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Mgr Schneider : « Nous sommes aujourd’hui confrontés à l’affrontement final entre l’Église et l’anti-Église »

Avec la bienveillante autorisation de son auteur, la journaliste Jeanne Smits, nous publions aujourd’hui de longs extraits de la retranscription de la dernière conférence de Mgr Schneider, organisée le 25 juin dernier par l’association Renaissance catholique. L’intégralité de l’article est disponible sur Le Blog de Jeanne Smitshttps://leblogdejeannesmits.blogspot.com/2021/07/mgr-schneider-appele-la-resistance.html

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Les structures du mal dominent notre époque dans une dimension presque apocalyptique au niveau mondial. Il faut particulièrement souligner l’état de crise interne de l’Église qu’aucune personne honnête ne peut nier, car elle est déjà trop évidente. Pensez à ces observations précises, qui sont bien connues et dans lesquelles le pape Paul VI a honnêtement décrit l’état de santé spirituelle de l’Église de notre temps ; elles demeurent d’une grande pertinence. Je cite Paul VI : « On croyait qu’après le Concile le soleil aurait brillé sur l’histoire de l’Église. Mais au lieu de soleil, nous avons eu les nuages, la tempête, les ténèbres, la recherche, l’incertitude »… Paroles de Paul VI. Il n’y a pas de printemps. Et le Pape a ajouté cette phrase audacieuse : « La fumée de Satan est entrée dans le Temple de Dieu » – paroles dites le 29 juin 1972.

Le cardinal Karol Wojtyla, futur pape Jean-Paul II, s’exprimant au Congrès Eucharistique de 1976, à Philadelphie, aux États-Unis d’Amérique, a déclaré :

« Nous sommes maintenant confrontés à la plus grande opposition historique que l’humanité ait jamais connue. Je ne pense pas que la société américaine dans son ensemble ou la communauté chrétienne dans son ensemble en soit pleinement consciente. Nous sommes aujourd’hui confrontés à l’affrontement final entre l’Église et l’anti-Église, entre l’Évangile et l’anti-Évangile, entre le Christ et l’Antéchrist. Cette confrontation fait partie du plan de la Divine Providence. Par conséquent cela fait partie du plan de Dieu et c’est une épreuve que l’Église doit accepter et affronter avec courage. »

Ce sont les paroles du cardinal Karol Wojtyla, deux ans avant son élection pontificale. Dieu de toute éternité, dans son plan sage et aimant, a choisi cette période importante mais extrêmement difficile pour nous, dans laquelle nous vivons, et Dieu veut nous récompenser de son amour éternel. Nous voulons dire du fond du cœur au Seigneur en ces temps difficiles : « Seigneur, tout est pour vous, toutes mes souffrances, toutes mes humiliations, toutes mes larmes, toutes mes œuvres, tout mon amour… Tout est pour Vous. Non nobis, Domine, non nobis. Pas à nous, pas à nous, Seigneur, mais à ton nom rends gloire. »

+ Athanasius Schneider
Évêque auxiliaire de Sainte-Marie d’Astana

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Jeanne Smits – Excellence, je suis très émue d’être là à côté de vous. Nous avons échangé longuement par courriel au cours du travail de traduction de votre livre Christus Vincit que j’ai effectué, où vous avez vérifié chaque mot et fait attention au sens précis, puisque vous maîtrisez très bien le français. Je voudrais, avant de commencer à vous interroger, rendre un hommage à Diane Montagna, qui a réalisé ce livre d’entretiens avec Mgr Schneider, en anglais. C’est une consœur américaine basée à Rome. Dans ce livre elle a vraiment poussé Monseigneur à bout. Elle a vraiment posé toutes les questions, elle a creusé, elle est revenue, elle n’a évité aucun sujet difficile et je crois que Mgr Schneider non plus n’a évité aucun sujet qui pouvait porter à controverse. Vous parlez aussi bien de la franc-maçonnerie, ce qui est assez classique, que de l’islam ou de la Fraternité Saint-Pie X, et donc on a une vision d’ensemble de l’Église qui est très lucide et en même temps, comme vous venez de le montrer, pleine d’espérance. La première question que je voulais vous poser concerne le fil conducteur de livre, la citation de saint Matthieu (XXIV, 29) : « Le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière et les étoiles tomberont du ciel. » Évidemment cela nous fait peur, je ne vous le cache pas ! Je me demande si l’Apocalypse va nous tomber sur la tête vraiment à brève échéance. Et deuxièmement vous venez de citer le cardinal Wojtyla qui disait à Philadelphie que l’Église devait répondre, affronter l’épreuve avec courage, or nous sommes quand même nombreux à nous demander où est le courage de l’Église. Comment est-il possible que nous soyons sous ce rapport dans des temps aussi mauvais, alors que tout de même, comme vous l’avez dit aussi, les personnes sensées voient ce qu’il en est. Pouvez-vous approfondir un peu cette réflexion ?

