Social et économie

Métiers, emplois, voies de garage et sans issue (1/3)

Avant-propos.

Ils avaient 20 ans en 68, la cinquantaine au début du siècle, le bel âge pour accéder aux postes clés de la société.

À l’époque le mot d’ordre n’était pas « du travail pour tous, interdiction de licencier, halte aux délocalisations ». Non, l’important, face aux « CRS-SS » était d’ôter les pavés sous lesquels se trouvait la plage…sable, sea, sex and sun, pour le travail on verra plus tard. Et de fait 45 ans plus tard on a vu, pas de travail, adieu la plage !

 

Des 30 glorieuses aux 40 cancéreuses.

1968, à peine plus de 600 000 chômeurs tout juste assez pour lancer « une manif sur le Boul’Mich », puis 689 000 au 1er trimestre 1975, acte I d’une tragédie sociale qui s’écrit en quelques chiffres : 2 millions de sans-emploi début 1991, puis 2,704 au milieu 1999, retour à 2 millions sur le 1er semestre 2008, date à partir de laquelle ce chiffre ne cessa plus de croître. En juillet 2012 la France comptait 2,987 millions de personnes sans aucun travail (catégorie A) et 4,454 millions ayant travaillé moins de 72 heures sur le mois (catégorie A,B,C).

Malheureusement tous les signaux qui permettraient d’entrevoir un retournement de tendance sont dans le rouge :

  • accélération du phénomène : 234 000 emplois détruits en un an dont 41 300 sur le seul mois de juillet,
  • repli de l’emploi intérimaire, considéré comme un indicateur de conjoncture avancé : 733 600 en février 2008 (mois où le nombre de chômeurs redescendait vers 2 millions), 477 900 en mars 2009 (cœur de la crise), 644 000 début 2011 (conséquence de la mini reprise du second semestre 2010) puis rechute quasi constante jusqu’à 605 200 en juin 2012,
  • baisse du nombre d’heures supplémentaires : dès avant la suppression de la défiscalisation de ces heures par J.M. Ayrault pressé de détricoter le « travailler plus pour gagner plus » du gouvernement précédent, pour la première fois depuis début 2010 le nombre de ces heures commença de baisser en février dernier,
  • encadrement : selon la dernière enquête semestrielle de l’Apec (Association pour l’emploi des cadres) le volume annuel des recrutements avoisinerait 180 000 cette année contre 181 300 en 2011 et stagnera à 177 000 sur les 4 ans à venir,
  • recul des contrats de formation en alternance (apprentissage et professionnalisation) : 113 313 sur le 1er semestre 2011 2011 contre 106 446 sur la même période 2012, ce qui signifie que, par manque  d’activité, moins d’entreprises souhaitent bénéficier du zéro charges sociales sur ces contrats,
  • investissements révisés à la baisse : après un léger mieux en début d’année les projets d’investissement des entreprises industrielles retombent à un niveau inférieur à celui des années 2005-2008.

 

Et pourtant on embauche !

Du moins on tente : l’enquête « Besoins en main d’œuvre 2012 » réalisée par Pôle emploi et le Crédoc auprès de 1,7 million d’employeurs révèle que leurs prévisions d’embauches sur l’année en cours se montent à 1,6 million de postes à peu près également répartis entre CDI et CDD supérieurs à 6 mois.

Les profils recherchés :

  • vendeurs (commerce de détail), tourisme (hôtellerie, restauration), services (entretien…….39%
  • infirmiers, aides-soignants, aide à la personne………………………………………………………………………13%
  • cadres (informaticiens, ingénieurs R & D), technico-commerciaux………………………………………..13%
  • personnel administratif (secrétaires bureautiques et médicales)………………………………………….11%
  • divers (ouvriers agricoles, agents de sécurité…)……………………………………………………………………. 18%

Plus de 60% des employeurs signalent qu’il est très difficile de recruter des aides à domicile, des informaticiens et des cuisiniers ; dans 8 cas sur 10 les candidats sont peu motivés ou insuffisamment formés et dans 7 cas sur 10 il y a pénurie de postulants.

Cette enquête prouve l’importance croissante du tertiaire dans l’économie française, phénomène confirmé par la répartition de la population employée dans les différentes branches d’activité.

 

La population active.

Elle comprend les personnes exerçant un emploi et celles inscrites comme demandeuses d’emploi ; sous les effets conjugués de l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail, de la démographie, de l’immigration et de l’allongement de la durée de vie active (réforme des retraites) cette population est passée de 23 millions en 1975 à presque 29 fin 2011.

Le tableau ci-dessous établi en recoupant les statistiques disponibles auprès du ministère du Travail, de l’Insee et de Pôle emploi, donne à ±1% un aperçu significatif de l’emploi en France à fin 2011.

