Social et économie

Métiers, emplois, voies de garage et sans issue (3/3)

Fermons la parenthèse et retour au choc.

Forts de leur expérience, deux ex grands patrons, J.L Beffa (St Gobain) et L. Schweitzer (Renault) estiment que le principal handicap n’est pas le coût du travail mais le manque de flexibilité qui permettrait d’ajuster en permanence les effectifs en fonction du carnet de commandes ; le remède serait de lever les contraintes administratives qui limitent le recours aux contrats à durée déterminée (CDD). En dépit de la sympathie de l’ancien PDG de Renault envers le PS, cette proposition ne convient pas à J.M. Ayrault qui envisage d’augmenter la cotisation assurance chômage appliquée aux emplois précaires (CDD et intérim) car « le contrat à durée indéterminée doit devenir la règle ». Toute la différence entre un entrepreneur et un élu qui n’a jamais géré une entreprise tient dans cette divergence.

Pour le Medef, la réduction des charges sociales est la clé de la convergence des conditions de concurrence entre les entreprises des pays membres de l’UE.

Au vu de ces chiffres et sachant le poids de l’Espagne, de la Pologne, de la Slovaquie et de la Roumanie dans le secteur automobile (constructeurs et équipementiers), il y a lieu de se demander où se trouve le point de convergence !

Quelle que soit la méthode, le but est de relancer l’activité industrielle par la reconquête de parts de marché à l’export grâce à des produits innovants afin que les entreprises :

–        augmentent le taux d’utilisation de leurs capacités de production, 79% sur le 1er semestre 2012 contre 85,5% en 2005 ; regagner les 8,2% perdus permettrait une augmentation à peu près équivalente des effectifs actuels, soit 8,2% de 3,423 millions (cf. tableau I) : 280 000 nouveaux postes,

–        restaurent leur taux de marge, 21% en moyenne 2011 contre 32% en 2000, afin de pouvoir financer en priorité des investissements créateurs d’emplois, mais pas le budget de l’État sous l’effet d’une pression fiscale accrue.

Reste une réalité joyeusement passée sous silence par les pouvoirs publics. D’abord le poids du temps ; l’innovation est un processus qui peut être long tout comme est long le temps qui sépare l’installation de nouvelles capacités de production des premières embauches. Sous la pression de G. Schröder, l’Allemagne a mis 10 ans pour réduire son taux de chômage d’environ 3 points, pour que son régime de protection social devienne excédentaire de 29 milliards € en 2011 (année où le déficit de la Sécu était de 17,4 milliards €) malgré des taux de cotisations sociales inférieurs aux nôtres (50 à 52% pour un salaire mensuel brut inférieur à 3700€ puis dégressif jusqu’à 37% pour 6000€ bruts/mois, contre 64% en France au-delà de 2200€ bruts/mois).

Ensuite le poids de la mondialisation. Il n’y a pas si longtemps les experts de l’Organisation Mondiale du Commerce souriaient béatement à l’idée que la croissance économique des grands pays émergents ferait d’eux les clients des exportateurs occidentaux.

L’Inde est confrontée à une baisse de croissance, idem pour la Chine qui recentre ses efforts sur la consommation intérieure…de produits « made in china ».

Autre « détail » à ne pas oublier, les États-Unis où le Boston Consulting Group, cabinet indépendant spécialisé dans la prospective économique vient de publier un rapport explosif : en prenant comme base 100 le coût du travail aux USA, celui des grands pays industrialisés est de 108 pour l’Angleterre, de 115 pour la France et l’Allemagne, de 121 pour le Japon, de 123 pour l’Italie et de 93 pour la Chine. Grâce à l’amélioration de sa productivité, de la baisse du coût du travail et de l’énergie, l’Amérique devrait accroître ses exportations de 80 à 130 milliards $ d’ici 2020….et faire chuter celles de l’UE d’autant. La réalité est que dans le contexte mondialiste le choc de compétitivité est mondial.

Une erreur dans l’énoncé du problème.

