Editoriaux

L’extension du paupérisme

Chers amis,

Pendant que nos journalistes et nos leaders politiques n’ont que les affaires de M. Fillon en tête, les sujets majeurs sont laissés de côté.

Je ne vous entretiendrai pas des déboires d’un homme que par ailleurs j’estime, ni de la manière dont certains de ses opposants les utilisent à leurs propres fins. Il y a, dans tous les camps, trop de personnes dont je sais qu’elles pourraient utilement servir notre pays pour que l’utilisation de leurs talents à de si mauvaises fins ne m’affecte pas.

Non ! Je vous entretiendrai d’un sujet qui nous tient tous plus à l’esprit et dont les rappels fréquents nous sont autant de flèches au cœur.

La paupérisation, c’est un fait que l’INSEE évoque à longueur d’enquêtes, ne cesse de progresser dans les classes moyennes de France, presque à tous les niveaux de revenus et dans toutes les provinces, sans qu’aucune tentative de remède sérieux ne soit apportée. On parlait de nouveaux pauvres au début des années 1980, pour décrire l’apparition de ces personnes disposant d’un emploi à plein temps et subissant la précarisation. Près de quarante ans ont passé sans que la situation se soit améliorée. Bien au contraire.

Les journaux évoquent aisément la paupérisation de groupes déjà fragilisés, comme les mères célibataires, ou les retraitées veuves.

Je souhaite attirer votre attention sur des situations plus inattendues, de groupes habituellement plus favorisés et que la précarisation commence à frapper doucement, preuve de la progression du mal en France.

Deux exemples me viennent en tête, ils parleront mieux que les longs théorèmes.

J’étais, la semaine passée, dans la file d’attente d’un bureau de tabac de l’avenue du Général de Gaulle, à Neuilly-sur-Seine, commune peu connue pour ses classes populaires, lorsqu’une dame, devant moi, demanda, « quatre Marlboro lights ». Quelle ne fut pas ma surprise lorsque le patron du Tabac lui donna quatre cigarettes de la marque demandée. Je m’imaginais qu’il allait lui donner quatre paquets. Stupéfait, je demandais à la personne devant moi : « Mais, vous n’allez pas laisser le buraliste vous vendre ces quatre cigarettes à l’unité, comme ça ? » J’étais bien naïf… Cette dame me répondit simplement : « Monsieur, je n’ai plus les moyens d’acheter un paquet de cigarettes en entier, alors je prends quatre cigarettes à la fois. Ça me fait ma journée au minimum et je tiens mon budget en étant certaine de ne pas fumer plus que ce quota, ce qui m’obligerait à acheter un nouveau paquet plus tôt que prévu. » Ma sidération fut totale.

L’autre exemple qui me court dans l’esprit est celui des nombreuses personnes qui, autour de moi, recourent à Airbnb pour louer une chambre dans leur appartement, une studette sous les combles ou leur appartement à la montagne ou au bord de la mer. Nous sommes là face à une population privilégiée en apparence, puisque propriétaire d’un logement assez spacieux pour accueillir un habitant occasionnel supplémentaire ; voire disposant de deux logements avec la résidence secondaire. Pourtant, ces personnes ne louent pas de gaîté de cœur, mais la mort dans l’âme, afin de couvrir les charges d’entretien ou les taxes pesant sur leurs logements, que leurs revenus ne parviennent plus à couvrir. Dans d’autres cas, c’est l’indispensable complément de revenu de la personne retraitée dont la pension ne couvre plus l’augmentation du coût de la vie.

A ces cas personnels s’en ajoutent maints et maints autres, vus dans la presse, entendus autour de moi et qui me font penser que oui, loin de s’éteindre, le paupérisme est en marche dans notre terre de France. Il avance à pas de géants, frappant des groupes sociaux qu’il avait jusqu’à présent relativement épargnés.

Oh ! Certes, il n’y a pas de quoi pleurer. Nous n’en sommes pas au niveau de ces malheureux qui dorment dans leur voiture, faute de pouvoir se loger, malgré le salaire que leur fournit leur travail à plein temps. Là, nous touchons une profonde misère.

Mais il y a cependant de quoi s’inquiéter, et ce d’autant plus que nos candidats à l’élection présidentielle demeurent étrangement muets sur ce sujet.

Alors oui, élevons le débat ! Tournons-nous vers des sujets majeurs, et celui-ci en est un. Interpellons nos candidats à ce propos et méprisons leurs sorties vulgaires sur l’emploi, réel ou fictif, de Mme Fillon.

 

Charles

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