  • personnes exerçant un emploi, salarié et non salarié (1)……….26, 272 millions
  •          ”         inscrites au chômage (2)………………………………………. 2,701     ”
  • population active (1+2)…………………………………………………………….28,973    ”

Tableau de répartition des personnes exerçant un emploi par secteur d’activité (en millions)

Secteur

Salariés

Non-salariés (1)

Total

A – Agriculture

0,221

0,420

0,641

B – Industrie

3,297

0,126

3,423

C – Construction, B.T.P.

1,451

0,278

1,729

D – Tertiaire marchand (2)

11,294

1,148

12,442

E – Tertiaire non marchand (3)

7,627

0,410

8,037

 

 

Total

       26,272

 
(1)   Travailleurs indépendants…
(2)    Services vendus (transporteurs, assureurs, professions libérales….)
(3)    Services non vendus (fonction publique, services sociaux, associations…)

En schématisant à l’extrême :

  • les 5,8 millions d’actifs des secteurs A,B et C produisent des biens matériels vendus sur les marchés intérieur (consommation des ménages) et extérieur.
  • les 12,4 millions d’actifs du secteur D vendent des services :
      1. aux entreprises des secteurs A,B et C ; sachant que ce poste représente 75% du chiffre d’affaire du tertiaire marchand, on pose l’hypothèse qu’il emploie 75% des effectifs soit 9,3 millions de personnes
      2. aux particuliers.

En résumé, la production des richesses nationales est assurée par :

  • secteur A,B,C……….= 5,8 millions d’actifs
  •    ”         D……………= 9,3     ”              ”

Total………. =15,1    ”, soit 52% de la population active.

 

Apprendre avant d’être actif.

Telle est le rôle économique de la mission confiée à l’Éducation Nationale, premier employeur du pays avec 953 400 salariés (selon projet de loi des finances 2012) et premier budget de l’État, 61 milliards € dont 57 sont absorbés par les dépenses de personnel.

Selon une tradition bien ancrée la rentrée du 4 septembre (6,716 millions d’élèves dans le premier degré et 5,409 dans le second) est source de conflit entre ceux qui estiment que les moyens humains et financiers du « mammouth » sont conformes à sa mission et ceux qui les jugent insuffisants.

Accentuée par le changement de majorité consécutif aux dernières élections, la polémique a le mérite de mettre en relief quelques problèmes généralement passés sous silence :

  • les 17 rapports réalisés en 2011 par les inspections générales de l’Éducation Nationale et seulement diffusés par V. Peillon montrent que « l’administration a une connaissance très imparfaite du nombre réel des absences du corps enseignant car elles ne sont pas déclarées lorsqu’elles sont inférieures à 15 jours »
  • les difficultés de recrutement : en 2011, 978 postes sont restés vacants et 706 l’ont été en 2012 dont 298 pour les professeurs de mathématique. Le problème se pose déjà pour 2013 : comment recruter autant d’enseignants que de postes à pourvoir pour combler les départs en retraite et satisfaire les promesses électorales de F. Hollande ?
  • des salaires peu attractifs : une étude menée par l’OCDE révèle que la rémunération annuelle  moyenne des enseignants du primaire et du secondaire ayant 15 ans d’ancienneté est de 47 800€ en Allemagne et de 26 700€ en France tout juste devant la Grèce avec 26 000€
  • les formations dispensées dans l’Enseignement supérieur ne sont pas toujours adaptées aux attentes du marché du travail ; le budget 2012 des filières universitaires est révélateur :
      • Sciences du vivant………………………………………. = 3,75 milliards €
      • Sciences humaines……………………………………..  = 3,25       ”
      • Sciences exactes (math. Physique, chimie)   = 1,80       ”
      • Production et technologies industrielles…….  = 1,38       ”
  • le palmarès de Shanghai des 500 premières universités mondiales : fondé sur des critères qui favorisent la recherche en sciences exactes au détriment de la qualité de la formation ce classement, annuel depuis 2003, est parfois contesté mais toujours attendu et redouté ! En 2012, loin derrière les États-Unis qui monopolisent la première place, la Chine arrive en seconde position, suivie de l’Angleterre, de l’Allemagne, du Japon, du Canada et de la France qui partage la 7ème place avec l’Italie.

En complétant ce qui précède par le fait que trop d’élèves intègrent le secondaire avec un niveau insuffisant en français (compréhension de texte, orthographe) et en arithmétique, on arrive aux constats suivants :

  • 120 000 à 150 000 jeunes quittent le second degré sans aucune formation
  • d’autres sortent des Universités avec un diplôme dont chacun sait par avance qu’il sera difficilement monnayable sur le marché du travail ; tel sera sans doute le cas de ceux qui auront obtenu la licence de la chanson d’expression française créée à l’Université Bordeaux III pour loger quelques bacheliers et retarder leur inscription à Pôle emploi.

Le résultat est qu’à fin juillet 671 200 jeunes de 16-25 ans étaient sans aucun travail.

Pierre Jeanthon

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