Mgr Schneider Une personne qui croit, qui a la foi, jamais ne devrait avoir peur. Notre foi devrait être forte, convaincante. La foi est le don de Dieu, la vie divine de notre âme. Si le Seigneur est avec nous, qui est contre nous ? Même si le temps apocalyptique arrive, le Seigneur sera toujours avec nous, nous avons le Seigneur, dans la foi de notre cœur. Il a dit : « Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde. » Il est resté avec nous particulièrement dans l’Eucharistie, dans le tabernacle, dans la Sainte Communion, et même si nous devons entrer de nouveau dans le temps des catacombes, peut-être, comme les premiers chrétiens, comme j’ai eu le privilège de vivre aussi dans les catacombes pendant mon enfance sous l’Union soviétique, ce temps sera toujours un temps de grâces abondantes. Et si la Divine Providence nous accorde ces grâces, ces épreuves, la providence divine, la bonté divine nous donnera toujours toutes les forces nécessaires pour affronter ces temps difficiles, même quasiment apocalyptiques. C’est la première chose.

À propos de ce qu’a dit le cardinal Karol Wojtyla de l’Église de nos jours qui doit affronter avec courage la confrontation de l’Église et de l’anti-Église, de l’Évangile et de l’anti-évangile, peut-être le cardinal Wojtyla pensait-il en 1976 que cette confrontation serait entre l’Église et les ennemis de l’Église, qui sont hors de l’Église. Mais je pense maintenant que nous avons la confrontation d’une Église contre une Église au dedans, au milieu de la vie de l’Église. Nous avons déjà assisté à ce phénomène dans les années passées, quand nous avons vu quasiment l’introduction du divorce dans l’Église au travers du texte Amoris Laetitia, qui est très ambigu. Donc un anti-évangile ; contre ce que Jésus a dit sur le mariage. Et puis il y a les formes de relativisme que nous avons vus… Il y a des signes très graves de l’acceptation des idoles, même au Vatican pendant le synode d’Amazonie, ces signes montrant que ce n’était pas l’Évangile. Notre Seigneur Jésus-Christ n’aurait jamais accepté de vénérer une idole. Les apôtres de la « Terre-Mère » – on les appelait d’un autre nom – ont collaboré, avec toute l’industrie de l’avortement, avec l’industrie des fœtus, et d’une collaboration proche. Donc ce sont seulement ces quelques exemples où nous pouvons voir la confrontation dont parlait déjà le cardinal Wojtyla, mais maintenant nous sommes au milieu même de cette confrontation. En même temps il faut toujours avoir la certitude de la Victoire du Christ, et pour cette raison dans le livre Christus Vincit, le thème principal est toujours la victoire du Christ et de la foi catholique.

Je voudrais revenir sur une de vos expressions, vous avez parlé du « privilège » des catacombes, vous avez parlé du « cadeau » de cette épreuve que traverse l’Église, et j’aurais envie de vous dire, peut-être au nom de ceux qui nous écoutent ce soir : nous sommes tout de même dans la confusion, nous sommes dans l’incompréhension devant ce qui se passe dans une certaine mesure, nous nous sentons dans une certaine mesure responsables de nous battre, mais nous voyons bien que jamais les catholiques dans leur grand nombre n’ont été aussi peu instruits de leur foi. Alors comment est-il possible que cette épreuve nous arrive maintenant, alors qu’il y a une telle impréparation au sein de l’Église, et que devons-nous faire contre cela ?

