santé est ce qu’il y a de plus important à souhaiter (à quelqu’un) pour 69% des Français. En effet, la santé est perçue comme la principale exigence pour être heureux par 71% des personnes interrogées, devant l’amour (50%) et le fait d’avoir des enfants (29%). 77% des Français pensent célébrer le passage à 2015 essentiellement en famille (32%) et avec des amis (20%). Quant aux vœux, 54% des personnes interrogées les présentent de vive voix, 48% par téléphone et 46% par SMS, un moyen qu’affectionnent majoritairement les moins de 35 ans (71%).