Chretienté/christianophobie

(Reportage) Le dimanche des quatre papes

Ce dimanche 27 avril, jour de la Divine Miséricorde, Rome a connu une effervescence hors du commun : si les papes Jean XXIII et Jean Paul II ont été canonisés ensemble, à Rome, place Saint-Pierre, le pape François et le pape émérite Benoit XVI ont concélébré la messe, ce qui représente un fait unique. Ainsi, deux papes vivants témoignaient de deux saints Papes. Ils sont saints par leur vie, pas par le fait qu’ils sont papes. Aucun homme ne peut d’ailleurs prétendre être un saint parfait. Seul le Christ l’est. Le Pape François était aux commandes à l’autel, Benoit XVI, très affaibli, s’appuyant sur une canne, est venu assister à cet événement historique, qui souligne – si tant est que cela soit nécessaire – que l’Église poursuit sa route depuis 2 000 ans avec une détermination d’évangélisation, de transmission et une inspiration de connaissance du monde qui impose le respect. Le Saint Esprit veille indiscutablement au présent et à l’avenir de l’Institution. Et si aujourd’hui, le message du Pape porte loin, très loin, c’est aussi grâce aux médias, internet et autres, qui permettent la transmission de la Révélation.

Rome est habituée aux grandes célébrations universelles et l’organisation de ce 27 avril fut tellement parfaite qu’on peut se demander si on l’a vraiment vécue ! Il fallait tout de même dormir la veille à proximité de la place Saint Pierre, dans des conditions on ne peut plus spartiates, pour pouvoir dès l’ouverture des grilles à 04 h 00 du matin se lever, se précipiter pour espérer disposer d’une place, toute petite et en position debout. Précisons que malgré la fatigue d’une nuit quasi blanche et d’une tension extrême, il n’y eut pas de blessés dans cette prise de position. Même les religieux couraient, du jamais vu ! La pluie et un temps peu clément n’ont pourtant eu aucune influence sur le moral des fidèles. Pour se préparer dès la veille à cet événement, des chants, des prières, des chapelets, presque en non stop. Au cours de la journée, des milliers de volontaires, présents pour secourir, ont cependant dû intervenir pour assister qui se trouvait mal, qui tombait de fatigue, d’émotion, qui n’en pouvait plus… un hôpital de campagne avait même été monté et des milliers de bouteilles d’eau distribuées. La place ne peut recevoir plus de 250 000 personnes. 350 000 ont pourtant réussi à s’installer, coude à coude. Les autres pèlerins (au total 800 000) ont dû se résigner à occuper toutes les autres rues, disposant toutefois d’écrans géants pour suivre la cérémonie. Les plus chanceux ont pu s’installer devant l’ambassade de France.

Le pape François a certainement eu raison de vouloir canoniser les deux papes en même temps pour éviter le culte de la personnalité à propos du pape Jean-Paul II. La quasi totalité des fidèles était venue pour ce pape-là. Les polonais pleuraient d’émotion, tellement heureux d’être là, alors qu’à Cracovie et dans toutes les grandes villes de Pologne, on suivait avec une ferveur incroyable le déroulé de la journée. Jean-Paul II, super star aux yeux de tous (ce que le Pape François ne peut admettre et on le comprend), a passé 58 ans de sa vie à sillonner la Pologne, à lui redonner espoir, à faire preuve dans toutes les circonstances d’un courage exceptionnel et à contribuer à la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989. Qui prend en considération le fait que si Vatican II a ouvert en grand portes et fenêtres de l’église, grâce au courage et à la volonté de Jean XXIII, lui donnant ainsi une autre dimension, le pape Jean-Paul II n’a fait que poursuivre dans cette voie ? Il ne faut jamais oublier que les actions d’un pape, quel qu’il soit, ne sont que le prolongement du prédécesseur. Dans l’église,tout a un sens et une continuité exceptionnelle depuis que le Christ a dit à Pierre qu’il était le bâtisseur de son église. Depuis 2 000 ans, l’Église poursuit son chemin et chaque pape s’efforce de lui apporter un plus, sans rien changer aux fondamentaux.