Du duo à l’orchestre, pas vraiment philarmonique.

  • 1945 – À Yalta Staline, Churchill et Roosevelt partagent le monde. Les 51 pays membres fondateurs de l’ONU tiennent leur première session.
  • 1947 – Le plan Marshall arrime l’Europe aux États-Unis ; l’Ouest et l’Est entonnent le chant de marche de la guerre froide.
  • 1955 – Naissance du Tiers Monde : sous l’impulsion de Nehru, les pays non alignés cherchent leur identité entre Ouest et Est.
  • 1956 – L’ONU compte 80 membres.
  • 1961 – Après le « grand bond en avant » de Mao Zedong, les premiers pas de l’industrie chinoise.
  • 1966 – Fin de la décolonisation, l’ONU compte 126 membres.
  • 1991 – Implosion de l’URSS ; un an plus tard l’ONU comptera 184 membres.
  • 1995 – Fin de la dislocation de la Yougoslavie.
  • 2011 – Le Monténégro devient le 193ème État membre de l’ONU et la Russie le 151ème de l’Organisation Mondiale du Commerce.

Le duo Est Ouest s’est effacé devant l’orchestre des pays du Nord et ceux du Sud ; dans ce monde émietté qui rêve d’être unipolaire, qui dirige la symphonie ?

La démission des politiques.

 

En Europe le modèle des 30 glorieuses donna des signes de fatigue après le choc pétrolier de 1973 avant de s’éteindre après celui de 1979. Il fallut passer à autre chose, vénérer une nouvelle idole qui prit le nom de Communauté Européenne. En 1986 l’Acte Unique européen fondait le grand marché intérieur et en 1992 le Traité de Maastricht annonçait l’euro en germe.

Comme toutes ses consœurs, l’idole Europe fut un écran qui masqua le réel de sorte que tout naturellement les politiques abdiquèrent en faveur des technocrates, hauts fonctionnaires qui font prévaloir les considérations techniques ou économiques sur les facteurs humains.

Dans un tel système on ne laboure pas la terre, on ne forge pas le fer, on manipule des chiffres, des ratios, des taux ; ceux de la dette et du déficit en % du PIB, des CDS, des intérêts d’emprunts à 2,5 ou 10 ans, du chômage, de la TVA, des prélèvements obligatoires, de base bancaire…

Ces données, plus ou moins corrigées des variations saisonnières (mais y a-t-il encore des saisons) sont introduites dans les ordinateurs qui obéissent aux logiciels conçus par la technocratie pour calculer le roi des taux, la prévision de croissance (durable, cela va de soi, jusqu’en… ? Et après ?) à partir de laquelle d’autres ordinateurs prévoient l’évolution du chômage.

Le phénomène est mondial avec ceci de particulier dans l’Union européenne où le taux de croissance varie selon qu’il résulte d’un calcul national ou de celui de la Commission de Bruxelles. Ce détail a le mérite d’alimenter le débat des politiciens qui contestent la validité des données et la rigueur des logiciels.

Enfin le formidable essor des échanges internationaux a eu pour effet de rendre les économies nationales dépendantes les unes des autres et de mettre en circulation de volumes monétaires d’autant plus considérables qu’ils ont été amplifiés par les super technocrates de l’économie virtuelle.

Eh bien ça ne fonctionne pas !

Parce que le système économique ne maitrise pas la conséquence de 2 phénomènes concomitants :

  • le basculement de l’essor économique du Nord vers le Sud,
  • une démographie galopante au Sud et boiteuse au Nord.

Le premier est source de chômage au Nord et le second est à l’origine de la colossale quantité de main d’œuvre disponible au Sud ; et même immédiatement disponible car la production de masse fait appel à des opérateurs peu formés, conséquence d’une technologie toujours plus « intelligente ».

En bref, à l’heure où la pression s’accentue sur des ressources naturelles limitées, la main d’œuvre devient illimitée, flexible et jetable.

