Chretienté/christianophobie

L’esprit de la croisade

Depuis quelques semaines on voit apparaître leur nom ou leur visage dans la presse. Ils viennent de la banlieue de Londres, de l’Oklahoma, du Kentucky et ils abandonnent tout pour partir se battre au Levant, avec les Kurdes ou les chrétiens, contre l’État islamique.

Durant l’été, c’était un coiffeur kurde de la banlieue de Londres qui avait servi de figure de proue à ce mouvement. Il semblait presque anodin. Que quelques dizaines ou centaines de kurdes partent se battre avec leurs frères, voilà qui n’avait rien de surprenant.

Mais cette fois, ce sont des chrétiens anglo-saxons qui ont fait le choix de liquider leurs entreprises, de fermer leurs magasins et de partir se battre pour défendre les chrétiens orientaux. Combien sont-ils ? Quelques dizaines tout au plus. D’où viennent-ils ? Certains sont d’anciens soldats qui ne parviennent pas à raccrocher leur fusil au manteau de la cheminée. D’autres n’ont jamais porté les armes, mais ils ont l’âme chevaleresque. Ô ! Certes ! Ils n’ont pas grand-chose à voir avec Godefroy de Bouillon. Mais il y a comme une lointaine parenté entre cet ancien videur de boîte de nuit, entrepreneur dans le bâtiment, parti en Irak après avoir vendu sa maison, et ces paysans qui, montés sur des charrettes, suivaient les chevaliers et, de ville en ville, demandaient naïvement si c’était là cette Jérusalem qu’ils étaient partis délivrer.

Cette action armée, pour la défense des chrétiens d’Orient est le germe, certainement, de brigades internationales chrétiennes, issues principalement du monde anglo-saxon. Maintenant que les médias en parlent, Internet aidant, il n’y a aucune raison que le mouvement ne fasse pas tache d’huile. Ces hommes s’agrégeront sans doute aux milices chrétiennes arabes déjà présentes. On peut supposer que ces groupes ne tarderont pas à être encadrés par des militaires professionnels, détachés sur place, pour les protéger, les former et augmenter leur capacité combative. Ce sera alors un moyen de mener des opérations au sol, avec du matériel militaire occidental, sans le dire, et sans humilier les peuples arabes par une nouvelle invasion, mais cette fois en leur donnant la gloire du commandement, tout en menant des opérations de soutien, comme supplétifs.

Il faut rapprocher ces événements en marche des initiatives venues de France d’associations humanitaires pour les chrétiens d’Orient. Les diocèses se taisent mais agissent en sous-main. L’Œuvre d’Orient, l’Aide à l’Église en détresse, SOS chrétiens d’Orient sont autant d’associations, récentes ou anciennes, qui multiplient, en Irak et en Syrie, les projets de reconstructions d’écoles, de dispensaires et d’églises et qui lèvent des fonds pour rebâtir ce que les djihadistes ont détruit.

Enfin, sur place, en Orient, deux phénomènes doivent être relevés, d’une part l’organisation militaire, de plus en plus efficace de milices d’auto-défense, chrétiennes, et des vieilles milices kurdes : et d’autre part l’émergence de l’Egypte comme cœur de la lutte contre l’islamisme dans la région. L’Egypte militaire, nationaliste et sécularisée s’est réveillée avec le Maréchal Président Sissi. On a craint, un instant, que le peuple égyptien, débarrassé de Moubarak, se donnerait aux Frères musulmans. Mais ceux-ci, enhardis par leur facile prise de pouvoir sont allés trop loin trop vite et ont écœuré jusqu’à leurs plus chauds partisans dans le peuple. La dictature de Sissi est maintenant solidement implantée et si ses ressortissants dans le monde arabes sont directement menacés, elle rend coup pour coup. La vente par la France d’un groupe d’avions Rafale et d’une frégate, à l’Egypte, sont aussi le signe que le pays n’est pas seul.

La France, d’ailleurs, s’investit de plus en plus dans la région. Elle est l’un des premiers contributeurs militaires aux frappes aériennes contre l’État islamique et elle réalise, là-bas, des ventes d’armes qui ne pourront que servir utilement à la défense de la paix. Au sol, des forces spéciales, en petit nombre, sont à pied d’œuvre. Rien d’officiel, bien sûr, mais lorsque le commandement militaire déplore qu’il y ait trop peu d’hommes au sol pour guider les avions vers leurs cibles, on peut surtout en retirer avec satisfaction la confirmation d’une présence militaire française sur place.

Discrètement, sans trop le dire, un arc de la lutte contre l’islamisme se met en place au Levant. Certains ressassent à l’envi la responsabilité des Occidentaux dans le désastre actuel en ayant pendant des années soutenu les ennemis de Bachar el Assad ou de Saddam Hussein. Certains accusent les Américains d’avoir nourri l’État islamique sans le savoir.

Cela est vrai. Mais maintenant il faut regarder l’avenir et se féliciter des engagements qui naissent. La guerre qui a commencé sera longue, coûteuse en hommes et en argent. Elle se déplacera tôt ou tard en Occident dans des proportions qui nous feront prendre les attentats du 7 janviers pour de la roupie de sansonnet.

Pour l’heure les différents groupes réunis contre l’islamisme manquent de coordination, car ils proviennent de partis antagonistes. Il semble difficile aux Américains de soutenir ouvertement leurs ressortissants partis se battre en Irak, tout comme ils ne peuvent pas soutenir l’Iran qui combat activement l’EI aux côtés du régime syrien. De la même manière, les Kurdes, marxistes, sont d’étranges alliés et ne s’approchent pas de Bachar. Tous avancent, en ordre dispersé. Mais au moins ils avancent pour stopper la bête. Il n’y a plus qu’à espérer que vienne vite le jour où, laissant les postures idéologiques de côté, ainsi que les stratégies à courte vue, ils s’allient contre leur adversaire commun. La route est ouverte…

Gabriel Privat

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