Idées

Lettre d’un émigré (1). La fin de la loi – 末法

Il existe dans l’enseignement du Bouddha une succession dans les âges en trois périodes : l’ère de la loi véritable seihô正法, l’ère du simulacre de loi zôhô像法, et l’ère de la fin de la loi mappô 末法. La loi signifie l’enseignement de bouddha, la loi de Bouddha, c’est-à-dire la vérité légitime quelque part. Si l’on se souvient d’ailleurs qu’apparemment le mot « loi » signifie étymologiquement « chose dite », on ne pourra que se gausser de la bizarre et drôlesque oxymore « loi écrite ». Sauf que le tragique étouffe l’humour, puisque cette « loi écrite » tue la loi vraie, c’est-à-dire la loi non écrite, et, par excellence, la loi du Verbe, ou, pour éviter le pléonasme, le Verbe tout court. En un mot la loi divine. Tout le genre humain s’évertue, habituellement, à vivre la loi, et les asiates n’échappent pas à cette nature de l’homme.

Il devient même extrêmement troublant de découvrir dans cet enchainement des âges bouddhiques le déroulé funeste de la déchéance moderne. L’âge de la loi juste voire loi droite désigne une période qui courrait de 500 à 1000 ans, où la loi divine est non seulement respectée mais surtout vécue, incarnée, approfondie. L’âge du simulacre de la loi désigne une ère d’environ un millénaire aussi, ou déjà l’authenticité de la loi divine se perd de vue, ou on ne respecte plus que la forme, les rites et autres, mais sans plus d’âme ni d’essence, ou du moins une essence qui s’amenuise et une âme qui s’assèche. Enfin arrivent les temps de la fin de la loi. Cet âge est marqué par une sorte d’intellectualisme où, si l’on ne cesse de finasser, débattre et raisonner sur la loi divine, on ne pratique plus du tout, la forme même des rites, des entrainements et des méthodes d’éveil, de l’incarnation de la religion dans le monde en somme. L’homme se perd dans les enfers de l’idée reine et de la débauche pratique sur tous les plans et dans tous ses sens.

Comment ne pas penser à l’état de notre monde moderne actuel ? Ou plutôt, il serait plus exact de remarquer la seule invention, certes funeste, de la modernité : elle a ouvert un quatrième âge, celui de la négation de la loi. La distinction entre les âges n’est qu’une pure distinction commode qui ne recouvre pas le réel : dans la réalité tous les âges cohabitent, mais le quatrième est le plus fort dans les pays modernisés.

On pourrait tenter de distinguer le dosage de ces âges parmi les chrétiens. Le troisième pourrait être attribué comme âge prépondérant – mais pas total, heureusement, les justes sont partout, même s’ils sont parfois bien seuls – aux églises réformées, qui croient que la messe ne fait que commémorer, qu’il n’y a donc plus d’incarnation, et que tout se discute, voire une certaine frange bien protestantéisée de soi-disant catholiques. Le deuxième serait plutôt dans l’Eglise catholique actuelle progressiste ou celle de la tradition désincarnée.  Et la première, où elle peut… C’est-à-dire au minimum dans un environnement où les formes sont justes, requis préalable pour retrouver le chemin vers l’essence divine.

On pourrait aussi voir une analogie troublante avec les derniers siècles de l’histoire française. Des « Lumières » qui sont dans la fin de la loi, réduisant Dieu à une idée, qui les gène déjà, sans pratique, à part celle de la débauche morale au mieux et le plus souvent. L’ordre à la Napoléon, lui, instaure un deuxième âge de simulacre de loi. Cet « ordre » sans âme oublie l’essence et encourage d’ailleurs l’avènement funeste de l’âge où nous sommes, celle de la négation du divin, la négation de l’ordre. Elle a le défaut terrible d’entrainer des gens, qui sinon auraient bien naturellement marché sur la voie divine, vers les affres de la négation de Dieu.

La restauration passe par la restauration de la loi incarnée divine, la loi du Verbe, qui n’a bien entendu rien à voir avec ce que le vulgaire du siècle entend par « loi ». La restauration passe ainsi tout naturellement vers la légitimité, seul moyen de retrouve le Verbe.

Paul de Beaulias

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