Le monde entier est à l’image de l’Allemagne, de l’Angleterre et de la France au début de la Révolution industrielle du XIVème siècle ; et pire encore car à supposer qu’il soit possible de concevoir un système de protection sociale qui permette de subvenir à la fois aux besoins matériels des sans-emplois et à ceux des retraités, comment remédier au mal de vivre des premiers, les inutiles de la société ?

Faute d’avoir trouvé la potion magique, un prix Nobel d’économie écrivait « quand les valeurs universelles d’équité sont sacrifiées sur l’autel de la cupidité de quelques-uns, malgré les assertions rhétoriques clamant le contraire, le sentiment d’injustice se mue en sentiment de trahison »…et les trahisons conduisent toujours  aux révoltes.

Dans les vieux pays industrialisés la croissance de la pauvreté n’est plus à démontrer et si l’Evangile dit « qu’il y aura toujours des pauvres parmi nous » il n’est pas écrit qu’ils doivent être de plus en plus nombreux.

Dans ces mêmes pays « la cupidité légalisée » autorise l’argent à régner en despote sur de nouveaux serfs, les producteurs-consommateurs, citoyens d’une société étrange et triste, sans ancêtres ni enfants, gavés de distractions, repus jusqu’à être noyés sous une perpétuelle averse d’informations sans cesse remises en cause, aigris de désirs inassouvis quand ils se comparent à ceux qui consomment plus qu’eux.

Au secours, on a oublié les hommes !

Hasard du calendrier, l’annonce de la commercialisation de l’iPhone V d’Apple a coïncidé avec l’offense faite au Prophète dans le court métrage « Innocence of Muslims ». Les adorateurs de la technologie entrèrent en transe pendant que les adorateurs d’un dieu manifestaient. Les uns et les autres sont des hommes.

La faute (programmée ?) du super ordinateur mondialiste est d’affirmer la vérité de ses résultats en ayant oublié ce pluriel. Oublié le pluriel des cultures, des coutumes, du poids de l’Histoire des sols qui portent les hommes, des climats…Oublié le regard que, depuis la nuit des temps, toutes les civilisations sans exception, ont porté sur les divinités du ciel : qu’elles soient fausses ne change rien à l’affaire, le fait incontestable demeure « la nature immuable et transcendante de l’être humain », qui « ne se nourrit pas seulement de pain mais aussi de la parole de Dieu ».

Autrement, et moins bien dit, il n’est de vie humaine qui ne soit pas matérielle et pas d’être humain sans vie spirituelle  ; en cela, l’art de la Politique consiste à conduire les peuples sans que la première s’oppose à la seconde.

La grande œuvre des Capétiens est d’avoir simultanément cherché (et souvent réussi en dépit de bien des conflits) à procurer le pain et défendre l’Église et son message « cherchez d’abord le royaume de Dieu et le reste vous sera donné de surcroît ».

Dépositaires de cet héritage les royalistes n’ont pas le droit de se coucher devant ceux qui font prévaloir les considérations technico-économiques sur les facteurs humains.

Pas le droit de ne pas reprendre le combat des royalistes catholiques sociaux contre les excès de la Révolution industrielle.

Pas le droit de souscrire à l’utopie de ceux qui, sans modifier le processus économique, imaginent que, dans un monde où toujours plus d’individus produisent avec des moyens de plus en plus performants, il sera possible de vaincre le chômage en augmentant infiniment la consommation.

Pas le droit de laisser des politiciens incapables de percevoir la réalité de leur propre pays s’arroger le droit de gérer la planète.

Pas le droit de rester passifs devant la mise à mort de la Civilisation chrétienne au profit de l’étrange et triste société qui a le toupet de se présenter comme le meilleur des mondes.

Pas le droit d’accepter ces traités, ces accords de libre-échange, ces partenariats stratégiques et tous ces organismes internationaux qui enferment la vie des peuples dans un gigantesque, unique et complexe règlement planétaire si éloigné de la suffisante simplicité des Dix plus un Commandements. 

Pierre Jeanthon

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