Cette situation était déjà préparée pendant les décennies, elle n’est pas venue hier. C’est un processus déjà vieux de 50 ans, entre le Concile, où la tendance des responsables de l’Église était plutôt le soin des choses temporelles, corporelles, et pas la primauté des choses éternelles, de la vérité. Et donc il y a eu comme conséquence dans la catéchèse,  la formation des prêtres, dans les séminaires, un défaut fondamental et un manque de la doctrine fondamentale, de la doctrine de la foi. Était promue dans les séminaires, dans le catéchisme, dans les écoles, le dialogue, la mentalité relativiste selon laquelle toutes les religions sont au même niveau et vont ensemble par des chemins divers. Mais c’est faux, c’est contre l’Évangile ! C’est un déni de l’Évangile, si nous disons que toutes les religions sont quasiment au même niveau. Et donc vous avez raison, puisque ces décennies ont eu pour effet de répandre une ignorance très profonde dans les milieux catholiques et chez les prêtres. Mais en même temps nous pouvons constater maintenant la soif des jeunes gens pour la vérité, la clarté, la certitude, ce besoin de notre cœur. C’est un besoin que Dieu nous a donné : la certitude de la vérité, et ce désir de la certitude. Et maintenant nous pouvons observer chez les jeunes gens le désir d’avoir l’intégrité, la plénitude aussi du culte divin, de la Sainte Messe, de la vie et de la doctrine. Pour cette raison, je peux voir un signe d’espoir, même petit, que nous devons encourager et transmettre. Je pense que c’est une tâche fondamentale que d’enseigner  un catéchisme clair, 100 % catholique. Prenez les catéchismes anciens, je vous en prie ; enseignez les enfants, la jeunesse, et même nous, les adultes. Pourquoi ne pas prendre un catéchisme des enfants et répéter les vérités éternelles ? Je considère comme une tâche très importante la transmission de la doctrine de la foi.

Nous sommes en quelque sorte invités, appelés à suppléer aux carences de l’autorité. Dans votre livre vous montrez bien que cette situation n’est pas tout à fait nouvelle. Comment justifier donc de dire que tel évêque, mon évêque, mon curé, enseigne éventuellement des choses fausses, est un admirateur de la Pachamama… Avons-nous le droit, le devoir de réagir, et comment justifier cela dans une société hiérarchique comme l’Église ?

Bien sûr qu’on a ce droit, parce que l’Église n’est pas une dictature. L’Église est une famille, qui est bien hiérarchique. Et le père, la paternité, les enfants, sont spirituels aussi. Et dans une famille il y a aussi le soin pour le bien commun, spirituel de l’église ; ce soin concerne aussi les fidèles, parce que si le berger commence à donner aux brebis des choses mauvaises, elles devraient réclamer qu’on nous donne, s’il vous plaît, les choses vraies, pour notre nourriture. Parce que c’est votre tâche, ce sont les devoirs que Dieu vous a donnés : vous devez nous donner la nourriture divine, pas vos idées nouvelles et idéologiques. Et pour cette raison, je pense que, avec respect, les fidèles ont le devoir d’exiger cela de la hiérarchie ; les fidèles ont le droit d’avoir une doctrine claire, intégrale. Et si le prêtre, l’évêque, ou le pape ne donne pas une doctrine claire, ils devraient dire : nous avons le droit, donnez-nous cela, s’il vous plaît, nous avons faim de la doctrine, nous laisserez-vous sans nourriture, sans pain ? C’est une exigence fondamentale des fidèles. Je répète, avec respect. Cela fait partie de la structure hiérarchique, parce que l’Église n’est pas une organisation humaine, un parti politique, une dictature politique, où tout le monde a peur du chef. Non, nous sommes une famille. Et dans une famille, nous pouvons demander aussi notre droit, avec respect. Il ne s’agit pas d’un contrat ; c’est ce qu’exige la situation exceptionnelle, cette situation où les fidèles devraient faire des admonestations ou en quelque sorte des réclamations à la hiérarchie pour que celle-ci donne une doctrine claire et une liturgie digne.

Cette situation exceptionnelle est rare dans l’histoire de l’Église, mais il y en a déjà eu au IVe siècle avec la crise arienne, et maintenant nous assistons à une situation semblable. Mais cette situation est temporaire seulement. Vous avez aussi le privilège, dans une situation très difficile, de témoigner de votre fidélité, de votre foi baptismale et de la foi de vos ancêtres, la foi des saints que vous connaissez, de témoigner de cette foi  même devant des responsables de la hiérarchie qui ont peut-être perdu partiellement la foi, pour aider, pour rappeler aux bergers qu’il faut retourner à la pureté de la foi. Par conséquent vous faites une grande œuvre méritoire devant Dieu quand vous gardez fidèlement votre foi, même devant cette situation triste, quand une partie de la hiérarchie commence à renier la foi.

