Idées

Lettre d’un émigré. L’invendable ou réflexion sur l’esclavagisme

Certains mots, c’est classique, sont si épouvantablement utilisés qu’ils ne veulent plus rien dire et ne désignent plus rien de concret. « Esclave » en fait partie et tous ses compagnons d’esclavage et d’esclavagisme. Ils ne sont plus que des armes de destruction des ennemis désignés par les acharnés absurdes aux propos incohérents, dont certains énergumènes, qui aiment bien jouer les victimes universelles alors même qu’ils agissent comme des bourreaux implacables, pourraient être soulignés à profit par les tenants d’une autre religion, celle de l’évolution, dans un contre-exemple parfait qui tendrait à prouver notre origine simiesque… Ceux qui n’ont aucun humour pourraient vouloir me mettre en prison, au mieux, ou me faire disparaître dans un hôpital de fous, comme cela se fait paraît-il. Non, non, ne vous inquiétez pas Madame – ou peut-être faudrait-il dire Mademoiselle car on vous imagine mal mariée, dans le vrai sens de mariage s’entend – même si l’esclavage était de retour, on n’arriverait pas à vous vendre, encore moins à vous donner, personne ne veut d’une calamité chez soi, quel cadeau !

Il faut revenir un peu à l’histoire des esclaves pour rappeler quelque peu que tout n’est pas aussi simple qu’on veut bien le croire. Il est connu que les sociétés grecques étaient esclavagistes, mais il est de bon temps de vanter la démocratie athénienne, peut-être la société la plus esclavagiste de tous les temps, et dénoncer vertement le commerce triangulaire des esclaves. A ne plus rien comprendre… Aristote – et tous les philosophes de l’Antiquité –  justifiait l’existence de la condition d’esclaves comme une nécessité pour atteindre une réelle liberté : les esclaves et leurs descendants s’étaient retrouvés dans leur condition d’une façon légitime, en ce sens où un jour ils avaient perdu et fait esclaves, et ils avaient peut-être la justice contre eux, les grecs ne faisaient que pousser au bout leur avantage, et ne pardonnaient pas l’ennemi… Et puis, par-dessus tout, les citoyens grecs voulaient se libérer du travail, signe de la condition humaine vile depuis la chute d’Adam. Les esclaves travaillaient à la place des citoyens qui pouvaient se consacrer à être divinement homme.

Cela remet sérieusement en question cette antiquité si appréciée par ailleurs. Ils ont effectivement inventé, peut-être, une raison désacralisé. Ils étaient peut-être déjà dans l’excès de l’hybris qu’ils abhorraient pourtant tant, en croyant qu’ils pouvaient se libérer de leur condition de mortel, et de la charge inexorable du travail. Esclaves ou pas, on n’échappe pas à sa condition de mortel, c’est-à-dire de pécheur, ou de souillé. Et c’est peut-être non plus pas pour rien que Jésus est arrivé peu après, dans un monde déjà par trop désacralisé, dans une religion païenne qui perdait peu à peu son caractère religieux, et se remplissait d’idoles, dans un ordre déjà inversé, entre hommes et dieux, qui fit d’un esclavage de fait, dû aux guerres, une nécessité supputée pour l’harmonie de la société. Cet esclavage ne suppose pas forcément un commerce.

Commerce qui marque lui le commerce des esclaves. Cela ne suffit pourtant pas à condamner les européens comme on veut bien le faire, sans compter même le fait les plaquages indécents d’anachronismes à un siècle qui ne les comprend pas. Il est toujours déplorable de rappeler des évidences, mais parfois cela est nécessaire. Les esclaves ne se trouvaient pas en Europe. Ils existaient déjà en Afrique… Et les nouveaux esclavagistes se trouvaient en Amérique… Dans le royaume de France, impensable. Et surtout c’était un commerce. Il y avait donc des vendeurs, des acheteurs et des intermédiaires. Les européens commerçants des royaumes européens ne furent que des intermédiaires. Cela n’enlève pas le péché de l’acte, mais il ne faut pas en faire plus que ce qu’il est. Dans le trafic de drogue, qui est le plus coupable entre le producteur et le vendeur, l’intermédiaire et l’acheteur ? Tous, cela est sûr, mais la racine se trouve chez le vendeur, qui, s’il n’existait pas, supprime même la possibilité du commerce. Et les vendeurs d’esclaves qui étaient-ils ? Pas des européens, non, des noirs et des maures, les premiers qui se vendaient entre eux, les seconds qui avaient bien continué les habitudes antiques pendant des siècles, et ne se gênent, même aujourd’hui -allez demander aux Peuls Mauritaniens- pour continuer à posséder leurs esclaves.

Il n’y a pas de repentance à avoir, seuls les descendants qui savent peuvent prier pour les âmes des ancêtres qui n’ont pas fait que des choses droites, pour appeler la clémence du Seigneur, mais cela n’est plus ni une affaire des hommes contemporains, ni un prétexte de chantage immonde envers des gens innocents pour des intérêts vils et bas bien honteux.

Que le signe en chef ait le bec cloué avec nabnab, comprend qui peut, et qu’il nous épargne ces jérémiades ; il faut savoir après tout si on croit ou non à la théorie de l’évolution et être cohérent…

Paul de Beaulias

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