Littérature / Cinéma

Pierre Arditi enflamme la pensée de Mauriac !

Le 5 juillet dernier s’est tenu le rendez-vous incontournable pour tous les amoureux de littérature : depuis trois ans, le domaine de Malagar (Gironde), ancienne résidence d’été de François Mauriac, abrite  “La Nuit de la Lecture”. Une nuit de “folie” des mots, de la pensée, de l’un des plus grands écrivains de notre temps.

Lieu d’inspiration privilégié, le Domaine de Malagar fut une source d’inspiration inépuisable pour l’écrivain, qui l’évoque dans plusieurs ouvrages, dont les célèbres “Bloc-Notes”.
Pour partager cette lecture exceptionnelle, il fallait deux comédiens à la hauteur d’un tel projet. Evelyne Bouix et Pierre Arditi ont parfaitement exprimé tout le génie de François Mauriac dans “cette inébranlable attachement à la vérité“.

Les organisateurs de cette “Nuit de la Lecture” ont un grand mérite, et une vision à long terme, Mauriac est un écrivain incontournable et d’une actualité brûlante. Remercions au passage le travail colossal de Caroline Casseville, conseillère littéraire, pour sélectionner avec intelligence les passages de lecture parmi son oeuvre monumentale et si diverse.

On sait l’attachement de Mauriac pour la nature, se promener dans le parc, c’est prolonger l’esprit des lieux, ainsi, Pierre Arditi et Evelyne Bouix lisent le grand écrivain au verger, au potager et sous le grand tilleul dans la cour de la maison. De grands moments d’émotion, une inspiration sans limite, Mauriac est bien là dans la bouche de ces comédiens. Pierre Arditi le dit d’ailleurs si bien : “Je suis plus intéressé par jouer des personnages qui me ressemblent“. Dans ces fameux “Blocs-Notes”, le comédien est à l’aise, puisque la quête ultime de Mauriac est la soif d’un bonheur jamais atteint, toujours à découvrir. L’auteur le dit si bien : “Je compte sur cet ouvrage, qui n’est pas seulement l’histoire vue à travers un tempérament, mais qui se confond avec ma vie la plus personnelle. Cela constitue une expérience singulière que je crois être le seul à avoir tentée“.

Ces bloc-notes, ce sont des émotions et des pensées quotidiennes suscitées par l’actualité : “Je conçois le journalisme comme une sorte de journal à demi intime“, écrit Mauriac au début de son journal, un peu comme une transposition, à l’usage des lecteurs. Toujours fidèle à son engagement face aux bouleversements de son temps.

Avec “Le Drôle”, conte publié en 1933, F. Mauriac met en scène les tribulations d’un jeune écolier, Ernest Roumazilhe, avec son institutrice, mademoiselle Thibaud, interprétée par Evelyne Bouix, extraordinaire de réalisme.

Toute sa vie, F. Mauriac n’aura de cesse, avec une sincérité admirable, de peindre l’homme avec ses passions, d’exprimer le pathétique de la condition humaine, l’angoisse douloureuse du chrétien torturé par le choix difficile entre Dieu et le monde, entre la chair et l’esprit… “L’Art de vivre consiste à sacrifier une passion basse à une passion plus haute“.
Son oeuvre est bien celle d’un catholique déchiré entre ses considérations religieuses et ses envies instinctives d’homme. Il a le courage toute sa vie de l’affirmer, voilà un trait important de son génie.

Dans la “Conférence sur le Théâtre” Pierre Arditi est dans son élément. Comme dirait l’auteur : “Magnifique et dangereux métier de l’acteur qui consiste à se perdre, puis à se retrouver“.

Puis les deux comédiens enchaînent avec un extrait de l’oeuvre intitulée “Les Mal-Aimés”. M. De  Virelade est un père dévorant qui exige pour lui seul la vie de sa Fille Elisabeth, dont il sacrifie le bonheur avec une cruauté presque sadique. En effet, Elisabeth, après avoir accepté de se laisser enlever par Alain, qui a épousé sa soeur, n’a pas la force de fuir : elle reprendra son esclavage auprès de son père. Cette pièce écrite dés 1939, fut jouée à la Comédie Française en 1945.
Que dire à propos d’Evelyne Bouix et de Pierre Arditi ? Deux caractères bien trempés, transparents jusqu’au moindre détail, un théâtre psychologique à leur mesure.

Environ 700 personnes assistaient à cette troisième “Nuit de la lecture”. Mauriac devait se réjouir, lui qui affirmait : “La littérature est là pour montrer ce qui est”.
 
Eric Muth
 

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