Les prochaines étapes dans l’Église, en tout cas ce qui s’organise à Rome, visent toujours plus de synodalité. Cela comprend notamment de donner la parole aux fidèles, ce qui n’est pas sans paradoxe après ce que vous venez de dire. Vous avez dans votre livre des mots très durs pour l’organisation actuelle de l’Église, où les réunions épiscopales, les synodes, se succèdent, très chers souvent car c’est onéreux, et où on aboutit à des déclarations que personne ne lit. Je voudrais vous demander : pensez-vous que nous sommes arrivés à une espèce de volonté de démocratie dans l’Église, mais à l’exclusion de ceux qui veulent la vérité ?

Oui, exactement. L’Église est une démocratie de saints. Donc nous devons consulter les saints qui ont vécu avant nous, les saints Docteurs de l’Église, les saints Pères de l’Église, et laisser parler la voix de l’église de toujours. Le but d’un synode est de fortifier la foi, de clarifier la foi, la discipline de l’église, la sainteté de la vie. C’est la finalité d’un synode. Un bon synode serait celui où le pape inviterait des fidèles de Renaissance catholique, de la Fraternité Saint Pie X, des communautés Ecclesia Dei, des laïcs, pour faire des propositions demandant de retourner à la foi de toujours et à la liturgie et à la vie morale. Ce serait un bon synode. Mais il semble que les communautés et les personnes de votre esprit, celui de Renaissance catholique, n’auront pas de voix dans ce synode. Mais vous avez la voix devant Dieu. C’est mieux. C’est plus efficace. Et vous avez des moyens : votre prière, vos sacrifices et votre apostolat silencieux, là où vous vivez, les prêtres là où ils travaillent. J’ai l’impression que cette méthode de chemin synodal est le moyen pour protestantiser davantage la vie de l’Église, et de rendre l’avis de l’Église plus relativiste, peu clair, c’est-à-dire pour augmenter la confusion, l’état d’incertitude. Nous devons prier que Dieu, que la divine intervention nous aident, que ce synode, qui devrait avoir lieu en 2023, ne se déroule pas, peut-être par une intervention divine, parce que l’Église est dans les mains de Dieu.

Je crois que vous répondez déjà un peu à la question que j’allais vous poser, mais je vous la pose quand même : parfois nous sommes tentés de nous demander comment nous pouvons encore avoir foi en l’Église une, sainte, catholique et apostolique dans la situation actuelle. Je parlais récemment avec une amie qui a souffert par l’Église et qui me disait relire sainte Catherine de Sienne et tout ce qu’elle dit de beau sur l’Église : une et sainte, mais aussi « l’épouse lépreuse du Christ ». Comment concilier cette Église une, sainte, catholique, apostolique, que nous aimons et que nous devons aimer, et ce que nous voyons devant nous ? Quels conseils pratiques donneriez-vous pour conserver et fortifier notre foi ?

L’Église est aussi un mystère. Mysterium : mystère, surnaturel. Et en même temps une société humaine. C’est une organisation spéciale, unique, qui est divine et humaine. Et quelquefois dans ce corps de l’Église le mal augmente même parmi les représentants de la hiérarchie, et le bien est diminué, et la vérité, et la sainteté – comme dans l’Évangile, où Notre Seigneur a parlé de ces champs où il y a le bon grain et l’ivraie. Donc il y a toujours un mélange dans l’Église. Ce mystère du mélange, du mal et du bien, restera jusqu’à la fin du monde. Quelquefois, le mal est plus nombreux, quelquefois moins. Maintenant nous vivons dans une situation où on a l’impression que l’ivraie domine, et que le bon grain est très diminué. Mais il existe, il n’a pas disparu. Il existe, mais diminué. C’est une grande espérance : croire que l’Église restera toujours sainte, apostolique, même dans un nombre diminué. Par exemple, au IVe siècle, lors de la crise arienne, presque tout l’épiscopat de l’Église a accepté la politique de l’hérésie, ou de la semi-hérésie. Seulement un petit nombre des évêques restait fidèle : saint Athanase, saint Hilaire de Poitiers, saint Basile… Imaginez tout l’épiscopat acceptant le politiquement correct, l’hérésie ! Le pape Liber était très faible, et il a même excommunié saint Athanase. Donc il y avait des ténèbres dans l’Église. Mais la foi à triomphé chez les fidèles, chez vous, les fidèles. C’était un miracle. Et les fidèles ont gardé l’Église qui vivait dans les âmes : l’Église Sainte, apostolique, vivait dans les âmes des fidèles et dans les âmes des prêtres et des évêques si peu nombreux. Je pense que la situation est semblable aujourd’hui. L’Église continue d’être sainte, apostolique, catholique, dans toute âme catholique – fidèle, prêtre, évêque – qui garde en fidélité l’intégrité de la foi et de la vie chrétienne.