Quelques précisions : Sœur Marie-Simon-Pierre, la miraculée de Jean-Paul II, guérie de la maladie de Parkinson, était là, tout de blanc vêtue ; une centaine de délégations étrangères, représentant les cinq continents,  dont 24 chefs d’état et des têtes couronnées,  attestait de l’importance de cette canonisation ; 1 700 bus ont réussi à venir ; 150 cardinaux, 6 000 prêtres, ont pu être vus sur les 19 écrans géants (d’ailleurs, on ne pouvait suivre que grâce à ces écrans !) ; des milliers de drapeaux flottaient,  mais celui de la Pologne dominait toutefois ; cinquante séminaristes – pour le seul diocèse de Zielona Gora et Gorzow à l’ouest de la Pologne qui compte 500 prêtres – c’est dire l’admiration et la fierté des Polonais ; de nombreuses personnalités, religieuses et politiques assistaient à la cérémonie, parmi lesquelles le Roi et la Reine d’Espagne, François Fillon et Bernadette Chirac, à titre privé  ; Manuel Valls, Premier ministre, représentait la France (il en fallait bien un). Ce dernier, ayant à rattraper ses mauvaises actions de répression à propos de la « Manif. Pour Tous »,  a tenté de montrer un autre visage où ses maitres mots ont été : “respect, espérance et sacré”. Il parait qu’il a été sifflé, ce qui est tout de même plus qu’indécent dans un tel lieu.  Le Vatican est en effet un État et le Premier ministre n’a fait qu’accomplir une démarche de représentation diplomatique au titre d’un état laïc.

Tout a commencé à 9 h. C’est à 10 h 15 précises que le pape François a annoncé ce pour quoi les pèlerins étaient là :«Nous déclarons et définissons saints les bienheureux Jean XXIII et Jean Paul II, et nous les inscrivons dans le catalogue des saints et établissons que dans toute l’Église,  ils soient dévotement honorés parmi les saints». Jean Paul II, dont le nom civil est Karol Wojtyla et Jean XXIII,  Angelo Giuseppe Roncalli,  ont été canonisés le même jour et seront fêtés le même mois. Le saint pape italien, le 11 octobre, date de l’ouverture du concile Vatican II et le saint pape polonais, le 22 octobre, date de la messe inaugurale de son pontificat en 1978. La messe s’est déroulée « normalement ». Dans son homélie, François a rappelé à propos de ces prédécesseurs canonisés : «Ils ont été des prêtres, des évêques, des papes du XXe siècle. Ils en ont connu les tragédies, mais n’en ont pas été écrasés. En eux, Dieu était plus fort.»

Autre temps important en dehors de celui de cette proclamation, celui des reliques : un peu de sang de Jean-Paul II et un petit fragment de peau de Jean XXIII. Les catholiques du monde entier ont besoin de ces reliques (tout comme des statues) qui attestent du passage réel sur terre d’un saint, besoin de témoignages : c’est humain, simplement humain, rien d’autre. Qui ne se sent réconforté, apaisé en voyant, en touchant ces reliques ?

Le tour de force réalisé par le pape François pour cette journée fut certainement d’avoir réussi à garder tout au long de celle-ci un caractère de sobriété, dans l’émotion, le recueillement, le silence. Les mots manquent – avouons-le – pour dire combien cet événement spirituel marquera le cœur et l’esprit de ceux qui l’ont vécu en direct… un certain jour d’immense ferveur, rien à voir avec l’effervescence des JMJ.  Il parait que 2 milliards de personnes ont suivi l’événement sur les cinq continents à la télévision. Nous étions ce 27 avril dans le sacré, en direct avec le Ciel, la Divine Miséricorde et nos deux nouveaux Saints. Eux qui ont bien connu sur terre toutes les réalités des hommes, qu’ils nous protègent et veillent sur nous…

Solange Strimon

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