Europe / international

« Urgence » en Irak : de qui se moque-t-on ?

« Bon, François, je sais que ça t’embête mais il va falloir se résoudre à s’occuper du dossier Irakien si on veut gagner quelques points de popularité. » C’est sans doute ce qu’a dit son conseiller à François Hollande ces jours-ci.

En effet, lors de l’ouverture de la conférence sur la paix et la sécurité en Irak ce matin au Quai d’Orsay, François Hollande a affirmé qu’il n’y avait « pas de temps à perdre » face à l’État islamique.

Pas de temps à perdre ?

L’Etat Islamique (EI) est une organisation terroriste islamique prônant le djihad fondée le 13 octobre 2006 par le regroupement de six groupes djihadistes dont Al-Qaïda en Irak. Entre 2004 et 2013, l’EI commet 1 452 attentats en Irak. Uniquement de mars à novembre 2013, ces attentats font 6 000 morts. Ils ont également rejoint la rébellion en Syrie contre Bachar el-Assad et ont donc pu s’en donner à cœur joie dans les massacres et exactions diverses. Soit dit en passant, on sait que la France a livré des armes aux rebelles libyens1 ainsi qu’aux rebelles syriens, à savoir notamment des mitrailleuses de calibre 12.7 mm, des lance-roquettes, des gilets pare-balles, des jumelles de visée nocturne et des moyens de communication2. On en vient donc à comprendre que les djihadistes de l’EI utilisent vraisemblablement des armes… françaises. Cocorico.

À partir de décembre 2013, des combats ont éclaté dans l’ensemble de l’ouest de l’Irak impliquant des milices tribales, l’armée irakienne et l’État Islamique en Irak et au Levant. En mai 2014, Cristophe Ayad, journaliste au Monde, évalue les forces de l’EIIL à environ 10 000 hommes en Irak et 7 000 à 8 000 en Syrie.

En juin 2014, l’EIIL lance une grande offensive dans le nord de l’Irak. Les premiers combats s’engagent le 5 juin, et le 6 juin 2014, ils se lancent à l’assaut de Mossoul, la deuxième plus grande ville d’Irak, peuplée de deux millions d’habitants et capitale de la province de Nivine. Sur ces terres vivent parmi les plus vieilles communautés chrétiennes au monde. Le 10 juin, le drapeau noir de l’État islamique en Irak et au Levant flotte sur les bâtiments officiels de Mossoul. Pour les chrétiens, le calvaire a commencé en 2003, mais à partir de la bataille de Mossoul, chrétiens, yazidis et chiites vont vivre l’enfer. Dès juin, massacres, crucifixions, mutilations, exécutions sommaires et dhimmitude seront le lot de milliers de civils et militaires dans les régions contrôlées par l’EIIL.

Des associations humanitaires comme SOS Chrétiens d’Orient ou Fraternité en Irak sont allées rapidement sur place pour aider à leur mesure ces hommes, femmes et enfants persécutés.

Et le 15 septembre 2014, soit plusieurs années après le début des attentats commis par EIIL, soit trois mois après le début de l’offensive en Irak, François Hollande ose clamer qu’il n’y a pas de temps à perdre face à l’Etat Islamique ? Depuis des semaines, des manifestions et pétitions réclament d’apporter de l’aide aux Chrétiens d’Orient, depuis des semaines ces populations souffrent le martyre dans un grand silence international. Courant juin, Ban Ki-moon s’est bien dit « indigné » par les massacres de civils mais cela n’a donné lieu à aucune décision.

Pourquoi donc a-t-il fallu attendre le mois de septembre pour que différents pays, dans l’attente des déclarations de César-Obama, se décident enfin à agir ? Faut-il penser que les chrétiens sont des sous-hommes et que les « grands » de ce monde préféraient attendre qu’ils soient proches de l’éradication pour agir ?

Bien sûr qu’il y a urgence en Irak, mais il est déjà trop tard pour des milliers d’Irakiens chrétiens, yazidis et chiites.

Pierre Ardent

1 : http://www.lefigaro.fr/international/2011/06/28/01003-20110628ARTFIG00704-la-france-a-parachute-des-armes-aux-rebelles-libyens.php

2 : http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/08/21/comment-paris-a-livre-des-armes-aux-rebelles-syriens_4475027_3218.html

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.