[…]

Justement, j’allais vous le demander : vous avez parlé de votre demande de clarification au pape à propos du document d’Abou Dhabi, qui prétend que la diversité des religions est une sage volonté de Dieu, vous avez obtenu une réponse qui pouvait être satisfaisante pour dire qu’il s’agissait là d’une volonté permissive de Dieu. Mais cette réponse ne s’est pas étendue à l’ensemble de l’Église et dans l’ensemble les fidèles est face à un pape qui – pas tout le temps mais assez souvent – semble enseigner des choses qui sont totalement contraires à ce que nous croyons. Et ma question est peut-être un peu vive : comment pouvons-nous faire pour continuer à aimer le pape et à obéir à son autorité de vicaire du Christ ?

Nous devons toujours voir le ministère du pape avec les yeux de la foi. Pas avec la sentimentalité. Le pape a la tâche fondamentale de confirmer tous les fidèles et les évêques dans la foi. Et si le pape ne le fait pas, nous devons l’aider, en premier lieu l’évêque, à faire la clarté, avec des paroles respectueuses, et même, nous avons des exemples, par exemple sainte Catherine de Sienne. Elle avait écrit beaucoup de lettres au pape de son temps, pour qu’il retourne d’Avignon à Rome, parce que cette situation était au détriment de l’Église. Une lettre que Sainte-Catherine avait écrite au pape, je pense qu’il s’agissait d’Urbain VI, qui était très problématique. Ce pape, elle l’avait admonesté afin qu’il change son attitude, parce que son comportement était au détriment de l’Église. Elle écrivit : Très Saint-Père, vous êtes le doux Christ en terre, je suis votre aimable et obéissante fille ; mais si vous ne vous convertissez pas, renoncez à la papauté, renoncez à votre tâche. « Votre aimable et obéissante fille »… Elle continuait à aimer le pape, mais elle donnait des admonestations par amour du pape, parce que peut-être, renoncer à la papauté reviendrait pour le Pape a sauver son âme devant Dieu, devant le jugement de Dieu. C’est un geste d’amour du prochain.

Mais malheureusement le temps passant, je pense aux derniers deux siècles, il y a eu jusqu’à aujourd’hui encore, un phénomène que beaucoup de personnes appellent maintenant la papolâtrie, l’adoration du pape quasiment. Considérer le pape comme Dieu, qui jamais ne peut faire une erreur. C’est faux. Cette attitude envers le pape n’a jamais eu cours dans l’Église. Le pape est humain, le pape n’est pas le bon Dieu. Nous devons réformer cela, c’est malsain. Le pape est seulement vicaire, ministre servant, et aussi pécheur. C’est seulement en des occasions spéciales et rares qu’il a le charisme d’infaillibilité. Mais quelquefois, l’histoire nous l’a démontré, le pape a commis des erreurs, de graves erreurs, morales, politiques… rarement doctrinales, grâce à Dieu. Mais c’est la même situation maintenant. Nous pouvons les dire au pape, avec amour, faire des admonestations filiales, fraternelles. Comme évêque, j’ai la tâche d’aider le pape, comme des collègues, comme dans une collégialité. Donc le pape n’est pas un roi. Le pape ne peut dire : l’Église, c’est moi !, comme Louis XIV disait : l’État, c’est moi ! L’Église n’est pas la propriété privée du pape. Il est seulement administrateur, vicaire. Et nous devons aider le Saint-Père, par nos prières, par nos pénitences, nos expiations, et quelquefois des admonestations respectueuses.

