Apocalypto, le film qui dérange
Une fois n’est pas coutume, nous nous attelons à la critique d’un film que nous recommandons chaudement aux lecteurs : Apocalypto de Mel Gibson.
Avouons-le, nous étions complétement passé à côté de ce film à sa sortie et jusqu’à aujourd’hui. Il faut dire qu’on ne lui fit pas beaucoup de promotion dans les médias, et pour cause : il montre sans fard, mais sans caricature non plus, une réalité qui dérange les « indigénistes » de tout poil, les relativistes, pour qui « toutes les cultures se valent » et les rousseauistes intégristes, qui veulent voir dans « le bon sauvage » un saint près de la nature, porté dans ses actions par une charité universelle…
Alors saluons ce chef d’œuvre, qui complète tout à fait bien La Passion du Christ, l’autre grand film de Mel Gibson.
Ce film a dû énerver ! En effet, il est réalisé avec brio, son intrigue est prenante et ses acteurs, bien qu’inconnus, jouent merveilleusement bien. Le cadre est quant à lui magnifique, lumineux et verdoyant, c’est une sorte de paradis terrestre (pas si paradisiaque que cela, en fin de compte).
Le film est suffisamment habile pour ne pas parler du tout des conquistadors, puisque l’intrigue se passe juste avant l’arrivée des premiers bateaux. Ainsi, l’œuvre décrit la société précolombienne sans jamais la caricaturer, ni la juger : les « pratiques culturelles » du temps, par exemple, y sont reconstituées le plus fidèlement possible, sans fausse pudeur, ni exagération irréaliste.
La violence présente ici ou là — et unanimement autant qu’hypocritement dénoncée par toute la presse dominante — a en fait toute sa place dans le film. Comme la violence présente dans La Passion du Christ nous empêche de détourner les yeux de la réalité du sacrifice du Roi des rois, les scènes les plus violentes d’Apocalypto ne montrent que la réalité d’un pan important des civilisations païennes. Au fond, ces films sont très peu violents : en particulier La Passion du Christ, qui n’est qu’une ode à l’Amour et une belle représentation de l’œuvre rédemptrice de Notre Seigneur ! La souffrance des martyrs n’est-elle pas bien faible comparée au bonheur que procurent l’amour de Dieu et les récompenses célestes ? Certaines scènes peuvent être dures, mais, au fond, dans tous les blockbusters et films de seconde zone, tout est au moins aussi violent…
Nous avons déjà mentionné ce fait, mais le film possède cette particularité de ne pas jouer sur les caricatures ou les exagérations simplistes, attendues et, il faut le dire, tentantes vue la cruauté de la société sacrificielle maya. C’est tout le contraire : dans ce film, au milieu de l’horreur païenne, certains hommes possèdent une inclination pour le bien et pour le vrai, mitigeant les crimes par des touches plus humaines : après le rapt, les enfants sont ignorés et abandonnés à leur sort (mais pas massacrés), les femmes sont vendues en esclavage (mais pas sacrifiées ; les plus vieilles, qui ne peuvent pas être vendues, sont même libérées, bien que laissées à leur propre sort elles aussi), etc.
Notons encore de nombreuses notes justes d’un point de vue anthropologique : les sacrifiés sont vénérés comme des quasi-divinités (ils ne sont pas haïs : en les sacrifiant, on les « aide » à accomplir un acte nécessaire pour le salut de la société, car « la terre a soif » de sang), la société est parfaitement ordonnée et hiérarchisée, les enfants sont ignorés — beaucoup de civilisations, notamment primitives ou asiatiques, ne considèrent pas les enfants comme de véritables hommes, d’où cette indifférence, et d’où la possibilité de les tuer avant ou après leur naissance —, etc.
Mel Gibson, par son talent, parvient à rendre normale la pensée païenne en nous téléportant dans la jungle mésoaméricaine du début du XVIe siècle. Nous contemplons alors leur société de l’intérieur, et tous les sentiments modernes qu’elle nous inspire sont forcément anachroniques, déplacés, décalés, excessifs. Et pourtant, l’on peut bien tenter de critiquer objectivement la société décrite. Si l’on constate de façon très juste que la connaissance de la forêt et le rapport à la Création tempèrent les pires excès de la superstition, cette société sauvage ne donne pas envie… On se rend compte à quel point elle est totalitaire et dure : vie exclusivement communautaire, rareté des anciens, des malades et des handicapés (laissés à leur sort ou expulsés de la communauté, voire achevés ou poussés au suicide), etc.. La dureté de la vie est patente, et l’on voit comment les soirées au coin du feu et les rites de village, souvent impurs, maintiennent toutefois une certaine « joie »…
Au fond, Mel Gibson réussit l’exploit de faire entrer le spectateur dans les personnages, qu’il peut ainsi comprendre : derrière leur vie quotidienne, la chasse, la gloire militaire, voire les horreurs sacrificielles, ils sont tous plus ou moins perdus. Les horreurs commises ne sont pas faites avec « méchanceté » (pas plus que, aujourd’hui, l’avorteur de base ne sacrifie l’enfant avec cruauté : il le faut bien pour la religion sociale, ou pour n’importe quelle autre raison). Mais toutes ces activités contre-nature produisent leur effet, et pèsent sur les âmes et sur la société toute entière… jusqu’à la destruction de cette société antichristique…
Les contemporains devraient s’inquiéter, car notre société contemporaine va plus loin encore dans l’horreur que ces sociétés païennes : meurtres d’enfants en masse, mépris des anciens, croyances contre-nature, etc. Alors concluons avec la citation de Will Durant qui ouvre le film :
« Une grande civilisation n’est pas conquise par l’extérieur tant qu’elle ne s’est pas détruite de l’intérieur ».
Rémi Martin
Pour Dieu, pour la France, pour le Roi !