Chretienté/christianophobie

Sur les traces du Saint-Suaire de Turin

Cette relique, qualifiée  d’icône du Christ, n’aurait pas dû revoir le jour avant 2025, année jubilaire. Mais le pape François, venu visiter ce 24 juin Turin, une ville industrielle du nord de l’Italie,  a souhaité se recueillir devant cette relique qui demeure une fantastique énigme scientifique. Sans doute cherchait-il dans ce face à face avec le Christ l’inspiration pour influencer les grands de ce monde à mieux traiter les drames auxquels le monde est confronté, cette société écartelée entre l’accueil des migrants, toujours plus nombreux, l’individualisme croissant et l’égoïsme forcené des puissants, les Etats européens, qui malgré l’esprit de fraternité dans lequel ils ont été créés, se réfugient dans leur tour d’ivoire et ne veulent rien voir, rien entendre, rien dire.

Le Saint-Suaire, cette pièce de lin de 4,36 m sur 1,10 m, n’est pas à proprement parler une relique, mais une représentation permettant aux croyants d’entrer en contact avec un mystère de la foi catholique, la mort du Christ crucifié sur la Croix.  Plus d’un million de personnes (1,2 million) s’est recueilli durant trois mois dans la cathédrale de Turin devant le Saint-Suaire, linceul qui aurait enveloppé le corps du Christ.  90% des fidèles étaient des Italiens, ce qui montre l’importance de ce culte populaire dans le pays, la plupart des autres étant des Européens. La crise économique et une absence de communication par les médias n’ont pas permis d’atteindre le chiffre de 2 millions, comme ce fut le cas en 2010. Nous y étions et nous avons connu cette ferveur incroyable qui circulait dans les files d’attente où la prière dominait dans le recueillement. Nous avons acquis la certitude qu’il s’agissait bien de Jésus-Christ, compte tenu du climat de surexcitation qui régnait pour arriver jusqu’à cette relique. Les marchands du temple ne manquaient pas en 2010 et nous avons même ramené ô sacrilège une petite poupée, sans rapport avec le Christ. Nous avions tout de même acquis des chapelets, des croix et autres objets, qui ont fait le bonheur d’amis et de relations, qui pour rien au monde ne s’en sépareraient, ces souvenirs ayant été bénis par un prêtre du lieu.  Valeur inestimable !

Selon la tradition, l’empreinte du corps de Jésus supplicié, et en particulier son visage, se seraient imprimés sur cette toile, découverte au XIVe siècle dans une collégiale près de Troyes (France), et acquise par le Vatican en 1983. Mais l’Église ne s’est jamais prononcée sur son authenticité, et ne se risquera jamais à le faire. Pourquoi prendre un tel risque alors que des millions de croyants ont la certitude qu’il s’agit bien du Christ. Cette pièce d’étoffe, au centre d’un débat passionné depuis des générations entre scientifiques et représentants de l’Eglise, reste un grand mystère. Il existe une véritable fascination des croyants pour cette pièce d’étoffe entourant le visage d’une dépouille. En voyant le Saint-Suaire, difficile d’imaginer le corps de Jésus-Christ après sa crucifixion, mais les premières photographies prises de cette relique laissent apparaître sur les négatifs la silhouette d’un homme barbu avec les mains repliées sur son bas ventre. Des traces évidentes de blessures sont également visibles et elles coïncident étrangement avec les stigmates du Christ (crucifixion, couronne d’épine, flagellation, etc.).

Au niveau historique,  le corps du Christ fut effectivement recouvert d’un linceul après sa crucifixion (apparition dans l’évangile de Jean). Qu’est devenue cette étoffe ?  Il n’existe aucune preuve écrite de son trajet jusqu’en 1357, date à laquelle elle réapparaît dans l’église de Lirey (Champagne), propriété de la famille Charny. Le Pape de l’époque, Clément VII, autorise son exposition, alors que l’évêque de Troyes refusait les ostensions de la relique. Ce même Pape décide en plus de la classer comme sainte relique l’année suivante sans pour autant l’authentifier. Au XVe siècle, elle prend la direction de Chambéry, passant par Dole, Paris, Liège, Genève, Annecy, Bourg-en-Bresse et Nice entre autre, avant de se retrouver à Turin, rachetée par la famille de Savoie.