Cela ouvre des perspectives, finalement. Mais dans les rapports que je peux avoir avec des lecteurs, je vois qu’il apparaît une tentation sédévacantiste dans la situation actuelle. Et j’aimerais beaucoup que vous nous disiez comment la combattre :  faut-il la combattre ? Comment ? Elle me semble très réelle…

Savez-vous quelle est la racine du sédévacantisme ? C’est exactement la papolâtrie, le fait de diviniser le pape. C’est donc une vision fausse de ces fidèles et prêtres sédévacantistes, selon laquelle le pape est quasiment le bon Dieu, le pape jamais ne peut faire des erreurs, et que donc si un pape a des défauts, comme c’était le cas après le Concile, avec la nouvelle messe, puis à Assise, et maintenant avec le phénomène que nous connaissons, Amoris Laetitia, Pachamama, Abu Dhabi, etc., alors il n’est plus pape, parce que le pape ne peut pas avoir de défauts. Il est le bon Dieu. Si un pape manifeste quelques faiblesses, sérieuses, comme après le Concile, au regard de la liturgie, de la doctrine, ses fidèles disent que maintenant il n’est plus pape : sede vacantia. Et nous devrions attendre que Dieu nous donne de nouveau un pape divin, complètement saint, complètement infaillible. Mais c’est faux ! C’est une vision absolument pas catholique. C’est, je pense, la racine profonde, doctrinale, psychologique, de la pensée de ces fidèles. Et nous devons aider ces fidèles, corriger cette attitude complètement irréaliste qui contredit aussi l’histoire de l’Église. Je pense qu’une autre racine est que ces fidèles sont scandalisés, et rejettent la Croix. Nous devons porter la croix d’un pape difficile, d’un pape qui fait de la confusion. C’est la croix la plus lourde, et nous devons porter cette croix. Je pense que ces fidèles sédévacantistes ne veulent pas porter cette croix, cette souffrance, pour l’Église, de supporter un tel supérieur ecclésiastique comme suprême Pasteur. Donc nous devons avoir une vision surnaturelle.

Nous parlions tout à l’heure, Monseigneur, avant cette réunion, d’un pape qui avait acheté sa charge. J’aimerais que vous donniez cette anecdote parce qu’on parle beaucoup d’une élection du pape François qui serait rendue invalide par diverses circonstances, par certaines lois canoniques. Si vous pouviez raconter cela, je crois que ce serait très éclairant.

Je pense qu’en général il est très salutaire de bien connaître l’histoire de l’Église et l’histoire de la papauté. C’est très important pour notre temps. Par exemple, au XIe siècle, où il y avait encore le phénomène du Saeculum obscurum, le Siècle obscur où la papauté était occupée par des groupes de mafias, immorale, il y a eu des forces pour le renouvellement de l’Église. Hildebrandt, le futur pape Grégoire VII, abbé bénédictin à Rome, était l’âme d’un groupe de cardinaux œuvrant pour une vraie réforme de l’Église, et après sa mort, ces temps ont été appelés la « réforme grégorienne ». Il a vu que le pape était une personne gravement immorale, et qui donnait des scandales publics, insupportables. Il y avait un bon cardinal, et l’abbé Hildebrandt, qui avait entendu que ce pape aimait beaucoup l’argent et était prêt à vendre la papauté pour de l’argent, avait combiné cette chose pour le bien de l’Église, pour écarter ce pape immoral, et avait conseillé à ce cardinal d’acheter le pontificat pour une grande somme d’argent à ce pape corrompu. Et ainsi le Pape a vendu sa papauté à ce bon cardinal, qui est devenu le pape Grégoire VI et a nommé Hildebrandt cardinal, et donc il a pu faire un bon travail de réforme de l’Église. Il était canoniquement invalide, puisque c’était de la simonie. Mais l’Église a toujours considéré ce pape Grégoire VI comme valide, même s’il est devenu pape par simonie, en achetant sa charge.

[…]

Dernière question avant celle des auditeurs : parlez-nous des perce-neige et des saumons.

