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Raqqa delenda est !

Pour reprendre une célèbre citation attribuée à Caton l’Ancien, « Carthago delenda est », il faut détruire Carthage, il faudrait répéter, ici et maintenant, Raqqa delenda est, il faut détruire Raqqa ! Non que j’aie quoique ce soit contre cette cité syrienne fondée par Séleucos II au IIIe siècle. Il faut au contraire souhaiter que cette ville et sa population puissent être libérées au plus vite. Cependant, si j’écris aujourd’hui Raqqa delenda est, c’est parce que je suis persuadé que c’est vers cet endroit qu’il conviendrait de concentrer tous les efforts du monde libre afin d’y détruire, non pas la ville, mais le nid de frelons qui en a fait sa capitale depuis 2013. C’est là que le mégalomane criminel qui s’est autoproclamé « calife » se cache, c’est là qu’est installé le centre de commandement du groupe terroriste qui s’est lui-même nommé « Etat Islamique », c’est là que sont retenus captifs et esclaves des centaines de Yézidis, Chrétiens ou Kurdes, c’est là que convergent les centaines, voire les milliers de soi-disant djihadistes  venus d’Occident, du Maghreb et d’ailleurs, c’est là que d’odieux meurtres de masse sont commis.

Des forces spéciales occidentales, des troupes d’élite égyptiennes, israéliennes ou autres seraient-elles incapables de monter une opération  coordonnée pour porter un coup fatal à ce gang criminel qui terrorise les populations sous son contrôle et exporte son amour pervers pour les crimes les plus odieux, les plus brutaux, qui cherche à susciter l’émulation chez les marginalisés, les petits trafiquants et les voyous des grandes banlieues européennes ou les  laissés pour compte et les chômeurs de Tunisie et d’ailleurs.

La politique syrienne de la France et de ses alliés européens, qui vise à isoler, affaiblir et éliminer le régime de Damas a permis aux groupes armés islamistes de prospérer et à l’Etat Islamique de gagner chaque jour davantage de terrain. Certes, la dictature Assad père et fils n’est guère fréquentable. Mais encourager son renversement dans les circonstances présentes est tout simplement irresponsable. D’autant que ce régime, malgré ses innombrables défauts, a au moins une qualité : étant lui-même issu d’une minorité religieuse, il a permis aux nombreuses minorités religieuses du pays de coexister avec la majorité, et aux diverses communautés de pratiquer leurs religions en paix. Ce qui est déjà un luxe inouï si on le compare aux situations prévalant dans des pays de la région, tels que notre grand allié l’Arabie Saoudite !

Nul n’est besoin de revenir ici sur la désastreuse politique étasunienne en Irak. La dissolution de l’ex-armée irakienne puis la formation et l’armement d’une nouvelle armée inexpérimentée a eu des conséquences catastrophiques.  Cette armée a pris la fuite dès que les premiers coups de feu ont été tirés et l’armement ultramoderne made in USA est passé aux mains de l’Etat Islamique, ainsi qu’une grande partie du territoire irakien. S’il est vrai  que Bush junior a agi stupidement en Irak, Obama a quant à lui pris des décisions qui relèvent de l’inconscience et de la naïveté.

Que dire de l’opération franco-britannique en Libye ? Certes, notre planète compte un dictateur de moins, mais on peut mesurer chaque jour les effets désastreux de cette action : ouverture à tous vents des énormes arsenaux de Kadhafi, multiplication des milices armées en Libye qui s’affrontent pour le pétrole et pour le pouvoir, déstabilisation des pays sahéliens comme le Mali (laquelle déstabilisation a entrainé la couteuse intervention militaire française, qui est loin d’être terminée) et enfin afflux de migrants qui, aux mains d’ignobles mafias, s’embarquent sur des rafiots pourris et surchargés pour tenter d’atteindre les rivages européens. Dernière conséquence lourde de menaces pour l’Afrique du Nord et pour l’Europe : l’installation durable, en territoire libyen, de groupes armés inféodés à l’Etat Islamique.

Il y a eu les drames de Montauban et de Toulouse, ceux de Bruxelles, de Paris et de Copenhague. Ce 26 juin, nous avons eu la première tentative d’attentat suicide et la première décapitation en territoire français. Si cette attaque avait réussi, les morts se seraient comptés par centaines, peut-être par milliers. Le même jour, des dizaines de touristes tombaient sous les balles d’un jeune endoctriné, sur une belle plage de Tunisie. Il ne fait aucun doute que d’autres tentatives vont suivre, toujours plus graves, toujours plus sanglantes et toujours encouragées par l’odieuse propagande venue de Raqqa, relayée par internet.

Est-il encore temps d’enrayer cette escalade dans l’horreur ? Je n’ai aucun doute que les autorités françaises font le maximum pour tenter de prévenir d’éventuels attentats. Mais les forces de sécurité ne pourront jamais être assez nombreuses et elles sont incapables d’être partout en même temps : devant les églises, les synagogues, les écoles, les gares, les aéroports, les complexes pétrochimiques ou les centrales nucléaires. Je pense donc que, même si toutes ces mesures sécuritaires sont nécessaires, il convient de frapper un grand coup au cœur même du dispositif ennemi, à Raqqa et ailleurs, que ce soit en Irak, en Syrie ou même en Libye. Une telle opération ne devra pas être menée par la France seule (contrairement à celle du Sahel) et elle est chaque jour plus urgente. Les bombardements aériens ne suffisent plus. « Techniquement, ils ne sont pas puissants. Ils ne représentent que 30 à 40 000 hommes. Leurs véhicules sont des pickups Toyota munis de quelques fusils. Ils n’ont pas un seul aéronef, pas d’hélicoptère » a déclaré le général et ancien premier ministre israélien Ehoud Barak lors d’un récent entretien accordé à une chaîne de télévision russe, avant d’ajouter : « L’État islamique pourrait être éliminé en deux jours ». Ce vétéran de plusieurs guerres parle certainement en connaissance de cause. Avant même qu’une telle opération ait lieu, il faudra aussi engager une guerre informatique et technologique permettant de détruire les outils de propagande de l’Etat Islamique.

J’entends déjà les bon esprits m’accuser d’être un dangereux « va-t’en guerre ». Je reste cependant persuadé qu’il vaut mieux y aller maintenant car dans un an, dans deux ans, cela risque d’être  beaucoup plus compliqué et peut-être même impossible à réaliser, lorsque toute la Syrie et peut-être même toute la Libye seront aux mains de l’Etat Islamique. Il ne s’agira pas de partir à la conquête de ces pays mais seulement d’effectuer une opération ponctuelle permettant d’éliminer la direction, les infrastructures, la logistique et l’équipement de DAESH.

Parallèlement, en France même, il conviendrait de faire preuve de la plus grande fermeté face aux dérives islamistes sectaires et communautaristes. Le gouvernement tunisien vient d’ordonner la fermeture de 80 mosquées salafistes, en réaction au massacre de Sousse. Les autorités françaises ne pourraient-elles pas agir de même ? Et en profiter pour expulser tous les imams et prêcheurs étrangers, salafistes, frères musulmans ou autres. La plupart des Musulmans de France, qui n’aspire qu’à vivre en paix mais qui craint les islamistes, ne pourra que se réjouir de telles mesures de fermeté.

Alors, au risque de décevoir ceux qui préfèrent tendre l’autre joue et attendre qu’un attentat encore plus grave soit commis, je vais répéter inlassablement, comme le faisait Caton l’Ancien au sujet de Carthage : Raqqa delenda est !

Hervé Cheuzeville

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