Malheureusement,  elle subira quelques dommages lors de son passage à Chambéry en 1532, suite à un incendie à la Sainte-Chapelle. Sauvée de justesse,  elle sera réparée tant bien que mal (plutôt mal que bien) par les Clarisses, d’où les différences de couleur des petits triangles apparaissant sur le linceul. Ce dernier arrive à Turin en 1578 et il faillit disparaître suite à un autre incendie en 1997.

L’Eglise a toujours considéré ce linceul comme une sainte relique, au même titre qu’une statue, un endroit ou un bâtiment, un objet de vénération représentatif de la religion chrétienne. Il existe tant de livres sur ce Saint-Suaire que nous ne saurions vous en recommander un.

Tant d’hypothèses existent que nous n’allons pas nous lancer dans la description de toutes les études réalisées pour parvenir à déchiffrer ce mystère.  Il est certain que l’homme qui fut enveloppé dans ce linceul a bel et bien été crucifié. Les romains avaient utilisé ce système de torture jusque dans les années 300 après J.-C. De plus les traces qui apparaissent en négatif sur le linceul semblent bien être du sang, résultant d’une crucifixion. Un chercheur américain en a apporté une preuve scientifique ! La famille Charny, à qui appartenait la relique, était issue d’un illustre ancêtre qui avait combattu aux côtés des Croisés à Constantinople. Il semblerait que ce croisé aurait pu ramener le linceul en revenant des Croisades. Mais pas de preuves, pas d’écrits sur le parcours de cette « relique ». Beaucoup de conditionnel, qu’importe.

Les clichés du Saint-Suaire pris en 1898 par un photographe italien prouvent que le linceul était déjà une sorte de négatif en tant que tel, et non une peinture du moyen-âge comme souvent évoquée. En 1978, la première étude scientifique est menée par une vingtaine de chercheurs américains du STURP et reconnue par le Vatican. Ils font des analyses de l’objet et prélèvent des échantillons de surface. Rien de convaincant. En 1988 une nouvelle étude est mise sur pied afin de dater le Saint- Suaire. Trois universités (Arizona, Oxford et Zurich) sont chargées d’examiner des petits prélèvements du tissu et de le dater. Ces universités sont contrôlées par des organismes indépendants, afin que rien ne soit laissé au hasard et que tout soit correctement effectué. Cette datation fut effectuée par le système du Carbone 14. Les résultats donnent une date évaluée entre 1260 et 1390 avec une certitude à 95%. Mais comment se fier à des (petits) échantillons ? D’autres questions se posent et compliquent les suppositions. Et il devient dangereux pour la survie de cette pièce unique de la sortir de son lieu de protection. De toute façon, même s’il était prouvé que ce Saint-Suaire était un « vrai », il existerait toujours des non-convaincus.

Que l’on croit ou non à ce Saint-Suaire, comme étant celui du Christ, il n’en demeure pas moins vrai que cet objet si vénéré de la chrétienté dans la chapelle Guarini de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste, là où le linceul est conservé « représente pour la communauté turinoise, et pour l’entière Église universelle, un point de référence très important pour la vie de foi de tant de personnes et de communautés, qui dans l’image de ce visage cherchent, reconnaissent et trouvent les signes de la Passion du Seigneur, de Jésus, qui inspire notre vie et nous incite à réaliser pleinement notre vocation la plus profonde. »(Mgr Cesare Nosiglia, archevêque de Turin, gardien pontifical de la relique).  

Pour Benoît XVI, le Saint-Suaire est comme « une icône écrite avec le sang » et même si les portes de cette énigme, née de la ferveur populaire incommensurable des chrétiens, sont fermées pour un certain temps, nous ne saurions que trop vous suggérer d’aller à Turin et de vous imprégner de ce Christ, si vivant dans nos veines et si palpitant dans notre cœur. Que cette semaine – que nous avons voulu placer sous la protection du Saint-Suaire – vous soit généreuse et belle…

Solange Strimon

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