Oui, j’ai choisi cette fleur, que j’aime beaucoup, parce que ces fleurs perce-neige nous annoncent déjà l’arrivée du printemps, encore au temps de l’hiver, mais déjà elles disent la proximité du printemps. Et le perce-neige perce la neige. Il y a déjà une fleur, mais au milieu de la neige. Et vous, les petits fidèles, les familles catholiques, les enfants catholiques, la jeunesse catholique, les jeunes prêtres – aussi les prêtres âgés ! – vous êtes les perce-neige dans les champs encore couverts de la neige, mais vous annoncez la venue du printemps. En allemand, nous disons « Schneeglöckchen », c’est-à-dire les sonnettes de neige, qui déjà sonnent la venue du printemps. L’autre image est le saumon, le poisson. C’est le poisson des évêques, un symbole épiscopal, parce que le saumon nage contre le courant. Donc la tâche des évêques aujourd’hui est de nager contre le courant. C’est pour cette raison que nous avons besoin de beaucoup de perce-neige et de beaucoup de saumons.

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Questions du public

Les premières concernent Vatican II.
« En ce temps de coupe d’Europe des nations, peut-on dire « Vatican 2 – Église 0 » ? »
Une personne demande : « Si l’Église d’avant Vatican II n’a pas réussi à empêcher le Concile, malgré les avertissements de la Vierge Marie et de l’archange Saint-Michel au pape Léon XIII, quelle église peut-on mettre à la place de Vatican II, la même ? Une autre ? »
Une autre personne nous dit : « Monseigneur, vous avez dit qu’il ne fallait pas un autre concile Vatican II, mais un deuxième concile de Trente, pouvez-vous développer cette idée ? »

Première chose : la providence divine a permis le Concile Vatican II, nous devons accepter ce fait. Même si cet événement historiquement a apporté plus de désavantages à l’ensemble de l’Église, Dieu peut quand même faire d’une chose négative, d’un mal, un bien, un bien encore plus grand. Et nous nous pouvons voir que même pendant les crises après le Concile, et maintenant, Dieu a éveillé, appelé, des figures héroïques, des professions de foi, des témoignages de foi. Et, deuxième chose : il faut un Concile de Trente II, simplement pour la clarté, la nécessité d’établir de nouveau la clarté de la doctrine et de la discipline de l’Église. Je souhaite qu’un jour vienne une sorte de concile de Trente II, pas nécessairement dans la ville de Trente, mais dans l’esprit du concile de Trente.

[…]

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Note de Jeanne Smits : J’ai modifié dans cette retranscription certaines expressions ou tournures mais ai conservé l’essentiel du style « parlé » de l’intervention, au risque parfois de l’incorrection lorsque j’ai estimé que les paroles exactes de Mgr Schneider étaient importantes à connaître.

Une réflexion sur “Mgr Schneider : « Nous sommes aujourd’hui confrontés à l’affrontement final entre l’Église et l’anti-Église »

  • Benoît YZERN

    A un moment donné, il faudra bien une “opération vérité” sur le tiers de siècle au cours duquel deux papes, Jean-Paul II et Benoît XVI, et tout un courant conciliaire conservateur, ont fait illusion, en ce qu’ils ont fait croire qu’ils allaient pouvoir finir par l’emporter, avec le temps et en douceur, sur le courant conciliaire transformateur qui a été en mesure de transformer l’Eglise catholique de fond en comble, dans les années 1960-1970, et qui est à nouveau en mesure de le faire en plénitude, depuis l’élection de François en mars 2013.

    Or, nous sommes ici en présence d’un sujet tabou à l’interieur du sujet tabou, plus vaste, relatif à la vraie nature de la “crise de l’Eglise” : non seulement il n’a presque jamais été dans les intentions de Jean-Paul II et de Benoît XVI de recadrer avec énergie et fermeté les théologiens et les évêques idéologiquement conciliaires, ou consensualistes fraternitaires, mais en outre eux-mêmes ont été plus conciliaires que Paul VI, dans les domaines du dialogue oecuméniste interconfessionnel et du dialogue inclusiviste interreligieux.

    Tant que ce sujet tabou restera en vigueur, bien des catholiques, certes pas sedevacantistes ni même traditionalistes, refuseront d’ouvrir les yeux sur toutes les origines, les composantes et les conséquences de la mutation qui est imposée à l’Eglise et aux fidèles, depuis le début du Concile Vatican II et des années 1960, et persisteront dans l’erreur d’après laquelle il est toujours possible de continuer à cultiver un terrain d’entente avec les clercs immanentistes humanitaires ou inclusivistes périphéristes… à condition, il est vrai, de continuer à avaler couleuvre sur couleuvre, comme en 2019, avec la déclaration d’Abou Dhabi puis avec le synode sur l’Amazonie.

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