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Histoire à l’école : ce qu’en pense un lycéen

L’article ci-dessous a été publié par Le Figaro le 01/11/2012. Il a été écrit par Jean-Baptiste Lucq, élève en terminale L au lycée Saint Jacques de Compostelle de Dax. Ce lycéen de 16 ans passionné d’histoire témoigne de la façon dont est aujourd’hui enseignée cette matière à l’école. Dans un prochain article, nous nous pencherons sur les causes d’une telle situation. En attendant, donnons-lui la parole.

Georges TARTARET

 

L’histoire à l’école fait débat. Historiens, penseurs de renom et politiques se sont exprimés sur le sujet, mais jamais les principales victimes. Aujourd’hui, simple représentant d’une jeunesse désenchantée, je considère que la bêtise de son enseignement est idéologique. Notre histoire subit une épuration scandaleuse et inacceptable. Exemple : Napoléon. Le perdant qui a su sublimer son histoire pour devenir un mythe victorieux, le fondateur de la France moderne, l’homme du Code Civil, de la Banque de France, de la Légion d’Honneur, des préfets, de la Cour des comptes, la légende qui marqua la littérature du XIXème siècle et dont les récits des exploits formèrent le livre de chevet du jeune Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir, le génie militaire qui remporta presque toutes ses « 40 batailles rangées », n’est réduit qu’au rôle de simple tyran esclavagiste et sanguinaire ne représentant qu’une partie optionnelle de nos programmes. L’hécatombe est immense : Louis XIV, Clovis, Louis IX, François 1er, Jeanne d’Arc, Charles Martel, Richelieu et bien d’autres voient leurs têtes tomber sous le couperet de la sacro-sainte pensée unique.

Mais si les personnages souffrent, que dire des événements ? Tandis qu’on s’étend sur les empires africains, on oublie le Moyen Age et le génocide vendéen. Mais la plus grande victime reste la guerre. Elle n’est enseignée que de notre point de vue moderne, pacifiste et antimilitariste, sous l’angle de la violence, de la déshumanisation, des massacres de civils et des génocides. Pour la Première Guerre, on évoque succinctement Verdun. Les maréchaux passent à la trappe, ainsi que la Marne, la Somme et le Chemin des Dames. Quant à la Seconde Guerre, hormis Stalingrad, adieu la Blitzkrieg, la bataille de Moscou, El-Alamein, Bir Hakeim, Koursk, la bataille de Normandie, la bataille des Ardennes, Okinawa, l’Afrikakorps ou la bataille de Berlin !

Dans un pays en pleine crise identitaire, il est criminel de couper un peuple de son histoire. Les évènements ne sont plus remis dans leur contexte. L’histoire se résume ainsi à une autocensure ciblant les erreurs que la France a pu commettre envers certaines minorités, mises en avant par le politiquement correct.

Or, pour que cette matière soit attractive, il faut la rendre vivante. Par ailleurs, les méthodes de travail de l’historien ne peuvent être adaptées à notre jeunesse. Quand l’historien doit penser, l’élève, lui, doit connaître. Grosse différence ! En ce moment, dans mon lycée, nous étudions les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France. On demande à des élèves qui, pour la plupart, n’ont pas acquis les fondamentaux de la guerre, d’étudier et d’analyser les mémoires (notion complexe) des différents courants de pensée et partis politiques d’après-guerre. C’est comme demander à un maçon de faire une maison sans briques ni ciment !

Il est fait quasiment abstraction de la chronologie qui est la base de l‘histoire et de sa compréhension. L’histoire est une chaîne dans laquelle chacun des maillons est lié. Sans causes, pas de conséquences ; sans Révolution, pas de Napoléon ; sans Napoléon, pas de Restauration, ni de 1830 ou de Louis-Philippe et donc pas de 1848, ni de IIème République, de second Empire, de Sedan, de IIIème République, de 14-18, etc. Est-il possible de comprendre un roman en sautant les chapitres ? C’est justement ce Grand Roman national qu’il faut ressusciter. Revenons à Malet, à Isaac et à Bainville. C’est la meilleure façon de connaître et de faire aimer l’histoire. L’un des plus beaux exemples du succès de l’ « histoire-roman », c’est Max Gallo et ses livres qui nous l’offrent. Parce qu’il nous met au plus près des personnages, nous raconte une histoire fascinante, de César à la Seconde Guerre mondiale en passant par de Gaulle.

Cessons de vilipender notre histoire. Ne rouvrons pas les vieilles blessures. Voyons-y plutôt une chance. Notre héritage historique est-il à ce point lourd qu’il faille en occulter certaines pages ? Que dire alors du passé de l’Allemagne ou de la Russie ? Leur histoire n’est-elle pas plus tragique que la nôtre ? Oui, mais les petits Allemands et les petits Russes apprennent leur histoire telle quelle, car même si elle n’est guère plaisante, elle est constitutive de leur identité. Notre histoire doit être un important levier de cette unité dont notre peuple désorienté a besoin. Au lieu de répondre aux débats actuels par le matraquage de notre passé, servons-nous de celui-ci, et des personnages qui l’ont bâti, comme d’un exemple. Napoléon ne pourrait-il pas être un modèle pour les jeunes de nos banlieues, qui ne se sentent pas français ?
Il faut raconter notre histoire avec fierté et amour. Ce roman doit être facteur d’assimilation et non de division. Ernest Lavisse avait très bien résumé les choses sur la couverture de son fameux manuel : « Enfant, tu dois aimer la France parce que la Nature l’a faite belle et parce que son historie l’a faite grande. »

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